Infectiologie
Nouveau coronavirus : beaucoup de réponses en moins d’un mois
Dans une série d’articles scientifiques en accès libre, les données essentielles sur le nouveau coronavirus responsable de l’épidémie sont déjà à disposition des chercheurs, des institutionnels et du grand public. Une révolution.
- Robert Wei/istock
Une série d’articles dans le New England Journal of Medicine et dans le Lancet répondent aux questions les plus urgentes sur le nouveau coronavirus responsable d’une épidémie de pneumonies sévères en Chine.
L’analyse des premières données de l’épidémie d’infections pulmonaires à Wuhan semblent montrer des symptômes similaires entre les 41 premiers cas 2019 du nouveau coronavirus et le SRAS, en moins sévère. La réalité d’une transmission de personne à personne et de la propagation interurbaine de nouveaux cas de coronavirus chez six membres de la même famille en Chine a été avérée, ce qui confirme la nécessité de mesures de contrôle vigilantes.
Ces articles, publiés moins de 1 mois après le début de l’épidémie et en Open source témoignent d’une remarquable réactivité pour mettre à disposition des médecins et des institutionnels les outils nécessaires à la lutte contre cette nouvelle menace.
Un nouveau coronavirus proche du SRAS
Dans un article du New England Journal of Medicine, Zhu et al ont identifié et caractérisé le 2019-nCoV avec un séquençage de son génome viral. Ces résultats, associés à d'autres rapports, montrent qu'il est assez proche du coronavirus responsable du SRAS (CoV-SAR) : il serait identique à 75% près. De plus, il serait encore plus étroitement apparenté à plusieurs coronavirus de chauve-souris, ces mêmes coronavirus qui seraient à l’origine des coronavirus du SRAS et du MERS.
L'identification du virus va permettre de mettre au point des tests de diagnostic rapide, essentiels à la lutte contre l’épidémie, de mieux analyser la cinétique de cette nouvelle infection et d'orienter le développement de traitements antiviraux.
Contamination différenciée mais même récepteur
Des phénomènes de super-propagation ont été impliqués dans la transmission du 2019-nCoV. Leur importance relative est inconnue mais ce virus semble surtout infecter les cellules des voies aériennes supérieures alors que le CoV SRAS et le CoV MERS infectent eux plutôt les cellules épithéliales intra-pulmonaires. Cependant, la transmission de ce nouveau virus se ferait principalement par des patients dont la maladie pulmonaire est installée et reconnue que des patients qui ont des signes légers et non spécifiques.
Il semble que le 2019-nCoV utilise le même récepteur pour rentrer dans la cellule que le SARS-CoV (enzyme de conversion de l'angiotensine 2 humaine = hACE2), de sorte qu’une transmission n'est attendue qu'après l'apparition de signes de maladie des voies respiratoires inférieures.
Le SRAS-CoV avait muté au cours de l'épidémie de 2002-2004 pour mieux se lier à son récepteur cellulaire et optimiser la réplication dans les cellules humaines, ce qui avait augmenté la virulence. Cette adaptation est susceptible de se produire pour ce nouveau coronavirus car ce sont des virus avec des « ARN-polymérases dépendantes de l'ARN » qui sont sujettes aux erreurs, ce qui rend les mutations et les recombinaisons fréquentes.
Réservoir animal presque identifié
Au 24 janvier 2020, 835 infections à CoV 2019 confirmées en laboratoire ont été rapportées en Chine, avec 25 cas mortels. Un grand nombre de ces cas ont été rattaché à la fréquentation du marché aux fruits de mer de Huanan, à Wuhan, un marché où du gibier fraîchement tué aurait été vendu.
Ceci complique l’identification de la source originale de l'infection qui reste inconnue même si le 2019-nCoV est étroitement lié à des coronavirus infectant des chauves-souris chinoises.
