Infectiologie
Covid-19 : le nirmatrelvir réduit les hospitalisations et les décès chez les patients à risque
Administré dans les premiers jours d’une infection Covid-19 chez les patients à risque non vaccinés, le nirmatrelvir associé au ritonavir réduit de 88,9% le risque d'hospitalisation et de décès chez les malades à risque. L'étude, revue par les pairs, est désormais publiée dans le New England Journal of Medicine.
- Rafmaster/istock
Confirmant des résultats annoncés par Pfizer en décembre 2021, le nirmatrelvir (Paxlovid®), administré dans les trois jours suivant l'apparition des symptômes d’une infection Covid-19 (et en association au ritonavir), réduirait le risque d'hospitalisation et de décès de 89,1% à J28 chez les patients à risque non vaccinés.
Ces résultats, publiés dans le New England Journal of Medicine, sont basés sur l'analyse des 2 246 participants inclus dans l’étude EPIC-HR (Evaluation of Protease Inhibition for Covid-19 in High-Risk Patients). Chez des malades non vaccinés et à risque élevé de forme grave de la maladie, ces résultats définitifs correspondent en grande partie aux différentes analyses intermédiaires présentées par Pfizer auparavant.
Cette réduction est cohérente dans tous les sous-groupes à risque analysés, que ce soit l'âge, le sexe, la race, l'IMC, l'état sérologique à l'inclusion, la charge virale, les maladies coexistantes ou le nombre d'affections coexistantes à l'inclusion.
Réduction de près de 90% des risques
L'étude EPIC-HR (Evaluation of Protease Inhibition for Covid-19 in High-Risk Patients), de phase 2/3, a débuté en juillet 2021. Les malades recrutés avaient un diagnostic (confirmé en laboratoire) d'infection par le SARS-CoV-2 avec des symptômes légers à modérés depuis moins de cinq jours et devaient avoir au moins un facteur de risque ou une comorbidité associée à un risque accru de développer une forme grave de la Covid-19, et ne pas être vaccinés. Chaque malade a été randomisé pour recevoir, soit le nirmatrelvir (ou PF-07321332) + ritonavir, soit un placebo, par voie orale toutes les 12 heures pendant cinq jours.
Selon cette nouvelle analyse sur l’ensemble des malades inclus, 0,77% des patients ayant reçu Paxlovid® ont été hospitalisés dans les 28 jours suivant leur entrée dans l'essai, et aucun n'est décédé. En revanche, 7,01% des patients ayant reçu un placebo ont été hospitalisés ou sont décédés à cause de la Covid-19.
Un nouvel antiviral spécifique en association
Le nirmatrelvir était jusqu’à maintenant connu sous le code PF-07321332 et il bloque l'activité de l'enzyme cystéine-protéase de type 3-chymotrypsine (Mpro), la protéase du SARS-CoV-2, une enzyme dont le coronavirus a besoin pour se répliquer. La Mpro est une cible antivirale attrayante parce qu'elle est essentielle au cycle de réplication virale et qu'elle a une faible probabilité d'activité hors cible, en raison de l'absence d'analogues humains reconnus. Le nirmatrelvir a présenté une inhibition puissante de l'activité de Mpro et de la réplication virale pour un large éventail de coronavirus in vitro. Étant donné la nature bien conservée du site actif de Mpro, les inhibiteurs de Mpro pourraient être plus susceptibles de conserver une activité contre les variantes futures.
Le nirmatrelvir est principalement métabolisé par le cytochrome CYP3A4. La coadministration du nirmatrelvir avec une faible dose (100 mg) de ritonavir, un inhibiteur du CYP3A4, améliore la pharmacocinétique du nirmatrelvir. Le ritonavir, déjà disponible car utilisé dans le traitement des infections à VIH, permettrait de ralentir le métabolisme ou la dégradation du nirmatrelvir afin qu'il reste actif dans l'organisme pendant plus longtemps et à des concentrations plus élevées pour combattre le virus.
Dans l'étude EPIC-HR, la charge virale est plus faible sous nirmatrelvir plus ritonavir qu'avec le placebo au jour 5 du traitement, avec une différence moyenne ajustée de -0,868 log10 copies par millilitre lorsque le traitement était initié dans les 3 jours suivant l'apparition des symptômes.
Bonne tolérance mais des interactions potentielles
L'incidence des effets indésirables apparus pendant la période de traitement est similaire dans les deux groupes (tout effet indésirable, 22,6% avec le nirmatrelvir plus ritonavir contre 23,9% avec le placebo ; effets indésirables graves, 1,6% contre 6,6% ; et effets indésirables ayant entraîné l'arrêt du traitement ou du placebo, 2,1% contre 4,2%). La dysgueusie (5,6% vs 0,3%) et la diarrhée (3,1% vs 1,6%) sont survenues plus fréquemment avec le nirmatrelvir plus ritonavir qu'avec le placebo.
Par contre, l'utilisation concomitante du nirmatrelvir plus ritonavir et de certains médicaments peut entraîner des interactions médicamenteuses potentiellement importantes du fait de l'action sur la cytochrome CYP3A4. De telles interactions doivent être gérées par une réduction de la dose du médicament concomitant, l'utilisation d'un autre médicament concomitant, une surveillance accrue des effets indésirables ou des dosages taux de médicaments concomitants, l'arrêt temporaire des médicaments concomitants ou l'évitement de la coadministration.
Les interactions médicamenteuses avec le ritonavir à faible dose (100 mg) administré sur une courte durée de 5 jours pour le traitement de Covid-19 sont susceptibles d'avoir des conséquences cliniques moindres que l'utilisation à long terme du ritonavir à faible dose ou à dose standard (600 mg) pour les patients séropositifs au VIH. Le nirmatrelvir plus ritonavir est contre-indiqué avec l'utilisation de certains médicaments en raison du risque d'effets indésirables graves.
Une mise a disposition en accès précoce
Le mirmatrelvir, associé au ritonavir, a obtenu une mise à disposition en accès précoce dès le mois de janvier de la part de l'ANSM et il doit être accessibles aux prescription en ville.
Le principal obstacle à l'utilisation de ce traitement curatif très efficace, en dehors des interactions médicamenteuses chez certains malades greffés, est la complexité paperassière et administrative qui décourage les médecins les plus débordés.
Une belle innovation qui reste donc freinée en France par la suradministration et le manque de confiance accordée aux médecins de la part de l'administration.