Cardiologie
ARA2 et cancer : la controverse sur l’augmentation du risque rebondit
La possible augmentation du risque de cancer chez les personnes traitées par des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine-2 (ARA2) rebondit avec la publication d’une nouvelle méta-analyse qui montre que ce risque serait dose-dépendant.
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Le débat sur la question de savoir si la classe des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine-2 (ARA2), des antihypertenseurs très utilisés dans l’HTA, l’insuffisance cardiaque et la néphropathie diabétique, pouvait être associée à un risque accru de cancer a été réouvert avec la publication d'une nouvelle méta-analyse qui montre une relation statistique qui serait dose-dépendante.
La méta-analyse révèle un risque augmenté de cancer, et plus particulièrement de cancer bronchopulmonaire, avec l'augmentation de l'exposition cumulative aux ARA2, en particulier quand la dose maximale est utilisée plus de 3 ans d’affilée. Les résultats sont publiés dans le journal PLOS ONE.
Une histoire qui remonte à 2010
La première méta-analyse évoquant ce risque de cancer de cancer associé aux ARA2, réalisée par la même équipe, avait été publiée en 2010 dans The Lancet Oncology. Depuis, plusieurs autres méta-analyses, dont celle réalisée par la Food and Drug Administration, n’avaient pas retrouvé d’association statistiquement significative, mais les critiques avaient porté sur l’inclusion d’études réalisées à des doses faibles et moyennes d’ARA2.
Pour cette nouvelle méta-analyse, les chercheurs ont utilisé les données des essais provenant de l'ARB Trialists Collaboration, qui comprennent 15 essais randomisés avec des analyses de méta-régression. Les deux critères coprimaires étaient la relation entre l'exposition cumulative aux ARA2 et le risque de tous les cancers combinés et la relation entre l'exposition cumulative à ces molécules et le risque de cancer du poumon.
Au total, 74 021 patients avaient été randomisés dans ces essais pour recevoir un ARA2, avec une exposition cumulative totale de 172 389 années-personnes d'exposition à la dose quotidienne élevée (ou équivalent) et 61 197 personnes avaient été randomisées dans le groupe témoin.
Corrélation dose-dépendante entre ARA2 et cancer
Les résultats de la nouvelle méta-analyse montrent une corrélation hautement significative entre le degré d'exposition cumulative aux ARA2 et le risque de tous les cancers combinés (pente = 0,07 [IC à 95% 0,03 à 0,11], p<0,001), et le cancer du poumon (pente = 0,16 [IC à 95% 0,05 à 0,27], p = 0,003).
De plus, dans les essais où l'exposition cumulée aux ARA2 est supérieure à 3 ans d'exposition à la dose quotidienne élevée, il y a une augmentation statistiquement significative du risque de tous les cancers combinés (I2 = 31,4%, RR 1,11 [IC à 95% 1,03 à 1,19], p = 0,006). Une augmentation statistiquement significative du risque de cancer du poumon est observée dans les essais où l'exposition cumulative était supérieure à 2,5 ans (I2 = 0 %, RR 1,21 [IC 95 % 1,02 à 1,44], p = 0,03).
Dans les essais où l'exposition cumulative aux ARA était inférieure, il n'y a pas eu d'augmentation du risque de tous les cancers combinés ou du cancer du poumon.
La controverse rebondit
Cette nouvelle méta-analyse remet donc de l’essence dans la controverse avec un élément nouveau cependant, le caractère dose-dépendant, qui pourrait avoir expliqué selon les auteurs que l’inclusion d’études à faible dose d’ARA2 dans les autres méta-analyses ait pu en quelque sorte « diluer » les résultats et être responsable de la non-significativité.
Ce à quoi d'autres experts répondent que les chercheurs de cette nouvelle méta-analyse n’ayant pas eu accès aux données individuelles des patients de ces études, ils n’ont pas pu ajuster parfaitement leurs résultats sur les facteurs de risque des malades. Par exemple, il reste possible d’envisager que les malades traités par les plus fortes doses d’ARA2 soient également ceux qui seraient les plus à risque de cancer du fait d’un surpoids, d’une sédentarité, d’une prise excessive d’alcool ou d’un tabagisme.
En pratique
De l’avis de nombreux experts de ces méta-analyses, ces résultats ne peuvent cependant pas être ignorés et devraient conduire les autorités sanitaires à ré-analyser les données des études disponibles avec les ARA2 à la lumière de la possible dose-dépendance et en prenant en compte au plan statistiques les données individuelles des patients de ces études, données auxquelles ces agences ont accès, ce qui n’est pas le cas des auteurs.
On ne sait pas très bien pourquoi les ARA2 à forte dose seraient susceptibles d’augmenter le risque de cancer, même si on a pu observer des contaminations des ARA2 disponibles sur le marché avec des composés carcinogènes, contaminant du processus chimique de fabrication de ces molécules. Récemment, les autorités de réglementation de différents pays ont ainsi identifié des nitrosamines et des composés « azido », potentiellement cancérigènes, dans une multitude de génériques de plusieurs ARA2, ce qui a entraîné des rappels à répétition.
En attendant ces nouvelles analyses, il n’est bien sûr pas question d’arrêter les ARA2, qui sont des molécules indispensables. Il vaut mieux arrêter le tabac, réduire l’alcool et faire maigrir un peu les patients, cela permettra peut-être de ne pas donner les doses maximales d’ARA2. Le respect des recommandation internationales sur l’HTA peut également y contribuer, en favorisant les associations plutôt qu’en augmentant les doses d’ARA2. Les doses moyennes d’ARA2 apparaissent, en effet, très sûres dans toutes les études et méta-analyses disponibles.