Onco-Digestif

Cancer du pancréas : l’immunothérapie peut booster l’efficacité des inhibiteurs de KRAS

Une étude préclinique pose les bases d’une association synergique entre immunothérapie et inhibiteurs de KRAS dans le traitement du cancer du pancréas de type adénocarcinome canalaire (PDAC), avec des réponses complètes chez la moitié des souris traitées.

  • Panuwat Dangsungnoen/istock
  • 15 Mar 2025
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    Le cancer du pancréas, principalement sous forme d’adénocarcinome canalaire (PDAC), se caractérise par un pronostic défavorable en raison d’un diagnostic souvent tardif et d’options thérapeutiques limitées. Près de 90 % des formes de PDAC sont associées à une mutation de KRAS, longtemps considérée comme « intraitable ». Les premières générations d’inhibiteurs ciblant spécifiquement KRAS G12C ont également dévoilé des mécanismes de résistance, rendant difficile la poursuite du contrôle tumoral à long terme.

    Dans le travail rapporté dans Cancer Discovery, une équipe de l’Université de Pennsylvanie a étudié des inhibiteurs multi-sélectifs de RAS à l’état actif (daraxonrasib, RMC-6236, et RMC-7977), capables de cibler plusieurs formes mutées de RAS(ON). Chez des souris immunocompétentes porteuses d’adénocarcinome canalaire (PDAC), l’administration de ces molécules a induit une régression tumorale rapide et profonde, modulant l’environnement tumoral (diminution des cellules myéloïdes immunosuppressives, augmentation des lymphocytes T et des macrophages). L’effet a été encore plus marqué lorsque ces traitements ciblant RAS(ON) ont été associés à une immunothérapie : tous les animaux ont présenté une réduction de la masse tumorale et 50 % d’entre eux ont obtenu une réponse complète, supérieure à celle observée avec un seul agent.

    Reprogrammation du microenvironnement tumoral amorcée par l’inhibition de RAS

    Au-delà de la diminution de la progression tumorale, l’étude a permis d’analyser précisément l’effet sur le microenvironnement immunitaire. Les inhibiteurs RAS(ON) ont favorisé l’infiltration en cellules T, créant un contexte plus propice à l’efficacité du traitement immunothérapique. Sur le plan de la tolérance, aucun signal préoccupant n’a été relevé : chez la souris, la tolérance au traitement est restée satisfaisante, sans toxicités limitantes de dose rapportées dans ce modèle. Les auteurs soulignent par ailleurs la robustesse de ce résultat dans différents sous-groupes précliniques, y compris des tumeurs dont la croissance était déjà bien établie. Cette approche paraît donc renforcer l’immunogénicité intrinsèque de la tumeur, ce qui pourrait expliquer la qualité et la durabilité des réponses observées.

    À noter que, dans les mêmes conditions expérimentales, l’emploi isolé d’inhibiteurs RAS(ON) induisait déjà une forte régression tumorale, mais sans atteindre les taux de réponses complètes de la combinaison. Ces données suggèrent un rôle complémentaire de l’immunothérapie, qui s’appuie sur la reprogrammation du microenvironnement tumoral amorcée par l’inhibition de RAS(ON).

    Une reproduction plus fidèle de la complexité du microenvironnement tumoral

    Les résultats proviennent d’un modèle de référence développé à l’Université de Pennsylvanie, où la tumeur pancréatique est implantée chez des souris immunocompétentes, permettant au cancer d’évoluer spontanément. Cette configuration reproduit plus fidèlement la complexité du microenvironnement tumoral, contrastant avec des approches in vitro ou avec des animaux immunodéficients. Grâce à cette méthodologie, les chercheurs ont pu suivre, in vivo, l’effet des inhibiteurs RAS(ON) sur la population cellulaire infiltrant la tumeur, puis explorer la synergie obtenue par l’addition d’une immunothérapie.

    Ces découvertes renforcent l’idée qu’une ciblage multi-sélectif de RAS(ON) peut limiter le contournement des résistances, tout en créant un cadre favorable à la réponse immune. Daraxonrasib (RMC-6236) est d’ores et déjà évalué en essais cliniques chez l’Homme. Au vu de ces données précliniques, l’ouverture de protocoles combinant inhibition multi-sélective de RAS(ON) et immunothérapie constitue une perspective particulièrement prometteuse pour le traitement du cancer pancréatique, réputé « indifférent » aux immunothérapies classiques. Si les futurs essais cliniques confirment l’efficacité et la sécurité de cette stratégie, il serait possible d’envisager un changement de paradigme dans la prise en charge de l’adénocarcinome canalaire du pancréas, jusque-là marqué par un manque de thérapies ciblées perennes. De plus, la compréhension plus fine des mécanismes immunitaires induits par ces inhibiteurs RAS(ON) pourrait ouvrir de nouvelles pistes de recherche translationelle, visant à optimiser encore la synergie avec d’autres agents immunomodulateurs.

     

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    JDF

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