Gynéco-obstétrique
Infections urinaires récidivantes : prophylaxie par un désinfectant urinaire
Un traitement désinfectant urinaire, à base d'hippurate de méthénamine, serait aussi efficace que les antibiotiques à dose faible en prophylaxie pour prévenir les récidives d’infections urinaires. Il pourrait également contribuer à lutter contre l’antibiorésistance.
- champja/istock
Plus de la moitié des femmes ont au moins une infection urinaire au cours de leur vie, et les infections récidivantes (définies comme au moins trois infections par an ou deux infections au cours des six mois précédents) surviennent chez environ un quart des femmes qui ont eu un épisode initial.
Les recommandations actuelles proposent l'administration quotidienne d'antibiotiques à faible dose comme traitement prophylactique standard des infections urinaires récidivantes. Mais leur utilisation à long terme d'antibiotiques est associée à un problème d’antibiorésistance.
Dans une étude randomisée de non-infériorité, une équipe de chercheurs britanniques montre, que l'hippurate de méthénamine, un médicament désinfectant urinaire inhibant la croissance de certaines bactéries, ne serait pas inférieur au traitement antibiotique standard et pourrait constituer une alternative efficace pour prévenir les infections urinaires récidivantes chez les femmes. L'étude est publiée dans The BMJ.
Une équivalence des traitements
Les résultats sont basés sur la randomisation en 2 groupes de 240 femmes (âgées de 18 ans ou plus) souffrant d’infections urinaires récidivantes et nécessitant un traitement prophylactique. En moyenne, avant de participer à l'essai, ces femmes avaient eu plus de six épisodes d'infections urinaires par an.
Pendant la période de traitement prophylactique de 12 mois, le taux d'infections urinaires est de 0,89 épisode par année-personne dans le groupe antibiotique et de 1,38 dans le groupe méthénamine, soit une différence absolue de 0,49 épisode par année-personne.
Cette petite différence entre les deux groupes est inférieure au seuil prédéfini de non-infériorité qui est d'un épisode d'infection urinaire par an, ce qui suggère que la méthénamine n'était pas moins efficace que les antibiotiques pour prévenir les récidives d’infections urinaires.
Des effets indésirables ont été signalés par 24% des femmes dans le groupe antibiotique (34/142) et 28% des femmes du groupe méthénamine (35/127) et la plupart des effets indésirables ont été légers.
Une étude de non-infériorité
L'étude ALTAR est un essai multicentrique, ouvert, randomisé, de non-infériorité. Les femmes ont été recrutées dans des hôpitaux secondaires britanniques entre juin 2016 et juin 2018 et ont été randomisée entre un groupe antibiotiques quotidiens (102 femmes) ou un groupe hippurate de méthénamine quotidien (103 femmes). L’étude a duré 12 mois, avec des évaluations trimestrielles jusqu'à 18 mois. La marge de non-infériorité, définie après une série de réunions de groupes de discussion de patients, était une différence d'un épisode d'infection urinaire par an.
La méthénamine a également été associée à une réduction de la consommation d'antibiotiques et à des niveaux similaires d'effets indésirables et de satisfaction du traitement par rapport aux antibiotiques quotidiens. Les résultats sont similaires après d'autres analyses, comme l'exclusion des jours de prise d'antibiotiques pour une infection urinaire, ce qui donne plus de poids aux conclusions.
En pratique
Les auteurs de l’étude soulignent que les données concernant la sécurité à long terme de l'hippurate de méthénamine sont rares, et ils reconnaissent certaines limites de l'étude, notamment l'absence de doubl-aveugle et des différences d’antibiotiques prescrits en prophylaxie, qui peuvent avoir affecté leurs résultats.
Ils notent également que quatre participants qui avaient reçu de l'hippurate de méthénamine ont été admis à l'hôpital en raison d'une infection urinaire et que six participants ayant reçu de l'hippurate de méthénamine ont déclaré avoir eu de la fièvre pendant un épisode d'infection urinaire (infection urinaire fébrile).
Cependant, dans la mesure où il s’agit d'un essai bien conçu très représentatif du large éventail de femmes souffrant d'infections urinaires récidivantes rencontrées en pratique courante, les résultats de cette étude ALTAR plaide en faveur de l’utilisation de ce désinfectant urinaire, sous réserve d’une information suffisante des malades pour avoir une vraie décision partagée.