Chirurgie
Morphine et opioïdes forts: des IPP contre les nausées et pour améliorer l’efficacité
Une étude expérimentale suggère que les patients sous morphiniques pourraient bénéficier de la prescription associée d’inhibiteurs de la pompe à protons, à la fois pour réduire les symptômes digestifs, comme les nausées, et pour améliorer l’efficacité analgésique.
- metamorworks/istocks
Les morphiniques sont la référence pour le traitement de la douleur chronique et aiguë, cependant, leur utilisation est associée à des effets secondaires gastro-intestinaux importants, notamment des nausées, des vomissements et de la constipation. Les causes de ces effets secondaires ne sont pas bien comprises.
Une série d’études expérimentales, menée par une équipe de recherche de l’Université de Miami et publiée dans The American Journal of Pathology, est le premier travail de recherche démontrant que les opioïdes forts, comme la morphine, provoqueraient une inflammation gastrique à l’origine des troubles digestifs et que cette inflammation pourrait être réduite par un traitement avec des inhibiteurs de la pompe à protons, via une moindre stase gastrique.
Forte prévalence des nausées et des vomissements
Les utilisateurs de morphiniques, comparés aux non-utilisateurs, ont une incidence plus élevée de troubles gastriques, avec un dysfonctionnement et un rétention gastrique plus fréquente, une moins bonne qualité de vie, des hospitalisations plus nombreuses et une utilisation accrue d'antinauséeux et d'analgésiques.
Pour étudier l'effet de la morphine sur l'inflammation gastrique, les chercheurs ont traité des souris avec de la morphine ou un placebo. Ils ont découvert que les lésions gastriques provoquées par la morphine sont une conséquence de l'accumulation d'acide dans l'estomac, due à une augmentation de la sécrétion d'acide gastrique et à un retard de la vidange gastrique, ce qui augmente le temps de rétention de l'acide dans l'estomac.
Retard de vidange gastrique
L'imagerie in vivo a confirmé que les souris traitées par la morphine avaient un retard de vidange gastrique par rapport aux souris sous placebo. Les lésions gastriques seraient spectaculaires et comprendraient une perturbation significative des cellules de la muqueuse gastrique, une région glandulaire réduite et une augmentation de la mort des cellules gastriques.
Le traitement par la naloxone, un médicament qui bloque la fonction des récepteurs opioïdes, réduirait ces effets chez les souris traitées par la morphine, ce qui suggère que les récepteurs opiacés classiques sont impliqués dans ces phénomènes. Les récepteurs opioïdes se trouvent en forte concentration dans l'antre gastrique de l'estomac, la partie inférieure.
La co-administration d’IPP réduit l’inflammation
Les chercheurs ont émis l'hypothèse que la cytokine IL-6 est impliquée dans la régulation du retard de la vidange gastrique et les lésions gastriques induites par les opioïdes. Les souris traitées à la morphine avaient effectivement des taux élevés d'IL-6. Des souris dépourvues d'IL-6 ont été traitées avec de la morphine, et les retards de vidange gastrique ont été réduits. Aucune inflammation gastrique n'a été détectée chez ces souris, et les niveaux de pH étaient similaires à ceux du groupe placebo.
Cela tendrait à démontrer qu'une augmentation aiguë de l'IL-6 après un traitement par la morphine entraînerait un retard de la vidange gastrique, qui conduirait à une accumulation d'acide et une inflammation gastrique.
Une nouvelle découverte associée de cette étude est que la co-administration d'omeprazole, un inhibiteur de la pompe à protons, avec la morphine fournirait une gastroprotection en bloquant la sécrétion d'acide gastrique, en réduisant directement le retard de vidange et l'inflammation gastriques et en améliorant la tolérance à la morphine.
La co-administration d’IPP augmente l’antalgie
L'étude a également abordé la question de savoir si l'effet gastroprotecteur de l'oméprazole compromettait d'une quelconque manière l'effet analgésique de la morphine. Les chercheurs ont constaté que le prétraitement entraînerait une amélioration significative de la tolérance analgésique induite par la morphine.
Lors de recherches antérieures, ils avaient constaté que la morphine pouvait activer des cytokines pro-inflammatoires qui entraînent une tolérance à la morphine. Ils supposent que l'oméprazole brise le cycle de la tolérance chronique à la morphine en réduisant le niveau de ces cytokines.
« Nos recherches ont des implications cliniques claires et suggèrent que le traitement par oméprazole au moment de l'administration de morphine est une approche prometteuse, sûre et peu coûteuse pour réduire les problèmes gastro-intestinaux induits par la morphine, améliorer la tolérance analgésique à la morphine et prolonger son efficacité en tant qu'agent analgésique », selon le Pr Sabita Roy, le chef du service de chirurgie à l’Université de Miami, qui a dirigé ces travaux.