Oto-rhino-laryngologie
Anosmie et Covid-19 : le mystère de son origine enfin élucidé
Le SARS-CoV-2 n'infecte pas les neurones olfactifs mais s'attaquerait aux cellules de soutien du microenvironnement, générant une inflammation. C’est cette réponse immunitaire qui entraînerait une dysrégulation massive du fonctionnement des gènes de ces neurones, perturbant la production des récepteurs olfactifs.
- microgen/istock
Au cours de la Covid-19, une grande partie des symptômes et des problèmes observés au cours de cette maladie systémique d’origine infectieuse est une conséquence de la réponse immunitaire et inflammatoire, parfois excessive, au SARS-CoV-2. Il en serait de même pour l’anosmie, un symptôme cardinal de l’infection.
Les mécanismes exacts de cette anosmie sont restés longtemps mystérieux, même si l’on a évoqué la responsabilité d’un œdème inflammatoire obstruant la fente olfactive ou d’une infection des cellules nerveuses. Pourtant, les patients atteints de la Covid-19 perdent l’odorat même s'ils n'ont pas le nez bouché et les neurones olfactifs sont dépourvus des récepteurs que le coronavirus utilise habituellement pour pénétrer dans les cellules.
Une nouvelle étude, publiée en ligne dans la revue Cell, vient clore ce débat : elle montre que le virus n'infecte pas les cellules nerveuses de l’olfaction mais s'attaquerait aux cellules de soutien de leur microenvironnement. La réponse immunitaire et inflammatoire nasale modifierait ainsi profondément le fonctionnement des voies de signalisation et des gènes dans ces neurones, perturbant in fine la production de récepteurs olfactifs à leur surface.
Pas d’infection des neurones
Ces nouveaux travaux, ainsi que ceux d’autres études antérieures, permettent de trancher la question de savoir si le SARS-CoV-2 infecte les neurones. Cela ne serait pas le cas ! Par contre, le virus s'attaquerait aux cellules du microenvironnement de ces neurones de la cavité nasale, dans le cas présent.
Après leur infection, les cellules du microenvironnement se mettent à produire des coronavirus et meurent en libérant les virus produits, tandis que les cellules immunitaires envahissent la région pour combattre le virus. L'inflammation qui en résulte détruirait les récepteurs olfactifs, des protéines de surface sur les neurones olfactifs, qui détectent et transmettent normalement les informations sur les odeurs.
Une étude dynamique
Les scientifiques ont examiné des hamsters dorés et des spécimens de tissus humains provenant de 23 patients ayant succombé à la Covid-19. Après que les hamsters aient été infectés par le SARS-CoV-2, les scientifiques ont pu suivre les dommages causés à leur système olfactif au fil du temps.
Il apparaît que la réponse immunitaire serait capable de modifier l'organisation sophistiquée des voies de signalisation et des gènes dans ces neurones, perturbant la production et le fonctionnement des récepteurs olfactifs à leur surface.
La capacité des récepteurs olfactifs à envoyer et recevoir des messages est donc dysfonctionnelle et les neurones ne meurent pas, l’olfaction peut donc se rétablir après la fin de la maladie. Il est possible qu’un dérèglement immunitaire persistant soit impliqué dans les pertes prolongées d’odorat, posant la question du Covid-long.
Une adaptation évolutive
La non-infection des neurones olfactifs est logique compte tenu de leur absence de récepteur de surface permettant la pénétration du SARS-CoV-2 dans les cellules, mais ils sont incapables d’avoir un fonctionnement génomique normal. Des travaux antérieurs avaient, en effet, montré que les neurones olfactifs ont des structures organisationnelles génomiques complexes (voies de signalisation et gènes), essentielles à la création de récepteurs olfactifs à leur surface et aux interactions entre les gènes.
Lors d'une infection, les chercheurs constatent que l'organisation génomique de ces neurones change complètement. Les cellules infectées du microenvironnement émettent un signal qui est reçu par les neurones olfactifs et aboutit à leur réorganisation et à l’arrêt de l'expression des gènes des récepteurs. Selon les auteurs, interviewé par le New York Times, cette non infection des neurones olfactifs pourrait représenter une adaptation évolutive offrant une forme de résistance antivirale et dont le but principal pourrait être d'empêcher le virus de pénétrer dans le cerveau.
Au cours de la Covid-19, le SARS-CoV-2 infecterait moins de 1% des cellules du corps humain, mais il est capable de causer de graves lésions, dans de multiples organes et à différents endroits du corps. Il est donc impératif d’analyser les conséquences de cette nouvelle infection sur l’organisme à l’aune de l’implication du système immunitaire et de l’inflammation systémique, pour mieux comprendre les différentes perturbations cellulaires et moléculaires qu'il provoque.