Infectiologie
Covid-19 : seule l’Evidence-Based-Medicine est légitime
Dans une étude randomisée versus placebo chez des patients à risque, ni l’ivermectine, ni la fluvoxamine, ni la metformine n'ont empêché la survenue d'une hypoxémie, d'une visite aux urgences, d'une hospitalisation ou d'un décès associé à la Covid-19.
- Nadezhda Kozhedub/istock
Au cours de la pandémie de Covid-19, les premiers essais de repositionnement des traitements disponibles ont été réalisés dans la précipitation, ce qui a souvent conduit à des études mal conduites ou comportant trop peu de patients, mais laissant envisager une efficacité de certains médicaments. Certains ont été très prescrits, et désormais nombre de médecins restent réticents à les abandonner pour passer aux molécules dont l'efficacité a été démontrée.
Dans l'essai randomisé COVID-OUT, publié dans le New England Journal of Medicine, portant sur l'utilisation de la metformine, de l'ivermectine et de la fluvoxamine par voie orale pour le traitement précoce d’une infection par le SARS-CoV-2 chez 1 323 patients obèses en consultation externe, les chercheurs n’observent aucune réduction du risque de forme grave (hypoxémie, visites aux urgences, hospitalisations ou décès) avec l'un des trois médicaments.
Un essai randomisé versus placebo
Il s’agit d’un essai de phase 3, randomisé en double aveugle, metformine, ivermectine et fluvoxamine versus placebo, réalisé en plan factoriel 2 x 3, en prévention des formes graves de l'infection par le SARS-CoV-2.
Il a inclus 1323 adultes non hospitalisés à risque, recrutés dans les 3 jours suivant un diagnostic confirmé d'infection et moins de 7 jours après l'apparition des symptômes. Les patients étaient âgés de 30 à 85 ans et avaient tous un surpoids ou une obésité.
Le critère primaire composite était l'hypoxémie (saturation en oxygène ≤93% sur l'oxymétrie à domicile), la visite aux urgences, l'hospitalisation ou le décès.
Pas d’efficacité démontrée
Le rapport de cotes ajusté pour un événement du critère primaire est de 0,84 (IC à 95%, 0,66 à 1,09 ; p=0,19) avec la metformine, de 1,05 (IC à 95%, 0,76 à 1,45 ; p=0,78) avec l'ivermectine et de 0,94 (IC à 95%, 0,66 à 1,36 ; p=0,75) avec la fluvoxamine.
Dans les analyses secondaires préspécifiées, le rapport de cotes ajusté pour les visites aux urgences, les hospitalisations ou les décès est de 0,58 (IC à 95%, 0,35 à 0,94) avec la metformine, de 1,39 (IC à 95%, 0,72 à 2,69) avec l'ivermectine et de 1,17 (IC à 95%, 0,57 à 2,40) avec la fluvoxamine.
Le rapport de cotes ajusté pour les hospitalisations ou le décès est de 0,47 (IC à 95%, 0,20 à 1,11) avec la metformine, de 0,73 (IC à 95%, 0,19 à 2,77) avec l'ivermectine et de 1,11 (IC à 95%, 0,33 à 3,76) avec la fluvoxamine.
Une étude de repositionnement
Lorsque cet essai a été lancé en 2020, les données sur les trois traitements étaient, soit indisponibles, soit équivoques. Depuis, des données se sont accumulées à partir de plusieurs essais cliniques, y compris des méta-analyses de la metformine, de l'ivermectine et de la fluvoxamine qui ne confirment pas leur intérêt dans cette indication.
Les recommandations les plus récentes de l'OMS, qui n'incluent pas encore les résultats de l'essai COVID-OUT, sont explicitement contre l'utilisation de la fluvoxamine et de l'ivermectine mais ne fournissent aucune recommandation concernant la metformine. Malgré ces recommandations, des médicaments dont l'efficacité contre le Covid-19 n'a pas été prouvée continuent d'être prescrits par certains médecins.
Les résultats de l'essai COVID-OUT fournissent des données supplémentaires convaincantes avec un bon niveau de preuve, que la fluvoxamine et l'ivermectine ne sont pas efficaces pour prévenir la progression vers une forme grave. Si une des analyses secondaires, qui doit donc être interprétée avec prudence, suggère que la metformine pourrait réduire un critère composite de visite aux urgences, d'hospitalisation ou de décès, pour les experts ce résultat n'indique rien de plus que la nécessité d'une étude plus approfondie à ce stade.
Rester sur l’Evidence Based-Medicine
Si quelque chose a été largement démontré pendant cette pandémie, c’est qu’il est possible de faire de bonnes études et que seules celles-ci apportent des réponses fiables. Selon un éditorial associé : « Il n'y a pas toujours de bonnes réponses, mais certaines réponses sont clairement mauvaises ».
En effet, prescrire des traitements repositionnés qui ne sont pas efficaces n'est pas neutre ou inoffensif. En plus de priver les malades des traitements appropriés et disponibles désormais, une telle prescription peut entraîner des effets secondaires sans aucun bénéfice thérapeutique et des pénuries de médicaments pour les patients qui en ont besoin pour d'autres maladies.
En ce qui concerne la Covid-19, certains choix de médicaments, en particulier ceux qui font l'objet de recommandations négatives de l'OMS, sont clairement mauvais. En continuant à pratiquer une médecine fondée sur des preuves, les médecins mettent toutes les chances du côté de leurs malades et ceux-ci ne méritent pas moins.