Urologie
Cancer de la prostate : la surveillance active suffirait dans 85% des cas
Dans une étude randomisée avec un suivi de 15 ans sur les cancers de la prostate dépisté, par PSA, le traitement radical diviserait par 2 le risque de métastases et de progression locale, mais sans allonger la survie, et au prix de complications urinaires et sexuelles.
- Chinnapong/istock
La plupart des hommes chez qui un cancer de la prostate a été diagnostiqué pourraient retarder ou éviter des traitements lourds sans compromettre leurs chances de survie, selon les nouveaux résultats à 15 ans de l'essai ProtecT, une étude menée au Royaume-Uni, et dont les résultats ont été présentés lors du congrès annuel de l'Association européenne d'urologie et publiés dans le New England Journal of Medicine.
Les hommes participant à l'étude qui ont régulièrement vu leur médecin pour surveiller de près leur tumeur prostatique à risque faible ou intermédiaire, une stratégie appelée surveillance ou contrôle actif, ont réduit leur risque de complications, telles que l'incontinence et les troubles de l'érection, observés plus souvent après un traitement radical, mais ils ne seraient pas plus à risque de décès de leur cancer que les hommes qui ont subi une prostatectomie ou une radiothérapie suivie d’une androgéno-suppression.
Ces résultats ne s'appliquent pas aux hommes dont le cancer de la prostate est considéré comme à haut risque et de haut grade à l'issue du bilan initial. Ces cancers agressifs, qui représentent environ 15% de tous les diagnostics de cancer de la prostate, nécessitent toujours un traitement radical
Une large étude de longue haleine
L'étude a suivi plus de 1 600 hommes chez qui un cancer de la prostate a été diagnostiqué au Royaume-Uni entre 1999 et 2009. Tous ces hommes étaient atteints d'un cancer qui ne s'était pas métastasé ou propagé localement. Lors de leur admission, les hommes ont été randomisés dans l'un des trois groupes suivants : surveillance active, prostatectomie ou radiothérapie accompagnée d'un traitement court (3 à 6 mois) de privation d'androgènes.
Les traitements étaient initialement stratifiés en fonction de l'âge, du score de Gleason (<7, 7, ou 8 à 10) et du taux de PSA. Les hommes randomisés dans le groupe surveillance active pouvaient changer de groupe au cours de l'étude si leur cancer progressait au point de nécessiter un traitement plus agressif. La plupart des hommes ont été suivis pendant une quinzaine d'années et, pour l'analyse la plus récente des données, les études ont permis d'obtenir des informations sur le suivi de 98% des participants.
L'incidence des décès est faible et similaire dans les trois groupes. Dans l'ensemble, 21,7% des hommes sont décédés d'une cause quelconque et 2,7% d'un cancer de la prostate. L'incidence des métastases est de 9,4% dans le groupe de surveillance active et d'environ la moitié dans les groupes de prostatectomie et de radiothérapie.
Un cancer les plus souvent à développement lent
La plupart des cancers de la prostate se développent très lentement. Il faut généralement au moins 10 ans pour qu'une tumeur confinée à la prostate provoque des symptômes significatifs. Selon certaines estimations, jusqu'à 84 % des hommes atteints d'un cancer de la prostate identifié lors d'un dépistage de routine n'ont pas intérêt à ce que leur cancer soit détecté parce qu'il ne serait pas mortel avant qu'ils ne meurent d'autres causes.
L'étude, menée depuis plus de vingt ans, confirme ce que de nombreux médecins et chercheurs ont compris entre-temps : La majorité des cancers de la prostate détectés par les tests sanguins qui mesurent les niveaux d'antigène spécifique de la prostate (PSA) ne causeront pas de problèmes aux hommes au cours de leur vie et ne nécessiteront pas de traitement.
Une étude lancée il y a plus de 15 ans
Lorsque l'essai ProtecT a été lancé, l'approche habituelle du dépistage du cancer de la prostate chez les hommes consistait à évaluer le taux de PSA, à effectuer une biopsie chez ceux qui présentaient un taux de PSA élevé et à traiter le cancer. Cette approche simpliste a radicalement changé à la suite des données recueillies depuis 1999. Le dosage du PSA n'est plus la norme de choix de la stratégie.
Aujourd'hui, si un patient a un taux de PSA élevé, les données suggèrent que le clinicien peut utiliser l'imagerie par résonance magnétique (IRM) multiparamétrique pour effectuer une biopsie sélective uniquement chez les patients ayant un score de 3 à 5 sur le Prostate Imaging Reporting and Data System (PI-RADS), qui classe une lésion sur une échelle de 1 à 5, les scores les plus élevés indiquant une plus forte suspicion de cancer. Une biopsie ciblée semble suffisante pour diagnostiquer les tumeurs des groupes de grade 3 à 5. D'autres méthodes de stratification des risques, au-delà du stade clinique, du taux de PSA et du score de Gleason, sont également disponibles.
Les analyses transcriptomiques (également connues sous le nom de classificateurs génomiques) peuvent fournir des informations pronostiques importantes et aider à orienter les décisions thérapeutiques. Les évaluations génomiques germinales sont également approuvées par les groupes experts chez les patients qui ont des tumeurs de haut grade ou des antécédents familiaux sélectionnés.
Une stratégie qui s’est encore améliorée
Dans un éditorial associé, des experts rappellent que la surveillance active telle qu'elle a été réalisée dans l'essai ProtecT n’est plus utilisée telle qu’elle aujourd’hui et est améliorée par l’ajout des évaluations en série par IRM multiparamétriques. L'augmentation du taux de métastases observée dans le groupe surveillance active serait probablement réduite avec les protocoles de surveillance active utilisés désormais.
Diverses formes de thérapie focale sont de plus en plus utilisées, telles que la radiothérapie à modulation d'intensité, la curiethérapie et les chirurgies de la prostate assistées par robot, en particulier maintenant que les tumeurs peuvent être mieux visualisées et potentiellement ciblées grâce à l'utilisation de techniques d'imagerie avancées. Dans l'ensemble, la prise en charge du cancer de la prostate localisé a subi un changement radical depuis 1999, date à laquelle l'essai ProtecT a été lancé et cet essai confirme la stratégie suivie dans la plupart des recommandations.