Pneumologie
Opacités en verre dépoli : trouver un juste milieu dans la durée de surveillance
Les recommandations de limiter la surveillance des opacités en verre dépoli à 5 ans est discutée et cette durée n’est peut-être pas suffisante. Un équilibre est à trouver entre le surdiagnostic et l’absence de prise en charge de lésions évolutives. Une surveillance à 10 ans est-elle justifiée ? D’après un entretien avec Sébastien COURAUD.
Une étude, dont les résultats sont parus en novembre 2024 dans CHEST, a cherché à évaluer la durée optimale de surveillance des opacités en verre dépoli observées au scanner thoracique et si elle doit aller au moins jusqu’à 10 ans. Il s’agit d’une étude de cohorte coréenne, rétrospective qui a inclus les patients ayant bénéficié d’un scanner thoracique entre 1997 et 2006, et dont l’évolution avait été observée en 2013. Les dossiers ont ensuite été analysés, à nouveau, en 2022. La croissance des opacités en verre dépoli étaient définie soit par l’augmentation d’au moins 2 millimètres des lésions soit par l’apparition de contingents solides dans la lésion. Au total, 89 patients ont été inclus et 135 opacités en verre dépoli ont été suivies pendant une durée médiane de 193 mois.
Une incidence augmentée par le dépistage
Le professeur Sébastien COURAUD, chef de service adjoint du service de Pneumologie Aiguë Spécialisée et Cancérologie thoracique des Hospices civils de Lyon, explique que ce travail est intéressant car , jusque-là, on ne disposait que de très peu de données tardives concernant la surveillance des opacités en verre dépoli. Il rappelle qu’il s’agit d’une lésion pulmonaire incidente et qui peut être indolente pendant plusieurs années et que sa persistance signe la plupart du temps la présence d’un carcinome in situ. Toutefois, ces lésions sont à risque de surdiagnostic et ils ne faut pas être trop interventionniste, même en cas de carcinome in situ car la chirurgie peut être invalidante, sur une lésion qui n’évolue pas. Sébastien COURAUD précise que ceci est d’autant plus vrai à l’ère du dépistage qui augment le nombre de cas de lésions en verre dépoli, puisqu’elles correspondent à 10 à 15 % des anomalies observées aux scanners de dépistages et qu’il existe peu de critères de prédiction de l’évolutivité. La question est donc de savoir quelle lésion est à risque d’évolution et de métastases, quel patient surveiller et quand traiter. Sébastien COURAUD souligne qu’il existe cependant quelques facteurs prédictifs tels que la taille, qui plus elle est importante plus la lésion est invasive, l’apparition d’un contingent solide ou encore l’évolutivité de la lésion, en millimètres, la lésion étant considérée comme évolutive si sa taille augmente de 2 millimètres .
Attention à ne pas tomber dans le surdiagnostic
Sébastien COURAUD estime qu’observer les lésions en verre dépoli jusqu’à 10 ans est justifié, notamment quand elles mesurent 8 à 10 millimètre, car 17% des lésions vont être évolutives, et majoritairement entre 5 et 10 ans. Au-delà de 10 ans, 3,9% des lésions évoluent et les résultats de cette étude ont montré que 3 patients de la série ont développé un cancer pulmonaire après 10 ans. Sébastien COURAUD émet cependant la réserve que ce travail est coréen et que l’épidémiologie en Asie du Sud-Est est différente de l’épidémiologie Européenne, où les étiologies et la fréquence ne sont pas identiques. La transposabilité de ces résultats n’est donc pas totalement possible. Il explique donc que le suivi prolongé de ces lésions, au-delà de 10 ans, est important , en raison de leur indolence et qu’il est nécessaire de ls sortir des algorithmes de dépistage. Il faut trouver un équilibre entre le surdiagnostic et le sous diagnostic de lésions à risque. Cet équilibre est précaire et il faut tenir compte de l’angoisse générée pour le patient. Sébastien COURAUD insiste sur le fait qu’il faut rester dans la logique d’une épargne parenchymateuse, compte-tenu du risque de développer de nouvelles lésions en verre dépoli.
En conclusion, le message concernant la surveillance et l’intervention des lésions en verre dépoli doit rester nuancé et il faut trouver un juste milieu, même s’il est licite d’en prolonger la surveillance. Ces dossiers doivent être discutés en staff et avec le patient pour arriver à une décision partagée.