Onco-digestif

Cancer du bas rectum localement évolués : la préservation rectale est-elle envisageable ?

La mise à jour des résultats de l'étude OPRA informe sur la potentialité de la préservation rectale chez les patients atteint d'un cancer du rectum.

  • Vladyslav Severyn/iStock
  • 24 Oct 2023
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    En 2020, Julio Garcia-Aguilar avait suscité le plus vif intérêt lors de la présentation des résultats de l’essai de phase II OPRA évaluant deux types de traitement préopératoire en vue d’une stratégie de préservation rectale opportuniste (Watch and wait) chez des malades ayant un cancer du bas rectum localement évolué (1).

    Parmi les résultats marquants, il y avait le taux très élevé de préservation rectale dans les deux bras de traitement (jusqu’à 59 %) et l’efficacité plus prononcée d’un schéma de traitement néoadjuvant total (TNT) utilisant une séquence de consolidation (radiochimiothérapie [RCT] suivie d’une chimiothérapie) par rapport à la séquence d’induction (chimiothérapie suivie d’une RCT) (1).

    Un élément un peu occulté était qu’aucun des deux bras de traitement n’avait atteint la borne d’efficacité fixée dans cette phase II sur un taux de survie sans récidive à 3 ans de 85 % alors même que la repousse tumorale (regrowth) n’était pas considérée comme un évènement de récidive.

    Les critères de l’étude OPRA

    Lors du congrès américain de l’ASCO 2023, les investigateurs d’OPRA ont présenté les résultats à long terme de l’essai. L’essai OPRA est une étude prospective de phase II non comparative. Les malades étaient randomisés en deux groupes pour recevoir un TNT comprenant une chimiothérapie à base d’oxaliplatine pour 4 mois (FOLFOX ou CAPOX), soit en induction avant la RCT, soit en consolidation après la RCT.

    L’objectif principal de l’essai était donc le taux de survie sans récidive mais les investigateurs souhaitaient qu’une stratégie de préservation rectale soit favorisée autant que possible en cas de bonne réponse au traitement. Au total 324 malades ont été inclus et randomisés dans les groupes induction (n = 158) et consolidation (n = 166).

    Les résultats de l’ASCO 2023

    Au décours du traitement, 304 malades ont été réévalués, parmi lesquels 225 se sont vus proposer une surveillance première sans proctectomie (105/146 [72 %] dans le groupe induction et 120/158 [76 %] dans le groupe consolidation). Après un suivi médian de 5,1 ans, 81 malades (36 %) ont présenté une réévaluation locale (regrowth) (46/105 [44 %] dans le groupe induction et 35/120 [29 %] dans le groupe consolidation). Ces repousses locales sont apparues dans l’immense majorité des cas (94 %) dans les 2 ans suivant le traitement.

    Le taux de préservation rectale à 5 ans est statistiquement plus élevé dans le groupe consolidation que dans le groupe induction (54 % vs 39 %, p = 0,012). Il n’y a en revanche pas de différence statistiquement significative à 5 ans entre les deux groupes concernant les taux de survie sans récidive (71 % vs 69 %, p = 0,675) et de survie globale (88 % dans les deux groupes, p = 0,73). Les taux de survie sans récidive à 5 ans des malades ayant eu une proctectomie au moment de la réévaluation après traitement et de ceux opérés au moment de la repousse tumorale ne sont pas statistiquement différents (64 % dans le deux groupes, p = 0,944).

    Conclusions

    Les auteurs ont conclu que les repousses locales chez les malades pris en charge dans le cadre d’une stratégie de préservation rectale opportuniste surviennent dans la majorité des cas dans les deux ans. La réalisation d’une proctectomie de rattrapage au moment de la repousse semble apporter les mêmes résultats oncologiques qu’une chirurgie effectuée précocement au moment de la réévaluation après traitement.  La principale cause d’échec de la stratégie demeure la récidive métastatique dans les deux bras de traitement.

    Cette étude prospective dans laquelle la préservation rectale a été favorisée de façon délibérée apporte des informations importantes sur le suivi des malades pris en charge selon cette stratégie. Les repousses locales surviennent assez précocement et peut être plus fréquemment après un schéma d’induction qu’à la suite d’une séquence de consolidation. Mais il existe aussi, chez ces malades un risque relativement élevé de récidive métastatique qui est aussi probablement lié à la repousse (2). Des données d’autres équipes ont récemment été publiées en ce sens et suscitent une certaine inquiétude quant à la sécurité oncologique d’une stratégie poussée un peu à l’extrême.

     

    1. J Clin Oncol. 2022 Aug 10;40(23):2546-2556. doi: 10.1200/JCO.22.00032. Epub 2022 Apr 28.

    PMID: 35483010

    1. Dis Colon Rectum. 2023 Jul 25. doi: 10.1097/DCR.0000000000002930. Online ahead of print.

    PMID: 37493198

     

     

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