Neurologie

Sclérose en plaques : moindre progression du handicap chez les consommateurs de poisson

La diététique est souvent perçue comme un levier d’action pour la neuroprotection dans le cadre de maladies neurodégénératives ou auto-immunes. Le détail des régimes étant peu collectés en routine, mettre en évidence des effets de groupes d’aliments précis est difficile en épidémiologie. Une étude portant sur le registre suédois de sclérose en plaques met en évidence une effet protecteur de la consommation de poisson, notamment la consommation d’oméga-3 et de taurine.

  • Dragon Claws/istock
  • 14 Avr 2025
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    La sclérose en plaques (SEP) est une maladie associant des processus auto-immuns et neurodégénératifs, deux mécanismes connus pour être modulés par des facteurs génétiques et environnementaux. Malgré la disponibilité de traitements de haute efficacité qui endiguent les mécanismes auto-immuns, la prévention de la progression du handicap reste un défi. Des enquêtes épidémiologiques transversales (c-à-d sans suivi) ont suggéré qu’une plus forte consommation de poisson était associée à un meilleur pronostic, tel que le régime méditerranéen ou la supplémentation par oméga 3. Cet acide gras insaturé est incorporé dans les phospholipides membranaires des neurones et est associé à différents processus cellulaires incluant la myélinisation, le stress oxydatif et l’inflammation (Frajerman et al., 2021). Cette étude a suivi les patients dans le temps, ainsi que leurs régimes pour analyser l’effet de la consommation de poisson sur la progression du handicap, ainsi que des éventuels changements alimentaires après le diagnostic.

    Un registre suédois de SEP qui permet l’analyse en fonction du type de poisson

    L’étude de l’institut du Karolinska (Stockolm) a porté sur une cohorte cas-témoin nichée au sein du registre suédois de SEP (Epidemiologic Investigation of Multiple Sclerosis) et est parue dans le Journal of Neurology and Neurosurgery and Psychiatry en janvier 2025. Elle a inclu 2880 patients entre avril 2005 et juin 2015 depuis des services hospitaliers ou des cliniques privés répartis sur le territoire suédois. Les patients renseignèrent leurs expositions environnementales et leurs habitudes de vie via un questionnaire standardisé à l’inclusion. La quasi-totalité fut suivi en terme de handicap par l’échelle EDSS au sein du registre suédois, aboutissant à une population d’analyse de 2719 patients. Un questionnaire électronique de suivi fut envoyé aux patients en 2021 pour recueillir d’éventuels changements de mode de vie.

    L’étude a distingué les poissons maigres (< 3% de matières grasses), tels que la morue, le colin, l’aiglefin, le merlan et le sandre, des poissons gras (>3% de matières grasses), tels que le hareng, le maquereau, le thon, le saumon et la truite. Le niveau d’exposition fut côté en « jamais ou rarement », « mensuel » et « hebdomadaire ou quotidien ». La progression du handicap fut définie comme une augmentation d’un point d’EDSS par rapport à l’inclusion confirmée au moins 6 mois plus tard (1.5 points en cas d’EDSS de base à 0 et 0.5 points en cas d’EDSS de base >= 5.5). L’étude a aussi évalué le temps jusqu’à l’atteinte d’un EDSS 3 et 4. Ces critères de jugement firent l’objet d’une analyse de survie multivariée.

    Le groupe consommant du poisson de manière hebdomadaire a un moindre risque de progression du handicap

    Les 2719 patients ont été suivis jusqu’à 15 ans pour les plus longs suivis. Les groupes de consommation de poisson n’avaient pas de différence d’EDSS de base statistiquement significatives. Une corrélation modérée entre la consommation des deux types de poissons a empêché une analyse de bonne qualité de l’effet propre à chaque type de poisson. Néanmoins, le groupe consommant du poisson de manière hebdomadaire a un moindre risque de progression du handicap que le groupe en consommant rarement (Hazard ratio ; HR = 0.84 [0.71 -1.00] pour les poissons maigres ; HR = 0.81 [0.68-0.97] pour les poissons gras). Les auteurs ont scoré la consommation combinée des deux types de poissons par un système de points. Le groupe ayant la plus haute consommation combinée (chaque type de manière hebdomadaire) avait le risque de progression le plus bas (HR = 0.66 [0.51-0.86]). Ceci était également vrai pour le temps jusqu’à atteindre un EDSS 3 et 4, avec une tendance à un risque décroissant à mesure que le niveau de consommation augmentait.

