Infectiologie
Covid-19 hospitalisés : un nouveau traitement réduirait les décès de moitié
Un essai de phase 3 a été interrompu prématurément en raison d’une réduction de 50% de la mortalité des malades Covid-19 hospitalisés sous oxygène traités par sabizabuline. Les données n'ont pas encore été publiées.
- gorodenkoff/istock
Au bout de 2 ans de pandémie Covid-19, nous disposons de vaccins et de médicaments destinés aux patients dont la maladie est légère ou débutante, afin de prévenir les formes graves et les hospitalisations. Les corticoïdes et d'autres traitements administrés aux patients hospitalisés avec une forme grave ont montré une efficacité limitée.
Un médicament expérimental, la sabizabuline, permettrait de réduire de moitié le taux de mortalité chez les patients hospitalisés pour une infection Covid-19 sous supplémentation en oxygène, et à risque élevé de décès.
Cette réduction des décès sous sabizabuline, observée lors de l’analyse intermédiaire pré-planifiée d’une phase 3 randomisée versus placebo, est si importante que les experts indépendants du comité de surveillance et de sécurité de l’essai ont recommandé de l'interrompre prématurément. C’est ce qui vient d’être annoncé lors d’une conférence de presse de la société Veru, le fabricant du médicament. Les résultats de cet essai n'ont pas encore été examinés par des experts autres que le comité de surveillance, ni publiés dans une revue médicale.
Une analyse intermédiaire planifiée
Ces résultats, positifs en termes d'efficacité et de sécurité, proviennent d'une analyse intermédiaire planifiée d’un essai clinique de phase 3, randomisé, en double aveugle, versus placebo, et déclaré sur ClinicalTrials.gov.
Il s’agissait de tester la sabizabuline versus placebo, en sus du traitement habituel, chez des patients Covid-19 hospitalisés à haut risque de décès. Le traitement par sabizabuline entraînerait une réduction de 55% du risque de décès au 60ème jour ou avant, cliniquement et statistiquement significative en intention de traiter (p=0,0029). Le groupe placebo (n=52) a eu un taux de mortalité de 45% et le groupe traité par la sabizabuline (n=98) a eu un taux de mortalité de 20%.
Les critères secondaires d'efficacité sont toujours en cours d'analyse au moment de la publication de ce communiqué. Le traitement par la sabizabuline aurait été bien toléré dans cette population de patients et aucun effet indésirable cliniquement pertinent n'aurait été observé dans le groupe traité par la sabizabuline par rapport au placebo.
Un traitement simple pour l’hôpital
La sabizabuline a été administrée à une dose de 9 milligrammes, dans une capsule à prendre une fois par jour. La capsule est conservée à température ambiante et peut être administrée par voie orale ,ou ouverte, pour que son contenu puisse être ajouté à une sonde d'alimentation.
La sabizabuline agirait en perturbant le transport du SARS-CoV-2 par les microtubules à l’intérieur des cellules, empêchant sa réplication dans les cellules de l’épithélium respiratoire, un mécanisme qui serait indépendant du type de variant. Cette perturbation du transport par les microtubules interfèrerait également avec la cinétique des cytokines dans l'organisme, ce qui aurait pour effet d'atténuer la réaction inflammatoire. Cette molécule avait été testée jusqu’à maintenant en oncologie.
Un essai multicentrique de phase 3
Il s’agit d’un essai clinique randomisé de phase 3, en double aveugle, versus placebo, qui a évalué l'administration orale, une fois par jour, de sabizabuline, 9 mg par jour, versus placebo, chez 210 patients hospitalisés atteints de la Covid-19 sous supplémentation en oxygène (≥WHO 4) et avec un risque élevé de SDRA et de décès.
Les patients recevaient la sabizabuline ou le placebo en sus des traitements standard, notamment du remdésivir, de la dexaméthasone, des anticorps anti-récepteurs de l’IL6 ou des inhibiteurs de JAK.
L'essai multicentrique a été mené aux États-Unis, au Brésil, en Colombie, en Argentine, au Mexique et en Bulgarie sur des patients infectés par les variants Delta et Omicron. Une analyse intermédiaire planifiée a été réalisée chez les 150 premiers patients randomisés dans l'étude. Le critère principal d'efficacité est la proportion de patients décédés au 60ème jour ou avant.
Prudence en attendant les résultats définitifs
Ce qui rend ces résultats intéressants, c’est que l'activité pharmacologique de la sabizabuline serait indépendante du type de variant et que son utilisation est simple pour un hôpital. Les traitements anti-inflammatoires dont nous disposons actuellement pour les malades Covid-19 hospitalisés sont intéressants, mais la sabizabuline semble encore plus efficace et, du fait d’un mécanisme d’action différent, peut être utilisée en sus-de ces traitements.
Il faut bien sûr analyser tous les résultats avant de s’enthousiasmer sur des données de conférences de presse, données qui ne sont pas sans incidence sur le cours de bourse d’une société, mais l’étude a de bonnes caractéristiques méthodologiques.
D'autres données sont encore en cours d'analyse, notamment la proportion de patients traités sans insuffisance respiratoire, le nombre de jours passés en soins intensifs, la durée de leur séjour à l'hôpital et la durée de la ventilation mécanique.
La société prévoit de rencontrer la FDA dans le courant du mois pour demander une autorisation d'utilisation d'urgence pour la sabizabuline, ce que la FDA n’a pas confirmé, selon le New York Times.