Neurologie
Syndromes Radiologiquement Isolés (RIS) : doivent-ils être traités ?
Avec le perfectionnement des IRM a émergé l’entité « Syndromes Radiologiquement Isolés » (RIS). De nombreux argument militent en faveur du traitement de cette entité sous réserve d’en définir mieux les patients à) risque d’évolution vers une SEP.
- DmitryBairachnyi/istock
L’utilisation de plus en plus large de l’IRM a fait émerger une nouvelle entité : le Syndrome Radiologiquement Isolé (RIS). Les efforts conjoints des médecins impliqués dans le consortium international sur le RIS (RISC) ont donné lieu à de nombreuses publications ces 10 dernières années permettant de mieux en saisir les contours. En 2023, les critères ont même été revus2 pour en faciliter le diagnostic et, in fine, l’identification précoce des patients au quotidien.
L’article publié dans Journal Of Neurology1 reprend les différents éléments qui conduisent aujourd’hui les neurologues à se poser la question de la mise en place d’un traitement de fond pour ces patients qui n’ont pas encore présenter de signes cliniques de la SEP.
Évolution des critères du RIS
Les critères appliqués jusqu’en 2023 ont été établis par Okuda en 20092 et s’appuient sur les critères de Dissémination dans l’espace (DIS) suivants : ≥3 des critères de Barkhof avec ≥1 lésion Gd+, ou ≥9 lésions T2 ovoïdes, de ≥3 mm de longueur, ≥1 infratentorielle, ≥1 juxtacorticale, ≥3 périventriculaires. Les patients ne doivent présenter aucun symptôme neurologique, ni aucune anomalie à l’examen.
Cette définition, assez stricte, laissait un flou sur la manière de suivre les personnes qui présentaient moins de 9 lésions ou qui n’en avaient pas dans 2 des 3 territoires. Or, les registres de suivi ont réussi à montrer qu’ils représentaient un fait des « pré-RIS » et les critères ont finalement été revus en 20233 pour être plus facilement maniés.
Ainsi, s’ils ne remplissent pas les critères de 2009, les patients peuvent être considérés comme des RIS s’ils présentent ≥1 T2 dans ≥1 des zones cibles (périventriculaire, juxtacorticale/corticale, infratentorielle, ou médullaire) associées à 2/3 des éléments suivants : ≥ 1 lésion médullaire, présence de BOC dans le LCR, ou une dissémination dans le temps (DIT) : nouvelle lésion T2 ou lésion Gd+.
L'utilisation de ces critères a permis d’identifier ce groupe homogène de personnes qui n’ont jamais présenté de symptômes neurologiques et de démontrer que 13,8% risquaient de présenter un 1er évènement clinique dans les 2ans, 30,7% à 3ans, 34% à 5ans et 51,2% à 10ans. Le fait d’être jeune (<37ans), d’avoir des lésions médullaires ou sous-tentorielles, des BOC dans le LCR ou des lésions Gd+ sont les 5 facteurs de risques indépendants de développer une SEP dans les années qui suivent la découverte du RIS.
Réduction du risque de conversion en SEP
Plus récemment, 2 études (ARISE4 et TERIS5) ont montré que l’administration de Diméthyl fumarate ou de Teriflunomide permettait de réduire le risque de conversion en SEP de 82% et 63%, respectivement. Or la prescription plus large de ces molécules pose de nombreuses questions. En effet, les personnes qui présentent un RIS, n’ont, stricto-sensu, pas de maladie puisqu’elles n‘ont aucun symptôme. De plus, dans les cohortes, près de 50% ne présentent jamais de conversion.
Ainsi, le recours large à des traitements immunosuppresseurs pose plusieurs questions : doit-on traiter tous les RIS ? Quels risques accepte-ton de prendre pour ces personnes (balance bénéfice/risque des traitements immunosuppresseurs au long court) ? Le système de santé peut-il supporter cette charge ? Christine Lebrun6 proposait de n’envisager la mise en place d’un traitement de fond que si les personnes présentaient des facteurs de risque de conversion en SEP, sans pour autant en donner le nombre seuil : 2,3,4 ? Cette attitude reste pour l’instant à valider.
Références :
- Preziosa P, Rocca MA, Filippi M. Radiologically isolated syndromes: to treat or not to treat? J Neurol. 2024 Mar 19. doi: 10.1007/s00415-024-12294-4. Epub ahead of print. PMID: 38502339
- Okuda DT, Mowry EM, Beheshtian A, Waubant E, Baranzini SE, Goodin DS et al (2009) Incidental MRI anomalies suggestive of multiple sclerosis: the radiologically isolated syndrome. Neurol- ogy 72(9):800–805. https://doi.org/10.1212/01.wnl.0000335764. 14513.1a
- Lebrun-Frénay C, Okuda DT, Siva A, Landes-Chateau C, Azevedo CJ, Mondot L, Carra-Dallière C, Zephir H, Louapre C, Durand-Dubief F, Le Page E, Bensa C, Ruet A, Ciron J, Laplaud DA, Casez O, Mathey G, de Seze J, Zeydan B, Makhani N, Tutuncu M, Levraut M, Cohen M, Thouvenot E, Pelletier D, Kantarci OH. The radiologically isolated syndrome: revised diagnostic criteria. Brain. 2023 Aug 1;146(8):3431-3443. doi: 10.1093/brain/awad073. PMID: 36864688; PMCID: PMC11004931
- Okuda DT, Kantarci O, Lebrun-Frenay C, Sormani MP, Azevedo CJ, Bovis F et al (2023) Dimethyl fumarate delays multiple sclerosis in radiologically isolated syndrome. Ann Neurol 93(3):604–614. https://doi.org/10.1002/ana.26555
- Lebrun-Frenay C, Siva A, Sormani MP, Landes-Chateau C, Mon- dot L, Bovis F et al (2023) Teriflunomide and time to clinical mul- tiple sclerosis in patients with radiologically isolated syndrome: the TERIS randomized clinical trial. JAMA Neurol 80(10):1080– 1088. https://doi.org/10.1001/jamaneurol.2023.2815
- Lebrun-Frenay C, Kantarci O, Siva A, Azevedo CJ, Makhani N, Pelletier D, Okuda DT. Radiologically isolated syndrome. Lancet Neurol. 2023 Nov;22(11):1075-1086. doi: 10.1016/S1474-4422(23)00281-8. Epub 2023 Oct 12. PMID: 37839432.