    Parmi les 1719 répondeurs du questionnaire de suivi, 412 (24%) avaient modifié leurs consommations de poisson (288 l’ont augmenté ; 124 l’ont diminué). Les 133 patients qui l’ont augmenté de « rarement » jusqu’à un niveau hebdomadaire dans les 5 ans suivant le diagnostic ont un moindre risque de progression du handicap que les 400 patients qui ont maintenu une consommation rare (HR 0.80 [0.63-0.99]). Ces résultats sont confirmés après ajustement au niveau d’activité physique, l’IMC, le tabac, l’alcool, l’exposition soléaire, ainsi que le niveau de vitamine D. L’effet protecteur fut notamment plus important dans le sous-groupe ayant un IMC > 25.

    Impact potentiel des mesures diététiques dans la prise en charge de la SEP

    Cette étude met en évidence le potentiel de mesures diététiques dans la prise en charge de la SEP. Ses résultats allaient dans le même sens pour les trois critères de jugement avec un effet dose et correspondaient aux études transversales antérieures sur la consommation de poisson. Les questionnaires de l’étude n’ont pas collecté le mode de préparation de l’aliment qui peut influencer son profil nutritionnel effectif.

    Certains nutriments dans les poissons pourraient avoir des actions antiinflammatoires ou neuroprotectrices, notamment les oméga-3 et la taurine. Les acides gras oméga-3 sont insaturés et connus pour une action anti-inflammatoire (Frajerman et al., 2021). On les trouve essentiellement dans les poissons gras. L’association protectrice des poissons maigres pourrait être sous-tendue par la taurine, dont les poissons et les fruits de mer en sont riches. Il s’agit d’un acide aminé présent sous forme libre en forte concentration dans le cerveau. La taurine serait impliquée dans différents processus cellulaires avec une action anti-inflammatoire et anti-oxydative (Baliou et al., 2021). Elle est dérivée d’acides aminés, mais un apport exogène est nécessaire pour couvrir les besoins physiologiques. Le régime impacte également la composition du microbiote intestinal avec d’éventuels effets immunomodulateurs.

    Il y a une corrélation entre le niveau de vitamine D et la consommation de poisson gras, mais son effet sur l’évolution a été considérée comme marginale, notamment en raison d’absence d’effet statistique de sa concentration à l’inclusion. Cette interprétation est remise en question par l’essai clinique D-Lay MS, paru récemment dans le JAMA, et montrant expérimentalement l’effet de la vitamine D (à fortes doses) sur l’évolution de la SEP à un stade précoce (Thouvenot et al., 2025).

    Conclusion

    Cette étude souligne l’importance des habitudes diététiques dans la SEP en suggérant qu’une plus forte consommation de poisson est associée à une moindre progression de la maladie, probablement via l’effet anti-inflammatoire et neuroprotecteur de leurs nutriments.

     

    Références

    Baliou, S., Adamaki, M., Ioannou, P., Pappa, A., Panayiotidis, M.I., Spandidos, D.A., Christodoulou, I., Kyriakopoulos, A.M., Zoumpourlis, V., 2021. Protective role of taurine against oxidative stress (Review). Mol Med Rep 24, 605. https://doi.org/10.3892/mmr.2021.12242

    Frajerman, A., Scoriels, L., Kebir, O., Chaumette, B., 2021. Shared Biological Pathways between Antipsychotics and Omega-3 Fatty Acids: A Key Feature for Schizophrenia Preventive Treatment? Int J Mol Sci 22, 6881. https://doi.org/10.3390/ijms22136881

    Johansson, E., Guo, J., Wu, J., Olsson, T., Alfredsson, L., Hedström, A.K., 2025. Impact of fish consumption on disability progression in multiple sclerosis. J Neurol Neurosurg Psychiatry. https://doi.org/10.1136/jnnp-2024-335200

    Thouvenot, E., Laplaud, D., Lebrun-Frenay, C., Derache, N., Le Page, E., Maillart, E., Froment-Tilikete, C., Castelnovo, G., Casez, O., Coustans, M., Guennoc, A.-M., Heinzlef, O., Magy, L., Nifle, C., Ayrignac, X., Fromont, A., Gaillard, N., Caucheteux, N., Patry, I., De Sèze, J., Deschamps, R., Clavelou, P., Biotti, D., Edan, G., Camu, W., Agherbi, H., Renard, D., Demattei, C., Fabbro-Peray, P., Mura, T., Rival, M., D-Lay MS Investigators, 2025. High-Dose Vitamin D in Clinically Isolated Syndrome Typical of Multiple Sclerosis: The D-Lay MS Randomized Clinical Trial. JAMA. https://doi.org/10.1001/jama.2025.1604

     

    higher fish consumption is associated with more favourable MS disability progression, supporting diet as a potentially modifiable factor.

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    JDF

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