Hématologie
CAR-T cell : un test pour prévenir l’apparition d’une neurotoxicité
Un simple test sanguin mesurant le taux sérique de neurofilaments permettrait de prédire le risque de complications neurotoxiques du traitement par CAR-T cells.
- selvanegra/istock
S'il permet d'éliminer les formes rebelles de certaines hémopathies, le traitement par CAR-T cells s'accompagne également d’un risque important d'effets secondaires, dont une neurotoxicité préjudiciable à l’efficacité du traitement.
Une nouvelle étude de l'université Washington à St. Louis suggère qu'un simple test sanguin - réalisé avant le début du traitement par CAR-T cells pourrait permettre d'identifier les patients à risque de développer une neurotoxicité dans les jours et les semaines qui suivent un traitement par CAR-T cells.
Taux sériques de neurofilaments
En analysant des échantillons de sang de patients avant, pendant et après le traitement par CAR-T cells, les chercheurs ont découvert que les niveaux d'une protéine appelée chaîne légère des neurofilaments (NfL) sont plus élevés chez les patients qui développent ensuite des complications neurotoxiques. Les niveaux élevés de la protéine seraient présents avant même le début du traitement, et ces niveaux restent élevés tout au long du traitement et jusqu'à un mois après.
Cette étude, publiée dans la revue JAMA Oncology, pourrait aider les médecins à anticiper ces effets secondaires potentiellement mortels et leur permettre de commencer à administrer des traitements susceptibles de réduire les effets neurotoxiques des CAR-T cells dès le début du traitement par CAR-T cells.
Étude rétrospective dans 2 centres
Au total, 30 patients ont été inclus et ceux qui ont développé une neurotoxicité avaient une élévation du taux de NfL avant le traitement par CAR-T cells, par comparaison à ceux qui n'ont pas développé de neurotoxicité : pas de neurotoxicité : 29,4 pg/mL versus neurotoxicité : 87,6 pg/mL (p < 0,001). Les taux initiaux de NfL ont également permis de prédire le risque de développement d’une neurotoxicité avec une grande précision (aire sous la courbe ROC, 0,96), une sensibilité (0,91) et une spécificité (0,95).
Les niveaux de NfL sont restés élevés à tous les temps d’analyse, jusqu'à 30 jours après la perfusion. Les niveaux de base de NfL étaient en corrélation avec la sévérité de la neurotoxicité mais pas avec les facteurs démographiques, les antécédents oncologiques, les antécédents neurologiques non oncologiques ou les antécédents d'exposition à des traitements neurotoxiques.
Des lésions neurologiques pré-existantes
Cette étude suggère que certains patients recevant un traitement par CAR-T cells ont des lésions neurologiques préexistantes, non détectées au départ, avant même que l’on commence à les préparer pour ce traitement. Marqueur général des lésions neuronales, la protéine NfL a été utilisée pour mesurer ou surveiller la gravité de plusieurs maladies neurologiques, notamment la maladie d'Alzheimer et la sclérose en plaques. L'origine de ces lésions est inconnue à ce jour, mais elles semblent prédisposer aux complications neurotoxiques du traitement par CAR-T cells.
Les niveaux de base de NfL pourraient donc permettre de distinguer les patients qui ne vont pas développer d'effets secondaires neurotoxiques de ceux qui vont les développer à un quelconque degré. Les chercheurs prévoient de poursuivre l'analyse des données d'un plus grand nombre de patients pour voir si un échantillon plus important leur permettra d'identifier les patients présentant un risque de complications légères, modérées ou graves.
Des lésions neurologiques à explorer
Les complications neurotoxiques aux CAR-T cells varient considérablement d'une personne à l'autre et peuvent aller de difficultés de concentration, de problèmes de mémoire, de confusion, de difficultés de lecture et de maux de tête à des crises d'épilepsie, des accidents vasculaires cérébraux et des gonflements du cerveau. Les médecins gèrent ces complications principalement à l'aide de corticoïdes à forte dose et parfois de traitements immunomodulateurs visant à réduire l'inflammation. Il serait extrêmement utile de savoir qui est à risque d’effets secondaires neurotoxiques, car ces traitements peuvent malheureusement atténuer l'effet anticancéreux des cellules CAR-T.
Un autre mystère est que les taux élevés de NfL sont présents avant le traitement par CAR-T cells et restent généralement stables, même si certains patients développent des effets secondaires neurotoxiques puis s'en remettent. Cela suggère que les taux de NfL indiquent que quelque chose ne va pas mais ne reflètent pas ce qui se passe pour causer les complications des patients.
En pratique
Dans un sous-groupe de patients de cette petite étude transversale, le risque de développer une neurotoxicité est associé à une lésion neurologique préexistante qui serait quantifiable par le taux plasmatique de NfL. Cette lésion neurologique latente est présente avant l'administration du CAR-T cell mais n’est pas associée à des traitements neurotoxiques antérieurs ou à une maladie neurologique non oncologique.
Le taux de NfL avant la perfusion pourrait donc permettre l'identification des patients les plus à risque de neurotoxicité induite par les CAR-T cells et un dépistage précoce. Des études supplémentaires sur de plus grandes populations sont nécessaires pour déterminer l'utilité du NfL en tant que biomarqueur prédictif pour une intervention précoce (préemptive ou prophylactique) et pour déterminer l'origine de cette lésion neuronale sous-jacente.