Des symptômes proches
Le nouveau coronavirus 2019 (2019-nCoV) semble provoquer des symptômes similaires à ceux du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Dans la première étude du Lancet, les chercheurs ont analysé les 41 premiers patients infectés par le nCoV 2019, confirmés en laboratoire et admis à l'hôpital de la ville de Wuhan, entre le 16 décembre 2019 et le 2 janvier 2020. Les auteurs ont combiné les dossiers cliniques, les résultats de laboratoire et les résultats d'imagerie avec les données épidémiologiques.
En moyenne, les patients avaient 49 ans d'âge moyen, la plupart avaient visité le marché de fruits de mer de Huanan (66%, 27 patients), et la plupart étaient des hommes (73%, 30 patients). Comme pour le SRAS, la majorité des cas touchait des personnes en bonne santé, moins d'un tiers des cas survenant chez des personnes souffrant de maladies chroniques sous-jacentes telles que diabète (20 %, 8 patients), hypertension artérielle (15 %, 6) et maladies cardiovasculaires (15 %, 6).
Une pneumonie presqu’isolée
Les infections observées avec le CoV 2019 exprimaient un large éventail de symptômes. Tous les patients admis à l'hôpital souffraient de pneumonie et la plupart avaient de la fièvre (98 %, 40 patients), de la toux (76 %, 31) et de la fatigue (44 %, 18). Plus de la moitié des patients avaient également une dyspnée (5%, 22). A l’inverse, les céphalées (8%, 3) et la diarrhée (3%, 1) étaient rares.
« Bien que les symptômes soient similaires à ceux du SRAS (fièvre, toux sèche, essoufflement), il existe des différences importantes, comme l'absence de symptômes des voies respiratoires supérieures (rhinorrhée, éternuements, maux de gorge) et de symptômes intestinaux, comme la diarrhée qui avaient concerné 20 à 25 % des patients atteints du SRAS », explique l'auteur principal, le professeur Bin Cao, de l'hôpital de l'amitié Chine-Japon et de l'université médicale de la capitale chinoise.
Forme grave chez un malade sur 3
Près d’un patient sur trois souffrant de pneumonie a développé un syndrome de détresse respiratoire aiguë (29%, 12 patients) ou a été admis aux soins intensifs (32%, 13 patients), et six sont décédés. Un « orage cytokinique » s'est produit chez ces patients gravement malades, cependant, on ne comprend pas encore comment le 2019-nCoV affecte le système immunitaire.
Vingt-huit patients (68 %) sont sortis de l'hôpital au 22 janvier 2020. Il est difficile d’évaluer le taux de mortalité réelle associée à ce nouveau virus car seuls les cas les plus graves sont détectés dans les premiers stades d’une épidémie.
Pas de traitement spécifique
A ce jour, six coronavirus (sept dont le 2019-nCoV) sont connus pour provoquer des maladies des voies respiratoires chez l'homme, mais seuls le SRAS et le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) ont entraîné d'importantes flambées de pneumonies mortelles.
Il n'existe actuellement aucun médicament ou vaccin antiviral spécifique contre les coronavirus dont l'efficacité ait été prouvée chez l'homme.
Une transmission familiale
Dans le deuxième article du Lancet, qui est la première analyse génétique de ce type, les chercheurs ont étudié une famille de sept personnes qui se sont présentées à l'hôpital avec une pneumonie inexpliquée. Ils ont identifié le 2019-nCoV chez cinq membres de cette famille qui avaient récemment visité Wuhan, et chez un autre membre de la famille qui n'avait pas voyagé avec eux.
Seul un enfant, dont la mère a déclaré qu'il avait porté un masque chirurgical pendant la majeure partie de son séjour à Wuhan, n'a pas été infecté.
Il est important de noter qu'un autre enfant de cette famille a été infecté par le 2019-nCoV (diagnostic génétique), mais n'a eu aucun symptôme clinique, ce qui laisse penser que des personnes peuvent être « porteurs sains » et peuvent donc être vecteurs de l’infection sans savoir qu'ils sont infectés.
Une incubation courte
La première patiente, une femme de 65 ans, a développé des symptômes cinq jours après avoir rendu visite à un parent âgé d'un an atteint de pneumonie fébrile dans un hôpital de Wuhan le 29 décembre 2019. Après être rentrée chez elle à Shenzhen, elle a été admise à l'hôpital de l'université de Hong Kong-Shenzhen (HKU-SZH) le 10 janvier 2020, avec son mari de 66 ans qui était également tombé malade.
