Rhumatologie
Vitamine D et ostéoporose : supplémentation quotidienne ou intermittente ?
Une analyse de la littérature suggère qu'une supplémentation intermittente en vitamine D à fortes doses (60 000 UI/mois ou plus) pourrait être associée à un risque de chutes, de fractures et de décès prématuré dans certaines populations. À l’inverse, des doses quotidiennes de 800 à 1 000 UI avec du calcium diminueraient les chutes et les fractures non vertébrales chez les personnes âgées souffrant d'une carence en vitamine D.

- Dragon Claws/istock
Entre supplémentation quotidienne ou intermittente, la stratégie optimale pour prévenir les fractures ostéoporotiques reste au cœur des débats. Une analyse de la littérature réalisée par le Groupe de Recherche et d'Information sur l'Ostéoporose (GRIO) a fait le point sur l’intérêt et les modalités d’une supplémentation vitaminique D dans le cadre de la prévention des fractures ostéoporotiques.
L’analyse a inclus des méta-analyses et des essais contrôlés randomisés évaluant les effets de différentes posologies de vitamine D sur les concentrations sériques de 25(OH)D, les chutes, les fractures et d’autres résultats cliniques, ainsi que des études physiologiques expliquant pourquoi les doses quotidiennes pourraient être supérieures aux doses intermittentes élevées.
Les auteurs reconnaissent qu’il n’existe pas d’études comparatives directes entre les stratégies quotidiennes et intermittentes sur les résultats cliniques et sur le risque de fracture ou de chutes. Néanmoins, chez les patients avec une ostéoporose ou à risque élevé de cette maladie osseuse, la carence en vitamine D entraîne fréquemment un hyperparathyroïdisme secondaire qui accélère le remodelage osseux et fragilise le squelette. Une supplémentation adaptée permettrait de normaliser les taux de 25(OH)D, réduisant significativement le risque de fracture lorsqu'elle est combinée à du calcium, comme l'ont confirmé plusieurs méta-analyses récentes.
Supplémentation quotidienne ou intermittente : quel impact clinique ?
La supplémentation quotidienne en vitamine D (800 à 1000 UI/jour) associée au calcium diminue modestement mais significativement le risque de fractures non vertébrales. À l’inverse, les hautes doses intermittentes (ex. : 60 000 UI/mois) pourraient paradoxalement accroître le risque de chutes et fractures chez les personnes âgées.
Une administration quotidienne se distinguerait donc par une efficacité clinique supérieure en prévention des chutes et fractures.
Quels mécanismes expliqueraient la supériorité du dosage quotidien ?
L’efficacité clinique supérieure du dosage quotidien tiendrait à une physiologie plus proche des rythmes biologiques naturels.
En effet, les fortes doses intermittentes stimuleraient des voies d’inactivation de la vitamine D (24-hydroxylation, production de FGF-23), entraînant un déficit paradoxal en calcitriol actif dans les tissus cibles. À l’inverse, un apport régulier permettrait de maintenir des concentrations stables de vitamine D active et limite cette réponse d’inactivation.
Quel est le taux optimal de vitamine D circulante ?
Le GRIO recommande un objectif de concentration sérique en 25(OH)D compris entre 30 et 60 ng/mL chez les patients ostéoporotiques ou à risque.
Une supplémentation quotidienne permet d’atteindre ces niveaux de manière stable et durable, alors que les apports intermittents induisent des fluctuations importantes et souvent insuffisantes pour maintenir constamment un taux optimal.
La supplémentation quotidienne favorise-t-elle l’observance ?
Contrairement aux idées reçues, il n'existe aucune preuve scientifique solide que les hautes doses intermittentes améliorent l’observance thérapeutique. L’expérience issue des bisphosphonates intermittents n’est pas transposable à la vitamine D, en l’absence de contraintes spécifiques d’administration.
Ainsi, une supplémentation quotidienne, bien expliquée et facilitée par des formes galéniques adéquates, pourrait être aussi bien voire mieux suivie par les patients.
Calcifédiol ou cholécalciférol : que privilégier ?
Le calcifédiol, précurseur direct actif de la vitamine D, a une absorption rapide et une meilleure biodisponibilité que le cholécalciférol, permettant une augmentation prévisible du taux sanguin de 25(OH)D. Son utilisation est particulièrement justifiée en cas d'insuffisance hépatique, de malabsorption intestinale, d'obésité ou de traitement médicamenteux altérant la 25-hydroxylation hépatique (ex. : corticoïdes, antiépileptiques).
Cependant, en raison d'un risque potentiel d’excès en cas de surdosage, sa prescription reste réservée à des situations spécifiques et contrôlées.
Quelle stratégie adopter en France ?
Les experts du GRIO recommandent l'utilisation d'une dose de charge initiale, en particulier chez les personnes qui ont besoin d'une reconstitution rapide de leur réserve de vitamine D (symptômes d'ostéomalacie et/ou concentration de 25(OH)D < 12 ng/mL, patients éligibles à un traitement antirésorbeur puissant), suivie d'une dose d'entretien.
Malgré les recommandations claires en faveur de la supplémentation quotidienne, l’absence de formes galéniques adaptées et remboursées freine encore son application.
En attendant leur disponibilité ou leur remboursement, le GRIO, comme d'autres experts, recommande de continuer à utiliser une posologie intermittente avec la plus petite dose disponible (≤ 50 000 UI) et l'intervalle le plus court entre les doses. Il s’agit donc d’une solution provisoire jusqu'à ce que le remboursement ou des formes pharmaceutiques quotidiennes adéquates (comprimés ou gélules de 1000, 2000 UI) soient disponibles.