Onco-Digestif
Cancer colorectal : importance du calcium en prévention dans l’alimentation
Un apport élevé en calcium dans l’alimentation serait associé à une diminution du risque de cancer colorectal, et ce indépendamment de son origine (produits laitiers, sources végétales ou suppléments). Augmenter la consommation de calcium, surtout chez les populations dont l’apport est historiquement faible, pourrait contribuer à réduire ce risque.

- Mizina/istock
Le cancer colorectal est l’un des cancers les plus fréquents aux États-Unis, avec plus de 150 000 nouveaux cas et plus de 50 000 décès estimés pour 2024. De multiples études suggèrent qu’une consommation adéquate de calcium est associée à une réduction du risque de cancer colorectal, un constat particulièrement pertinent quand on sait qu’une part significative de la population (jusqu’à 60 % chez les femmes) ne couvre pas les 1000 mg/j recommandés. Outre les désordres osseux que peut impliquer une carence en calcium, des disparités importantes existent entre différents groupes ethniques, avec des niveaux d’apport particulièrement bas chez les populations asiatiques non hispaniques et noires non hispaniques.
Dans cette large étude de cohorte tirée de la NIH-AARP Diet and Health Study (près de 472 000 participants suivis pendant plus de 20 ans), plus de 10 600 cas incidents de cancer colorectal ont été recensés. Dans un article publié dans JAMA Network Open, les auteurs observent qu’une consommation élevée de calcium, qu’il provienne de sources laitières, non laitières ou de compléments alimentaires, est associée à une diminution du risque de cancer colorectal, toutes localisations confondues (côlon proximal, côlon distal ou rectum). Pour chaque augmentation de 300 mg/j d’apport total en calcium, on note une réduction d’environ 8 % du risque de cancer colorectal dans la population générale. La baisse du risque se maintient après prise en compte des facteurs sociodémographiques, de l’apport calorique et d’autres éléments liés au mode de vie.
Une effet protecteur indépendant de l’âge, du sexe et de l’ethnie
L’analyse par sous-groupes révèle que la relation protectrice du calcium sur le cancer colorectal est globalement homogène, indépendamment du sexe, de l’âge et de la localisation tumorale. Par ailleurs, les chercheurs se sont penchés sur les disparités raciales et ethniques, constatant par exemple chez les personnes noires non hispaniques une fourchette d’apport calcique plus basse que chez les personnes blanches non hispaniques.
Malgré des différences de consommation, il n’a pas été identifié de variation marquée de l’effet préventif du calcium selon l’origine ethnique. Autrement dit, même si les populations présentant des insuffisances calciques plus marquées affichent globalement un risque plus élevé de cancer colorectal, l’impact positif d’une hausse des apports semble comparable d’un groupe à l’autre.
Plus spécifiquement, on note que les apports via les produits laitiers, réputés riches en calcium biodisponible, sont corrélés à une diminution notable du risque tumoral, ce qui concorde avec l’hypothèse d’une liaison du calcium aux acides gras et acides biliaires dans le côlon, susceptible de limiter le potentiel cancérogène de ces composés. Toutefois, la consommation de calcium d’origine non laitière (notamment végétale) est également liée à un bénéfice, même si la bio-disponibilité peut être plus faible du fait de la présence de facteurs anti-nutritionnels (oxalate, phytates). De plus, des apports calciques via des suppléments (généralement 500 à 1200 mg/j) montrent également une relation inverse avec le risque de cancer colorectal.
Aucun signal de tolérance négative majeur n’émerge, bien que certaines études suggèrent un possible sur-risque de lésions précancéreuses (ex. : polypes festonnés) à des doses très élevées sur des temps très longs. Ici, l’association bénéfique persiste au-delà de 5 ou 10 ans de suivi, laissant penser qu’une prise de suppléments calciques standard reste sûre.
Une vaste étude de cohorte nutritionnelle déclarative
Les données proviennent du NIH-AARP Diet and Health Study, une vaste cohorte lancée en 1995-1996 auprès de personnes âgées de 50 à 71 ans, sans cancer diagnostiqué à l’inclusion. Les apports en calcium ont été estimés grâce à un questionnaire alimentaire (FFQ) validé, englobant aussi bien les sources laitières, végétales que l’usage de suppléments.
Le suivi moyen dépasse 18 ans, et la large taille de l’échantillon (plus de 7 millions de personnes-années de suivi) confère une bonne puissance statistique pour étudier l’effet spécifique du calcium sur différents sites tumoraux du côlon et du rectum. Cette conception prospective limite le biais de causalité inverse, d’autant que l’association bénéfique est retrouvée tant pour les diagnostics précoces (< 5 ans) que plus tardifs.
Manger ou ne pas manger de calcium ?
Selon les auteurs, ces résultats soutiennent les recommandations visant à promouvoir une consommation optimale de calcium pour réduire le risque de cancer colorectal. Les médecins pourraient jouer un rôle clé, notamment en encourageant des apports alimentaires adéquats (en particulier chez les personnes à faible consommation, que ce soit par intolérance au lactose ou par habitudes alimentaires restrictives), ou en prescrivant des suppléments calciques si nécessaire.
Néanmoins, cette association ne signe pas causalité dans la mesure où une consommation plus élevée en calcium peut n’être que le reflet d’une alimentation plus saine, qui serait elle-même à l’origine de l’effet protecteur sur le risque de cancer colorectal. Des études avec des analyses de l’effet potentiel des co-nutriments (vitamine D, protéines laitières) et des essais randomisés à long terme permettraient de mieux cerner la place exacte du calcium dans la prévention du cancer colorectal. Il restera également essentiel d’explorer d’éventuelles interactions avec le microbiote colique et d’autres facteurs (activité physique, obésité), connus pour influencer la physiopathologie du cancer colorectal.
En résumé, un apport accru en calcium s’avère associé à une diminution du risque de cancer colorectal, indépendamment de la source et du site tumoral. L’optimisation de la consommation de calcium, particulièrement chez les populations où elle est déficiente, pourrait réduire de façon notable l’incidence de ce cancer très fréquent.