Médecine générale
Mon espace santé remplace le DMP : plus de fonctionnalités et plus d’incitations
Après le fiasco du Dossier Médical Partagé, le gouvernement a rebondi et créé « Mon espace santé ». Un nouveau carnet de santé électronique avec plus de fonctionnalités, et surtout plus d'incitations à son utilisation. Le virage numérique dans le domaine de la santé va-t-il enfin devenir une réalité ?
- ipopba/istock
Une fusée en première page du dossier de presse, et une communication utilisant du vocabulaire digne d'un discours de Thomas Pesquet, le gouvernement voit loin et en grand pour le lancement de Mon espace santé. Officiellement ouvert, il y a une semaine, ce nouveau « carnet de santé » électronique, complète et remplace le dossier médical partagé (DMP).
Cet espace numérique en ligne a pour vocation de donner à chaque usager un espace sécurisé et facile d’accès pour ajouter et consulter ses documents et informations de santé et les partager avec les professionnels de santé.
L'objectif est aussi de favoriser la continuité des soins pour mieux soigner en ville comme à l’hôpital. Il contient actuellement le dossier médical du patient (équivalent de l'ancien DMP) et une messagerie sécurisée permettant de communiquer avec les professionnels de santé. D'ici fin 2022, on y trouvera également un agenda médical et un accès à des applications pour suivre et préserver sa santé.
Pour ne pas réitérer l'échec du DMP
Impossible de parler de « Mon espace santé » sans penser au DMP. Même si dans son discours de lancement du projet, Olivier Véran ne le cite pas, la référence semble claire lorsqu'il parle « d'initiatives [ayant] échoué ». Pourquoi donc ce nouvel espace devrait-il avoir plus de succès ?
Selon Olivier Véran, l'évolution des mentalités pour l'inclusion du numérique dans le domaine de la santé, notamment avec la crise Covid, devrait aider à faire accepter le dispositif « la donne a changé pour le numérique en santé » dit-il. Et de nouvelles fonctionnalités et incitations financières pourraient permettre de faciliter la prise en main de l'espace. Tout d'abord, l'interopérabilité et la compatibilité avec les logiciels métiers des professionnels de santé. Pour cela, dans le cadre du Ségur de la santé, 2 milliards d'euros ont été mis sur la table pour moderniser et adapter l'ensemble de ces logiciels.
Des incitations financières, notamment auprès des médecins généralistes, sont aussi mises en place pour promouvoir son utilisation. De nouveaux indicateurs apparaissent dans le forfait structure : jusque 80 points soit 560 euros pour l'usage, le remplissage du DMP, et l'utilisation régulière de la messagerie sécurisée, et une nouvelle aide financière, le forfait « Volet de Synthèse médicale » pouvant atteindre 3000 euros pour le remplissage du volet médical des patients ALD.
« Opt-out » ou la question du consentement imposé
Autre différence majeure avec le DMP, l'accès à MES sera créé automatiquement pour tous les Français. On parle d'Opt out. Concrètement, 65 millions de notifications (e-mail ou courriers) seront envoyées à l'ensemble des bénéficiaires de l'assurance maladie d'ici fin mars. En l'absence d'opposition à sa création, dans un délai de six semaines après réception de l'information, la création de l'espace sera automatique. Une façon de faire qui sera sans doute redoutablement efficace. Mais qui pose question.
Le Syndicat de la Médecine Générale dans un communiqué de presse s'offusque « un « consentement » automatique n'est pas un consentement ». Le syndicat, dont il faut rappeler qu'il n'est pas représentatif de la profession, estime même que le combat contre cette manière d'imposer le MES rejoint celui de la lutte féministe « qui travaille à faire progresser la culture du consentement ».
Un petit peu fort peut être comme parallèle mais la question suivante mérite tout de même d'être posée : « Peut-on parler de consentement lorsque les possibilités de refuser ne sont pas les mêmes pour chacun.es » ? Une réflexion qui pose une fois encore la question de la fracture numérique.
Crash ou mission réussie à prévoir ?
Pour filer la métaphore aérospatiale appréciée par la communication du gouvernement, on peut se demander si le lancement de Mon espace santé sera le décollage numérique du siècle ou un nouveau crash mémorable.
Comme eux, on a envie d'y croire car il est temps pour la santé de prendre ce fameux virage numérique nécessaire à une réelle continuité des soins