Infectiologie
Grippe aviaire : un pas de plus vers la transmission interhumaine ?
Un nouveau cas de grippe aviaire H5N1 a été observé au Chili, dans une région où les oiseaux et les otaries sont contaminé par ce virus. Il porte une mutation sur le gène PB2 pouvant favoriser la transmission à l’homme.
- FooTToo/istock
Depuis l'émergence du virus de la grippe aviaire, il suscite des inquiétudes chez les chercheurs et les éleveurs. Le virus H5N1, principalement véhiculé par les oiseaux migrateurs, a évolué ces dernières années et s'est propagé à travers le monde, causant des perturbations majeures pour l'industrie avicole avec un risque potentiel pour la santé humaine.
Un échantillon de grippe aviaire H5N1, isolé chez un Chilien tombé malade le mois dernier, contient deux mutations génétiques sur le gène PB2 pouvant favoriser la transmission à l’homme et qui seraient des signes d'adaptation de ce virus aux mammifères, selon des responsables des US Centers for Disease Control and Prevention.
Le patient, un homme de 53 ans, a développé des symptômes respiratoires, notamment une toux et une angine, et a été hospitalisé lorsque son état s'est détérioré avec dyspnée et choc, selon l'OMS.
L'enquête se poursuit et le mode de contamination n’est pas encore certain, mais le virus avait été récemment détecté chez des oiseaux et des otaries dans la région du Chili où vit cet homme.
Mutation sur le gène PB2
Des études expérimentales sur des animaux ont montré que les mutations, qui se situent toutes deux dans le gène PB2, permettraient au virus de mieux se répliquer dans les cellules de mammifères.
L'échantillon recueillis au Chili ne contenait pas d'autres modifications génétiques parmi les 3 loci qui, selon les scientifiques, sont nécessaires pour que le virus aviaire H5N1 se propage efficacement chez l'homme, notamment des mutations qui stabiliseraient le virus et l'aideraient à se lier plus étroitement aux cellules humaines.
Des mutations PB2 ont par ailleurs été trouvées chez d'autres mammifères infectés par cette version du virus, ainsi que chez certaines personnes infectées par d'autres versions du H5N1. Les mutations sont probablement apparues chez le patient chilien au cours de son infection.
Une étape sur la voie de l’adaptation ?
Selon les scientifiques, ces mutations constituent une étape sur la voie de l'adaptation du virus aviaire à l'homme et de l'augmentation du risque de pandémie, mais elles ne sont probablement pas suffisantes pour produire un virus avec une transmission interhumaine facile. Ces changements génétiques ont déjà été observés lors d'infections précédentes avec le virus H5N1 et n'ont pas entraîné de propagation entre les personnes, selon une interview publiée dans le New York Times.
Ces mutations ne garantissent, en effet, pas forcément une transmission interhumaine efficace du H5N1. La capacité d'un virus à se propager dans une population humaine dépend de nombreux facteurs, y compris l'interaction complexe entre les différentes mutations et l'adaptation du virus à son nouvel environnement.
De plus en plus d’occasions de s’adapter
Il s'agit du 11e cas humain de H5N1 signalé depuis janvier 2022, selon les CDC, dont aucun n'a été associé à une transmission interhumaine. Depuis que le virus H5N1 a été détecté pour la première fois chez des oiseaux en 1996, des centaines d'infections humaines ont été recensées dans le monde, principalement chez des personnes ayant été en contact étroit avec des oiseaux.
Néanmoins, les experts s'inquiètent depuis longtemps de la possibilité que la grippe aviaire, qui est bien adaptée aux oiseaux, évolue pour se propager plus facilement parmi les humains, ce qui pourrait déclencher une nouvelle pandémie. L'apparition du virus H5N1 dans un élevage de visons espagnol à l'automne dernier avait suggéré que le virus serait capable de s'adapter pour se propager plus efficacement au moins chez certains mammifères. Et, d’après les scientifiques, chaque infection humaine donne à ce virus de nouvelles occasions de s'adapter.
La surveillance continue des virus de la grippe et des infections humaines est cependant essentielle pour détecter rapidement toute évolution du virus qui pourrait constituer une menace pour la santé publique.