Urologie
Cancer de la vessie invasif : bénéfice confirmé d’une immunothérapie anti-PDL1 en adjuvant
Le traitement adjuvant par pembrolizumab double la médiane de survie sans récidive chez les patients atteints d’un carcinome urothélial invasif à haut risque après chirurgie radicale. L’étude AMBASSADOR renforce donc la place de l’immunothérapie en adjuvant dans cette indication.
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Le carcinome urothélial invasif est un cancer agressif à fort taux de rechute, dont le traitement de référence repose sur la cystectomie radicale associée à une chimiothérapie néoadjuvante à base de cisplatine. Pourtant, de nombreux patients ne peuvent bénéficier de la chimiothérapie (contre-indication) ou la refusent, exposant à un risque élevé de récidive (pT3 ou plus, pN+, marges chirurgicales positives).
Deux essais randomisés de phase III (IMvigor010 et CheckMate 274) ont livré des résultats contradictoires sur l’intérêt d’un inhibiteur de checkpoint (anti-PD-L1 ou anti-PD-1) en adjuvant. Dans l’essai IMvigor010, l’atezolizumab n’a pas prolongé la survie sans récidive (SSR). À l’inverse, le CheckMate 274, comparant le nivolumab à un placebo, a significativement amélioré la SSR, conduisant à l’approbation du nivolumab adjuvant dans plusieurs régions du monde.
Dans ce contexte, l’essai AMBASSADOR a évalué le pembrolizumab (anti-PD-1) en adjuvant versus observation. D’après les résultats, publiés dans le New England Journal of Medicine, un total de 702 patients avec carcinome urothélial invasif à haut risque ont été randomisés (1:1). Avec un suivi médian de 44,8 mois, la médiane de SSR atteint 29,6 mois (IC à 95 %, 20,0–40,7) sous pembrolizumab contre 14,2 mois (IC à 95 %, 11,0–20,2) dans le groupe observation (HR=0,73 ; p=0,003). Ainsi, le pembrolizumab double quasiment la durée médiane de SSR, validant la pertinence thérapeutique d’une immunothérapie anti-PDL1 ou anti-PD1 en adjuvant dans le carcinome urothélial invasif.
Amélioration de la survie quel que soit le sous-groupe
La supériorité du pembrolizumab s’observe quelle que soit l’expression de PD-L1, l’administration ou non d’une chimiothérapie néoadjuvante et la localisation tumorale (vessie ou voies excrétrices supérieures). En particulier, le statut PD-L1 apparaît pronostique mais non prédictif de la réponse, ce qui écarte l’idée de réserver cette immunothérapie aux seuls patients PD-L1-positifs.
Côté tolérance, 50,6 % des patients du bras pembrolizumab ont eu des événements indésirables de grade ≥3 (tous liens confondus), contre 31,6 % dans le bras observation. Bien que ce profil soit cohérent avec les données antérieures, il souligne la nécessité d’une surveillance rapprochée. Les données de survie globale (SG) restent immatures ; l’analyse finale n’est pas encore réalisée, notamment du fait du nombre insuffisant de décès à ce stade et de potentiels biais d’administration hors protocole d’autres inhibiteurs de checkpoints chez les patients du groupe observation.
Malgré cela, ces résultats corroborent l’amélioration de la SSR déjà observée avec le nivolumab dans CheckMate 274 (HR=0,7) et confirment que l’immunothérapie adjuvante peut modifier l’histoire naturelle d’un carcinome urothélial invasif à haut risque.
Une étude randomisée de phase 3 stratifiée selon différents critères pronostiques
L’essai AMBASSADOR est une étude de phase III multicentrique, avec une randomisation stratifiée selon le stade pathologique, le statut PD-L1 (testé centralement) et la chimiothérapie néoadjuvante. L’approbation précoce du nivolumab dans cette indication a mené à la clôture anticipée de l’étude, et on ne peut exclure quelques biais liés à l’abandon de patients dans le bras observation pour recevoir une immunothérapie hors protocole. Les patients Afro-Américains, par exemple, étaient également sous-représentés. Malgré ces limites, l’essai renforce la place du pembrolizumab après chirurgie radicale chez des patients à haut risque, notamment lorsqu’une chimiothérapie adjuvante n’est pas envisageable.
Selon les auteurs, la prochaine étape consistera à déterminer des biomarqueurs plus précis, comme l’ADN tumoral circulant (ctDNA), afin d’identifier les patients qui bénéficieront le plus d’un traitement intensifié (immunothérapie seule ou associée à d’autres agents). De futures études s’attacheront également à comprendre pourquoi l’atezolizumab n’a pas montré le même bénéfice, en tenant compte des différences méthodologiques et des variations de population entre essais.
En conclusion, la thérapie adjuvante par pembrolizumab s’affirme comme une option thérapeutique solide pour prolonger la survie sans récidive chez les patients à haut risque de rechute après cystectomie radicale. Ces résultats, concordants avec ceux déjà observés pour le nivolumab, valident l’intérêt des inhibiteurs de checkpoints dans la lutte contre le carcinome urothélial invasif, tout en ouvrant la voie à une médecine plus personnalisée grâce à la stratification moléculaire et immunologique.