Hématologie

Lymphome à cellules du manteau en rechute : impact significatif de la POD24 !

Le pronostic des patients atteints de lymphome à cellules du manteau (LCM) s’est significativement amélioré, notamment avec l’introduction de stratégies intensives et de l’entretien par rituximab. Néanmoins, près de 20 % des patients ont une progression précoce (POD24), associée à un pronostic particulièrement défavorable. Cette étude vise à valider le POD24 comme marqueur pronostique indépendant de la survie globale dans une large cohorte de patients inclus dans des essais de première ligne. Les auteurs de cette étude évaluent également les facteurs cliniques prédictifs du POD24 ainsi que l’impact des stratégies thérapeutiques.

  • 29 Avr 2025
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    Le lymphome à cellules du manteau (LCM) est une hémopathie lymphoïde B rare, avec un large éventail de manifestations cliniques et d'approches thérapeutiques, allant de la surveillance active pour les maladies asymptomatiques et cliniquement indolentes, à une immunochimiothérapie en urgence pour les variants agressifs associée à une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques et à un entretien par rituximab 1. Les stratégies intensives et l’entretien par rituximab ont nettement amélioré le pronostic des patients lors de ces dernières décennies (survie médiane de 9,8 ans) 2. Cependant, 20 % des patients ont une progression rapide ou une rechute précoce, dont 5 à 10 % sont chimiorésistants d’emblée, avec une survie globale (SG) inférieure à un an après la rechute 3.

    Si dans les lymphomes indolents, la progression ou le décès dans les 24 mois suivant le début du traitement (POD24) est reconnu comme un indicateur fiable de mauvais pronostic, son usage dans la prise en charge du LCM nécessite une validation sur des cohortes d’essais cliniques. Dans ce contexte, les auteurs de cette étude ont évalué la valeur pronostique de la POD24 chez des patients atteints de LCM et inclus dans des essais de première ligne 4.

    Une impressionante cohorte issue de 6 essais

    Les données individuelles de 1386 patients issus de six essais randomisés multicentriques (EU-MCL younger, LyMA, LyMA101, EU-MCL elderly, RiBVD et MCL-R2) ont été analysées. Après l’inclusion dans les essais, l’incidence cumulative de la progression ou de la rechute est estimée à 7 % à 6 mois, 13 % à 12 mois, 19 % à 18 mois et 22 % à 24 mois. L’analyse de la courbe montre une progression linéaire de l’incidence jusqu’à 24 mois, suivie d’un plateau, avec un point d’inflexion observé autour de cette échéance.

    Le seuil de 24 mois a ainsi été retenu pour les analyses statistiques ultérieures. Parmi les 1280 patients évaluables (après exclusion de 102 patients pour censure du suivi avant 24 mois), 22,1 % (n = 283) ont eu une progression de la maladie et 1,3 % (n = 16) sont décédés d’un lymphome dans les 24 mois suivant l’inclusion, soit un total de 299 patients (23,4 %) classés en situation de “POD24”. Les 981 autres patients n’ont présenté aucun événement lié à la maladie dans ce délai. La durée médiane de suivi était de 69,8 mois. Concernant l’induction, la majorité des patients avait reçu une chimiothérapie de type CHOP (54 %) ou un protocole à base de cytarabine à haute dose (35 %).

    Impact significatif de la POD24 sur la SG

    La survenue d’un événement POD24 était associée à une SG médiane post-événement de 9,3 mois (95%CI 8,4–11,8), alors que chez les patients sans événement POD24, la médiane de SG n’était pas atteinte (95%CI 97,8–non atteint ; HR 11,02 ; p<0,001). De manière notable, seuls 27% des patients ayant présenté un évènement POD24 étaient vivants deux ans après l’événement, contre 79 % des patients non POD24 encore en vie sept ans après l’inclusion. Parmi les 406 décès recensés, 68 % (n=277) sont liés au lymphome, tandis que 32 % (n = 129) sont imputables à d’autres causes.

    Chez les patients ayant progressé précocement mais demeurant en vie 24 mois après l’inclusion, les probabilités de survie à 3 et 5 ans sont respectivement de 64,8 % et 40,2 %, contre 96,2 % et 87,8 % chez les patients sans événement POD24 (HR = 7,24 ; 95%CI 5,5–9,5 ; p<0,001). Enfin, l’introduction des inhibiteurs de Bruton tyrosine kinase (BTKi) n’a pas effacé le pronostic défavorable des évènements POD24.

    Impact de l’autogreffe et de l’entretien par anti-CD20 sur la POD24

    Parmi les 1105 patients en réponse à l’issue de l’induction, 180 (16,3%) ont eu un événement POD24, tandis que 925 (83,7%) n’ont connu aucun événement lié à la maladie dans les 24 mois suivant l’inclusion dans l’essai. Parmi eux, 661 patients (66,1%) ont bénéficié d’un traitement d’entretien par anti-CD20. L’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (ACSH) a été évaluée chez les patients âgés de 60 à 70 ans (n=451) ayant répondu à l’induction, dont 159 (35%) avaient reçu une ACSH.

    L'ACSH n’était pas significativement associée à la survenue d’un évènement POD24 (OR 0,64 ; 95%CI 0,1–3,6), et seules les variables cliniques initiales (LDH, symptômes B et Ki-67) conservent une valeur prédictive significative. Le traitement d’entretien est associé à une réduction du risque de progression dans les 24 mois, à la limite de la signification statistique (OR 0,5 ; 95%CI 0,2–1,1), tandis que l’âge, le taux de LDH et l’index Ki-67 conservent leur valeur prédictive.

    Conclusion

    Cette étude confirme que la survenue d’un événement POD24 constitue un facteur pronostique indépendant associé à une survie globale défavorable chez les patients atteints de LCM traités en première ligne dans le cadre d’essais cliniques. En outre, ces résultats soulignent l’effet protecteur du traitement d’entretien par rituximab vis-à-vis du risque de progression précoce, tandis que l’ACSH n’apparaît pas exercer d’impact significatif sur l’occurrence d’un événement POD24. L’intégration du statut POD24 dans les futurs essais cliniques pourrait ainsi permettre une stratification pronostique plus précise des patients et favoriser une évaluation accélérée de nouvelles stratégies thérapeutiques, notamment dans le contexte émergent des thérapies ciblées.

     

    Références

    1. Maddocks K. Update on mantle cell lymphoma. Blood 2018;132(16):1647-1656. DOI: 10.1182/blood-2018-03-791392.
    2. Sarkozy C, Thieblemont C, Oberic L, et al. Long-Term Follow-Up of Rituximab Maintenance in Young Patients With Mantle-Cell Lymphoma Included in the LYMA Trial: A LYSA Study. J Clin Oncol 2024;42(7):769-773. DOI: 10.1200/JCO.23.01586.
    3. Delarue R, Haioun C, Ribrag V, et al. CHOP and DHAP plus rituximab followed by autologous stem cell transplantation in mantle cell lymphoma: a phase 2 study from the Groupe d'Etude des Lymphomes de l'Adulte. Blood 2013;121(1):48-53. DOI: 10.1182/blood-2011-09-370320.
    4. Sarkozy C, Chartier L, Ribrag V, et al. Validation of POD24 as a robust early clinical indicator of poor survival in mantle cell lymphoma from 1280 patients on clinical trials, a LYSA study. Blood Cancer Journal 2025;15(1). DOI: 10.1038/s41408-025-01241-9.

     

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