Oto-rhino-laryngologie

Carcinomes épidermoïdes ORL : un nouveau biomarqueur de bon pronostic

La présence de macrophages géants exprimant TREM2 dans les carcinomes épidermoïdes ORL serait associée à un meilleur pronostic, ouvrant la voie à une prise en charge plus personnalisée des patients.

  • Jacob Wackerhausen/istock
  • 08 Nov 2024
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    Les carcinomes épidermoïdes représentent environ 90 % des cancers ORL et se développent à partir des muqueuses de la bouche, des amygdales, du pharynx ou du larynx. Les patients souffrant de carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou (HNSCC) ont souvent des résultats médiocres en raison d'une gestion du risque et de stratégies de traitement sous-optimales. Malgré les progrès thérapeutiques, environ 50 % des patients sont victimes de récidive ou de métastases à distance dans les trois ans suivant le diagnostic, soulignant le besoin urgent de nouveaux biomarqueurs pronostiques pour mieux guider les décisions thérapeutiques.

    Une étude menée à Gustave Roussya et publiée dans Cancer Discovery, mettrait en évidence la présence d'un type particulier de cellules immunitaires, des macrophages géants multinucléés (multinucleated giant cells ou MGC) exprimant TREM2 et qui serait associée à un meilleur pronostic dans les carcinomes épidermoïdes ORL.

    Ces macrophages géants se forment par fusion de monocytes et de macrophages en réponse à la kératine produite de manière anarchique par les cellules cancéreuses, qu'ils phagocytent.

    Valeur pronostique des macrophages géants multinucléés exprimant TREM2

    Les chercheurs ont analysé deux cohortes totalisant 394 patients atteints de carcinome épidermoïde de la tête et du cou. Ils ont observé que les tumeurs kératinisantes contiennent fréquemment ces macrophages géants, mais seulement un tiers des tumeurs a une forte densité de ces cellules. En divisant les patients en trois groupes de risque selon la densité des macrophages géants dans la tumeur, ils montrent que des niveaux élevés de ces cellules seraient associés à une meilleure survie globale et une survie sans progression plus longue.

    Par exemple, les patients avec une forte densité de macrophages géants ont une survie globale médiane significativement plus longue que ceux avec une faible densité. Ces résultats sont indépendants d'autres facteurs pronostiques tels que le sexe, l'âge, le stade tumoral, le tabagisme et la consommation d'alcool.

    Pour renforcer leurs observations, les chercheurs ont développé une méthode automatisée utilisant l'intelligence artificielle pour détecter et quantifier les macrophages géants sur les lames histologiques. Un algorithme a été mis au point, permettant de détecter automatiquement les cellules tumorales et les cellules géantes, et de déterminer un score pour stratifier les patients en groupes de risque. Les résultats obtenus par cette méthode se sont révélés équivalents à ceux calculés manuellement par des pathologistes, mais avec un temps d'exécution beaucoup plus rapide, augmentant ainsi la faisabilité clinique.

    Une validation multidimentionnelle

    Les travaux permettent également de caractériser biologiquement ces macrophages géants multinucléés. Grâce à la transcriptomique spatiale, une technologie de pointe qui permet de caractériser les cellules directement dans leur micro-environnement tumoral, les chercheurs ont confirmé la nature macrophagique de ces cellules et leur expression de TREM2, une protéine membranaire favorisant la phagocytose.

    Fait intéressant, alors que la présence de macrophages exprimant TREM2 était auparavant associée à un mauvais pronostic dans d'autres types de cancers, cette étude révèle que, dans les carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou, ils seraient un facteur de bon pronostic. De plus, l'intelligence artificielle a permis d'étendre cette découverte à d'autres carcinomes épidermoïdes, notamment du col de l'utérus, où l'influence positive de la densité des macrophages géants a également été confirmée.

    Une médecine de précision basée sur de nouveaux critères

    Cette étude est le fruit d'un véritable travail de recherche translationnelle, mobilisant des anatomopathologistes, des chirurgiens et des immunologistes de Gustave Roussy. L'analyse de cohortes importantes et l'utilisation de technologies innovantes renforcent la représentativité et la fiabilité des résultats. La prochaine étape consistera à valider ce biomarqueur dans des cohortes issues d'autres centres en France et à l'international, afin de confirmer son utilité clinique.

    À terme, ce biomarqueur pourrait aider les cliniciens à stratifier les patients selon leur risque et à individualiser les traitements. Par exemple, en réduisant l'intensité thérapeutique chez les patients à faible risque pour diminuer les toxicités, ou en intensifiant les traitements chez les patients à haut risque pour améliorer les chances de guérison. De plus, il pourrait contribuer à améliorer la sélection des patients pour les essais cliniques futurs.

     

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