Rhumatologie

Douleur du tibia à la course : périostite tibiale ou autre cause ?

La périostite tibiale doit être diagnostiquée rapidement sous réserve d’un handicap prolongé par le sportif qui en souffre et d’un risque de fracture de fatigue, qui rallongerait encore la période d’incapacité. Le traitement est multidimentionnel et comprend une modification des habitudes d'entraînement, ce qui peut représenter un défi sportif et psychologique pour les patients.

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  • 21 Jul 2024
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    La périostite tibiale, ou syndrome de stress tibial médial (« médial tibial stress syndrome » des Anglo-Saxons), est une pathologie courante chez les coureurs, caractérisée par une douleur mécanique au niveau du bord postéro-médial du tibia, souvent située au niveau de la partie médiane ou distale, et qui peut persister plusieurs mois. Un premier épisode de périostite tibiale exposerait à des récidives sur la même jambe ou sur l’autre.

    Elle résulterait d’une hyper-sollicitation du périoste et d’un remodelage cortical provoqué par les tractions musculaires répétées, principalement du tibial postérieur. La fatigue musculaire aggraverait ces sollicitations, entraînant des micro-fractures.

    Un certain nombre d'études portent sur les facteurs de risque intrinsèques et extrinsèques de la périostite. Les facteurs intrinsèques comprennent la posture du pied, l'alignement, la flexibilité et la force de la cheville. La pronation du pied est souvent considérée comme un facteur de risque pour le syndrome de stress tibial médial.

    Un mécanisme plutôt osseux

    Les mécanismes sous-jacents de la périostite tibiale sont encore débattus. Deux hypothèses principales sont retenues. Il a été évoqué en premier lieu une hyper-sollicitation du périoste provoqué par les tractions répétées par les muscles du mollet, particulièrement le tibial postérieur, qui entraîneraient une inflammation du périoste. Cette situation serait aggravée par la fatigue musculaire, qui augmenterait la sollicitation sur l’os.

    L’hypothèse la plus récente serait un remodelage de la corticale osseuse liée aux efforts en flexion et compression dans la courbure du tibia qui provoqueraient ce remodelage de l’os cortical, incluant des micro-fractures. Une déminéralisation locale de la corticale serait d’ailleurs visible de façon prolongée en densitométrie osseuse.

    Une douleur mécanique localisée au bord postéro-médial du tibia

    Le diagnostic repose principalement sur l’histoire clinique et l’examen physique. L’interrogatoire retrouve la notion d’une intensification récente de l’entraînement à la course à pied ou de compétitions rapprochées. La douleur mécanique de la jambe apparaît au début seulement lors de la course. Elle est localisée sur le bord postéro-médial du tibia et est reproduite par une palpation appuyée. Elle est bilatérale dans 50% des cas et il existe parfois une tuméfaction localisée.

    Des examens d’imagerie sont utilisés pour confirmer le diagnostic, éliminer les diagnostics différentiels et évaluer la sévérité selon la classification en IRM de Fredericsson (de l’œdème périosté à des fissures nettes).

    La radiographie est souvent normale mais utile pour éliminer les fractures de fatigue ou les tumeurs. L’échographie est peu spécifique mais peut montrer une zone hypo-échogène avec une hyper-vascularisation locale en Doppler puissance, suggérant une inflammation. La scintigraphie osseuse montre habituellement une fixation accrue uniquement au temps tardif, souvent sur une longueur importante du tibia, indiquant une activité osseuse anormale.

    L’IRM est l’examen le plus parlant, révélant un œdème médullaire et périosté, mais celui-ci peut exister chez des personnes normales et sans douleur, d’où l’intérêt de toujours le corréler ces images à la symptomatologie. Les signes IRM seraient corrélés à la sévérité clinique et une gradation de la sévérité peut être tentée via la classification IRM de Fredericsson qui évalue la gravité des lésions en quatre grades, allant de l’œdème périosté isolé (grade 1) jusqu’au à des fissures nettes (grade 4b).

