Addictologie
Binge drinking : la consommation d'alcool freinée par la naltrexone à la demande
L'utilisation de la naltrexone, à la demande, et prise avant un évènement festif ou en cas de besoin, pourrait réduire la quantité d'alcool consommée chez les personnes souffrant d'alcoolisme léger à modéré tout en évitant ses principaux effets secondaires.
- Caiaimage/Paul Bradbury/istoc
Une étude récente apporte une nouvelle démonstration que les personnes qui ont une consommation excessive d'alcool, avec des épisodes de Binge drinking, pourraient réduire celle-ci avec la prise d'une dose de naltrexone à la demande, avant de consommer de l'alcool au cours d’un évènement festif ou en cas de besoin.
Dans le cadre de cette étude, randomisée versus placebo, publiée dans l'American Journal of Psychiatry, 120 hommes, gay ou transexuels, qui souhaitaient réduire leur consommation excessive d'alcool de type Binge drinking, mais qui n'étaient pas gravement dépendants à l'alcool, ont reçu de la naltrexone, 50 mg, ou un placebo, en une prise à la demande, une heure avant une fête où ils risquaient une consommation excessive d’alcool, ou en cas de besoin.
Réduction significative du craving
La naltrexone, qui bloque les endorphines et réduit l'euphorie liée à l'intoxication, a une AMM depuis de nombreuses années pour les patients souffrant d’un alcoolisme plus sévère et elle doit dans ce cas être prise quotidiennement pour un effet significatif sur l’abstinence.
À la fin de l'étude de 12 semaines, les hommes qui avaient pris de la naltrexone à la demande ont indiqué qu’ils se livraient moins souvent au Binge drinking et qu’ils consommaient moins d'alcool que ceux qui avaient reçu un placebo : dans les analyses en intention de traiter, la naltrexone à la demande est associée à une réduction significative du nombre de jours de consommation excessive d'alcool (ratio d'incidence [IRR] 0,74, IC à 95% 0,56-0,98), de semaines de consommation excessive d'alcool (IRR 0,83, IC à 95% 0,72-0,96), du nombre de consommations par mois (IRR 0,69, IC à 95% 0,52-0,91) et des scores de « craving » (coefficient= -9,25, IC à 95% -17,20,-1,31).
Rémanence de l’effet à 6 mois
De façon intéressante, il y a une certaine rémanence de ce changement de comportement vis-à-vis de l’alcool qui a duré jusqu'à six mois après la fin de l’étude : 6 mois après le traitement, la naltrexone a toujours un effet sur le nombre de verres par mois (IRR 0,69, IC à 95% 0,50-0,97), le nombre de jours de consommation excessive d'alcool (IRR 0,67, IC à 95% 0,47-0,95), et toute consommation excessive d'alcool au cours de la semaine précédente (IRR 0,79, IC à 95% 0,63-0,99).
L'effet indésirable le plus fréquemment signalé a été la nausée, mais elle était généralement légère et se résolvait d'elle-même au fur et à mesure que les patients s'habituaient à prendre le médicament.
Binge drinking ou intoxication alcoolique aiguë
Le binge drinking est défini dans cette étude comme le fait de boire plus de quatre verres d’alcool en une seule séance pour les hommes et plus de trois pour les femmes, au cours du mois précédent. C'est un terme anglo-saxon qui se traduit par « alcoolisation ponctuelle importante » (API) dans un temps très court, avec recherche d'ivresse, connu également sous le terme « d'intoxication alcoolique aiguë » ou « alcoolisation massive ».
Certains peuvent considérer le binge-drinking comme inoffensif parce que cette habitude est très répandue et qu'un faible pourcentage des Binge drinkers sont dépendants à l'alcool. Mais, selon les experts, cette habitude est considérée comme un facteur de risque majeur de maladies et de lésions liées à l'alcool, et elle augmente la possibilité qu'une personne développe un trouble lié à l'alcool.
Un essai randomisé « naltrexone à la demande »
L'essai contrôlé et randomisé a été réalisé en double aveugle, avec la moitié des hommes qui ont pris de la naltrexone à la dose de 50 mg et l'autre moitié un placebo. Chaque semaine, les participants ont également reçu des conseils sur la manière de réduire leur consommation d'alcool.
L'étude repose sur une approche ciblée, dans laquelle il était conseillé aux patients de prendre la pilule, à la demande, une heure avant une consommation éventuellement excessive d'alcool de type Binge drinking. Ce type de protocole à la demande est peu courant, bien que des études remontant à plusieurs décennies aient également démontré l'efficacité de la méthode de dosage à la demande.
Des patients avec alcoolisme modéré
Cette étude est intéressante car elle s’intéresse à des populations qui n’ont pas encore un alcoolisme sévère et chez lesquelles un traitement a probablement plus de chance d’être efficace. La prise de naltrexone, à la demande, plutôt que sous forme de dose quotidienne pourrait être mieux tolérée par certaines personnes, car elle permet à leurs niveaux de dopamine de se rétablir entre deux prises.
Cette approche pourrait également permettre aux personnes de se sentir davantage impliquées dans leur traitement. Cette pratique est déjà largement adoptée en Europe, où les autorités réglementaires ont approuvé en 2013 le nalméfène pour un dosage à la demande similaire chez les personnes qui essaient de boire moins d'alcool.
Pas d’approche univoque
L'étude a porté exclusivement sur des hommes homosexuels et transsexuels, un groupe de population dans lequel la prévalence du Binge-drinking est plus élevée, de sorte que les résultats pourraient ne pas s'appliquer à tous les Binge drinkers.
Les chercheurs s'accordent également à dire que s'il n'existe pas d'approche standard pour traiter les troubles liés à l'alcoolisme et le principal problème est que la naltrexone et les autres médicaments approuvés dans cette indication sont largement sous-utilisés au regard de l’importance des populations concernées.