Infectiologie
Hydroxychloroquine et coronavirus : négativité d’une étude randomisée
Dans un climat d’hystérie collective, une petite étude chinoise randomisée, Plaquenil® (hydroxychloroquine) versus pas d’antiviraux, est désormais publiée. Et elle est négative…
- BartekSzewczyk/istock
Alors que les experts se déchirent, et que les réseaux sociaux sont en rage contre le gouvernement pour n’avoir pas accordé une large prescription de l’hydroxychloroquine chez les malades infectés par le coronavirus, une étude randomisée vient de paraître dans le Journal of ZheJiang University. Et elle est négative.
Rappelons que la polémique oppose théoriquement la France des pragmatiques et des hommes d’action, à la France des timorés et des « Saint-Thomas », ceux qui veulent des preuves avant de faire n’importe quoi.
Des résultats virologiques négatifs
Au 7ème jour, l'acide nucléique est négatif sur les prélèvements pharyngés chez 13 malades (86,7%) du groupe HCQ et 14 (93,3%) du groupe témoin (non significatif).
La durée médiane entre l'hospitalisation et l’obtention d’une recherche négative de l’acide nucléique viral est de 4 jours (1-9) dans le groupe HCQ, non différente de celle du groupe témoin qui est de 2 jours (1-4), (U=83,5, non significatif).
Des résultats cliniques et radiologiques négatifs
Le temps médian de normalisation de la température dans le groupe HCQ est de 1 jour (0-2) après l'hospitalisation, ce qui est comparable à celui du groupe de contrôle de 1 jour également (0-3). Un malade du groupe HCQ a progressé vers une forme sévère pendant le traitement.
La progression radiologique sur la tomodensitométrie est avérée chez 5 malades du groupe HCQ (33,3%) et 7 malades du groupe témoin (46,7%), et tous les patients ont montré une amélioration lors de l'examen de suivi à terme.
Quatre malades du groupe HCQ (26,7%) et 3 cas du groupe de contrôle (20%) ont eu une diarrhée transitoire et des anomalies de la fonction hépatique (NS).
Etude randomisée versus placebo
L’étude réalisée par les chercheurs chinois correspond à celle qui avait été déclarée sur le site ad hoc : ClinicalTrials.gov. Il s’agit d’une étude randomisée, en ouvert, hydroxychloroquine (HCQ) versus sans hydroxychloroquine (absence de traitements non-antiviraux = groupe témoin).
La taille de l’étude reste petite (n = 30) mais les malades recrutés sont beaucoup plus homogènes que les malades de l’étude de Marseille : ce sont tous des malades infectés au SARS-CoV-2 et avec une pneumonie avérée sur le scanner thoracique.
L’hydroxychloroquine a été administrée à une dose inférieure à celle testée par Marseille : 400 mg par jour (soit 2/3 de la dose testée par Raoult et col.) mais le critère d’évaluation principal est proche : négativation de l'acide nucléique du SARS-CoV-2 sur l'écouvillon respiratoire pharyngé au 7e jour après la randomisation.
Interprétation de l’étude
Il s’agit donc à nouveau d’une petite étude sur 30 malades, donc peu puissante pour voir une vraie différence et avec un risque biais de sélection des malades. Elle est publiée dans une revue chinoise (et pas dans les revues américaines de référence), mais les chercheurs chinois ont déposé auparavant un protocole pragmatique et cohérent sur ClinicalTrials.gov et semblent s’y être tenus.
Les malades sont vraiment malades, mais pas trop sévères (puisqu’ils ont évolué favorablement) et vraiment infectés. Surtout, ils ont été tirés au sort : HCQ versus absence de traitement antiviral.
Les doses d’hydroxychloroquine testées sont cependant inférieures à celle de l’étude de Raoult mais, dans une étude réalisée sur 509 malades lupiques mis sous 400 milligrammes par jour d’hydroxychloroquine, les concentrations sériques ont très vite atteint des taux voisins (917 ng/ml [range 208-3316 ng/ml]) de ceux qui permettent d’empêcher la prolifération du SARS-CoV-2 selon une étude récente.
La validité des résultats est donc au moins meilleure que celle de l’équipe de Raoult (dont certains malades semblent avoir été exclus sans raison évidente = biais de sélection probable) mais il est urgent d’attendre les études randomisées en cours, comme le conseille la lauréate du Prix Nobel 2008 de Médecine, Françoise Barré-Sinoussi, désormais présidente du Comité Analyse Recherche et Expertise (CARE) auprès d'Emmanuel Macron
Certains des protocoles sont faits de telle façon qu’il n’y aura pas besoin d’atteindre plusieurs semaines pour avoir des résultats sur plus de malade et à plus forte dose.