    Un diagnostic différentiel à ne pas oublier

    Le diagnostic différentiel de la douleur de jambe à l’effort comprend le syndrome de stress tibial médial, la fracture de stress, le syndrome de loge, l'artère poplitée piégée et un syndrome canalaire neurologique. Cependant, les antécédents éliminent généralement la plupart des causes nerveuses et vasculaires, laissant le syndrome de loge chronique, la fracture de stress et la périostite tibiale médiane. Une tumeur osseuse doit cependant toujours être évoquée chez ces adultes jeunes et les radiographies sont indispensables dans cette perspective. La douleur peut n’être que mécanique au début d’une tumeur osseuse mais la radiographie permet de la dépister.

    Les syndromes de loge sont confirmés par la normalité de l’examen clinique en l'absence de douleur persistante, une téno-synovite du tendon tibial antérieur est diagnostiquée par palpation et la mise en tension des tendons. Les fractures de contrainte représentent la principale difficulté car elles peuvent coexister avec la périostite. La douleur est alors exquise sur un point assez précis, éventuellement entouré d’un halo de douleur plus diffuse et la scintigraphie ou l’IRM permettent de faire le diagnostic précocement par rapport à la radiographie, qui est normale au début.

    Un traitement multidimentionnel

    Le traitement de la périostite tibiale combine repos, thérapies physiques, et reprise progressive de l’activité. Le repos sportif, de 15 à 60 jours, est essentiel, avec maintien d’activités sans impact comme la natation ou le vélo. Les thérapies physiques incluent glaçage, étirements et électrothérapie. Les ultrasons peuvent également être utilisés pour réduire l’inflammation, bien que leur efficacité soit variable. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont parfois utilisés dans les phases inflammatoires.

    La reprise progressive de la course est structurée en six étapes, permettant une augmentation graduelle de l’intensité de l’exercice en fonction de l’absence de douleur. Les chaussettes compressives et les semelles orthopédiques peuvent aider à réduire la douleur et à prévenir les récidives. Les ondes de choc, bien que leur efficacité soit encore débattue, sont utilisées selon des protocoles spécifiques.

    La rééducation et le renforcement musculaire ciblent également les muscles de la jambe et du pied pour corriger les déséquilibres biomécaniques. Les coureurs peuvent être classés selon leur type de foulée (attaque par le talon ou avant-pied), chaque profil nécessitant des stratégies de rééducation spécifiques.

    En dernier recours, une fasciotomie chirurgicale a été envisagée dans les cas réfractaires aux traitements conservateurs.

    La prévention des récidives par le chaussage

    La gestion des facteurs de risque est cruciale pour prévenir les récidives. Les facteurs de risque intrinsèques incluent la course en rotation externe, l’hyperpronation dynamique, un poids élevé, le sexe (les femmes étant à risque accru), des antécédents de périostite, un tour de mollet minime, l’abduction du pied et le pied plat valgus. Les facteurs extrinsèques comprennent le nombre d’années de pratique, une augmentation rapide de la charge d’entraînement, l’absence d’étirements, la surface de course (asphalte) et des chaussures inadaptées.

    L’évaluation des coureurs inclut des tests spécifiques pour l’hyperpronation dynamique et la rotation externe de hanche. Pour l’hyperpronation dynamique, le test du Navicular drop est utilisé. Pour la rotation externe de hanche, une mesure avec un goniomètre ou un inclinomètre en position assise est réalisée.

    L'utilisation d'orthèses en néoprène ou semi-rigides peut contribuer à prévenir la récidive, comme l'ont montré deux grandes études prospectives.

    En conclusion, la périostite tibiale est une pathologie complexe nécessitant une approche multidisciplinaire pour un traitement efficace. Le diagnostic repose sur l’examen clinique et l’imagerie, et le traitement inclut le repos, les thérapies physiques et la rééducation. La gestion des facteurs de risque et la prévention des récidives sont essentielles pour une récupération optimale.

     

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