Pneumologie

Insuffisance respiratoire aiguë : ne pas se laisser « embarquer » par la simplicité de l’oxygénothérapie à haut débit

Au cours de l’insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique dans la BPCO, le recours à la ventilation non invasive ou oxygénothérapie humidifiée à haut débit est proposé. Cependant, il ne doit pas y avoir de confusion entre les deux techniques et les indications préférentielles de chacune d’entre elles doivent être connues.  D’après un entretien avec Christophe PERRIN.

  • 09 Jan 2025
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     Une étude, dont les résultats sont parus en novembre 2024 dans l’International Journal of Chronic Obstructive Pulmonary Disease, a fait le point sur l’utilisation de la ventilation non invasive ou de l’oxygénothérapie nasale à haut débit chez les patients atteints de BCPO, en cas d’exacerbation avec insuffisance respiratoire aigüe. Il s’agit d’une revue de la littérature, réalisée par une équipe chinoise au cours de laquelle les auteurs ont comparé l’efficacité et la tolérance de ces deux techniques d’assistance respiratoire au cours de l’insuffisance respiratoire hypercapnique de la BPCO. La conclusion de l’article fait apparaître que d’autres travaux étaient nécessaires pour pouvoir trancher.

     

    Les deux techniques peuvent être efficaces mais dans quelles conditions ?

    Le docteur Christophe PERRIN, chef du service de Pneumologie au Centre Hospitalier Princesse Grâce, à Monaco, rappelle la démonstration robuste de l’efficacité de la ventilation non invasive dans la prise en charge de l’insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique au cours de la BPCO. En effet, il a été clairement montré que la ventilation non invasive permettait d’éviter l’intubation, réduire ses complications, infectieuses notamment, et diminuer la mortalité. La littérature internationale sur le sujet est riche et non discutable. Toutefois, l’oxygénothérapie nasale à haut débit est intéressante à plusieurs titres. Avec cette dernière technique, la fraction inspirée d’oxygène est plus stable, le travail respiratoire est diminué par effet PEP avec recrutement alvéolaire, en diminuant les résistances inspiratoires et en optimisant la clairance mucociliaire. De plus, le haut débit nasal autorise un rinçage de l’espace mort anatomique à hauteur de 30% permettant une évacuation du CO2. Pour Christophe PERRIN, il faut craindre de mettre sur le même plan ventilation non invasive et haut débit nasal dans l’insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique au cours de la BPCO.

     

    L’oxygénothérapie à haut débit dans l’insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique au cours de la BPCO, à condition qu’il n’y ait pas d’acidose respiratoire

    Christophe PERRIN explique que l’oxygénothérapie à haut débit a des limites et qu’il est nécessaire d’être très prudent dans deux situations notamment. Tout d’abord, en cas de polypnée, l’oxygénothérapie nasale à haut débit perd de son efficacité dans l’évacuation du CO2 en raison des fuites générées par l’ouverture de la bouche. Ensuite, en cas de forte distension pulmonaire, les coupoles diaphragmatiques sont aplaties, ce qui altère considérablement la force diaphragmatique. Dans cette dernière situation, le seuil d’épuisement diaphragmatique est atteint et la mécanique respiratoire doit être prise en charge en totalité, ce que ne peut pas fournir le haut débit nasal. Christophe PERRIN craint la dérive vers l’oxygénothérapie nasale à haut débit, qui est plus simple et moins chronophage que la ventilation non invasive, qui elle, nécessite une véritable expertise. Il est important de comprendre que l’hypercapnie peut apparaître bien avant la fatigue diaphragmatique. L’hypercapnie est une réaction comportementale de l’appareil respiratoire pour éviter la fatigue diaphragmatique. En effet, en cas d’augmentation de la charge ventilatoire, le temps inspiratoire doit diminuer, réduisant d’autant le volume courant. Dans ce cas, une augmentation de la fréquence respiratoire est obligatoire pour maintenir la ventilation minute constante, responsable alors de l’hypercapnie. Dans cette situation d’hypercapnie sans épuisement diaphragmatique, le haut débit nasal peut être efficace en rinçant l’espace mort anatomique et en apportant un soutien sur la mécanique respiratoire.

     

     En conclusion, il faut se servir de l’acidose respiratoire (pH < 7,35) comme signal de fatigue diaphragmatique et dans ce cas la ventilation non invasive doit être privilégiée. En cas d’hypercapnie sans acidose, le recours du haut débit nasal peut être envisagé. Dans les 2 cas, une surveillance des gaz du sang pour s’assurer de l’efficacité des traitements est fondamentale En attendant d’autres travaux dans cette indication, gare à la simplicité du haut débit nasal !

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