Le 11 janvier, quatre autres membres de la famille ont été évalués à l'HKU-SZH, et la fille (37 ans) et le gendre (36 ans) se sont présentés 9 et 10 jours après l'apparition des premiers symptômes les 1er et 2 janvier, ainsi que leurs deux enfants asymptomatiques.
Le septième membre de la famille, la belle-mère de 63 ans, qui n'avait pas voyagé à Wuhan, mais chez qui plusieurs membres de la famille sont restés à leur retour, est ensuite tombé malade et a été admis à l'hôpital en raison de la persistance des symptômes le 15 janvier 2020. La contagiosité surviendrait à partir du premier jour de l’infection.
Une transmission interhumaine « rapprochée »
Aucun des membres de la famille étudiée n'a visité de marchés alimentaires ou n'a eu de contact avec des animaux pendant leur séjour à Wuhan.
Selon les auteurs, l'explication la plus probable des infections de la famille est que la femme de 65 ans a contracté le 2019-nCoV alors qu'elle rendait visite à son jeune parent à l'hôpital de Wuhan, puis l'a transmis à quatre autres membres de la famille pendant leur voyage de sept jours, et à l'autre membre de la famille après avoir pris l'avion pour rentrer chez lui à Shenzhen, à Hong Kong. La contamination se ferait par la salive et les gouttelettes de salive projetées lors de la toux.
Toutefois, les autorités sanitaires locales poursuivent la recherche d’autres contacts possibles avec cette famille. Les six patients ont été hospitalisés en isolement et leur état est resté stable depuis le 20 janvier 2020.
Des mesures de protection logiques
Pour améliorer l'efficacité de la détection, les experts recommandent que les cliniques de première ligne soient être équipées de kits de diagnostic validés.
Des campagnes d'éducation du grand public devraient être lancées pour promouvoir les précautions à prendre par les voyageurs, notamment se laver fréquemment des mains, tousser dans son coude et utiliser des masques de protection individuelle dans leslieux publics.
Le grand public devrait également être incité à signaler la survenue d’une fièvre et d'autres facteurs de risque d'infection à coronavirus, notamment les antécédents de voyage dans la zone touchée et les contacts étroits avec des cas confirmés ou suspectés.
Comme une infection asymptomatique semble possible, le contrôle de l'épidémie reposera également sur l'isolement des patients, la recherche et la mise en quarantaine des contacts le plus tôt possible, l'éducation du public en matière d'hygiène, et la garantie que les travailleurs de la santé se conforment au contrôle de l'infection.
En cas de fièvre et de contact possible, il ne faut donc pas aller aux urgences (pour ne pas contaminer les autres personnes) mais plutôt appeler le 15 en signalant les symptômes et le contact possible. L’isolement sera réalisé de même que des tests. Si ceux-ci sont négatifs, la sortie sera immédiatement possible avec un traitement symptomatique.
Un travail remarquable
Grâce à l'amélioration du réseau de surveillance et des capacités de laboratoire mises en place après la pandémie de SRAS, la Chine a pu reconnaître cette nouvelle épidémie en quelques semaines et a rendu public le génome du virus pour aider à contrôler sa propagation. Tirant les leçons du SRAS, qui a commencé par une transmission d'animal à homme, tout le commerce de la viande de gibier devrait être mieux réglementé pour mettre fin à cette voie de transmission potentielle.
Ces résultats préliminaires ne concernent qu'un petit nombre de patients, et les auteurs soulignent la nécessité de maximiser les chances de contenir l'infection au 2019-nCoV grâce à une surveillance attentive, une recherche active des contacts et des recherches des animaux hôtes et des voies de transmission à l'homme. Il faut féliciter le NEJM et le Lancet pour avoir partagé aussi rapidement ces informations scientifiques afin de fournir des conseils en temps réel aux différents acteurs qui s'efforcent de contenir l'épidémie.