Infectiologie
Covid-19 : échec de la colchicine à prévenir les formes graves
Énième échec du repositionnement des anciens médicaments dans la Covid-19, la colchicine échoue à réduire le risque de passage en réanimation et de décès dans une étude large contrôlée et randomisée.
- Iuliia Anisimova/istock
Une autre piste thérapeutique dans la Covid-19, largement promue par certains à partir de petites études mal contrôlées, semble se fermer : la colchicine ne permettrait pas de réduire le risque d’intubation et de décès chez les malades hospitalisés pour Covid-19 dans une large étude brésilienne randomisée et contrôlée publiée dans le JAMA.
L’étude COLCOVID a testé l’intérêt de la colchicine à la dose de 0,5 mg deux fois par jour (après une dose de charge de 2 mg le 1er jour) chez 1279 patients hospitalisés pour une atteinte pulmonaire en rapport avec la Covid-19 dans différents hôpitaux brésiliens.
Le critère composite primaire de ventilation mécanique ou de décès à 28 jours est observé chez 160 malades (25,0%) dans le groupe colchicine et 184 malades (28,8%) dans le groupe soins habituels (HR = 0,83 ; IC à 95%, 0,67-1,02 ; p = 0,08).
Une composante inflammatoire à réduire
Bien que l'insuffisance respiratoire, l'atteinte pulmonaire grave et la défaillance de plusieurs organes décrits dans les cas les plus graves de Covid-19 ne soient pas parfaitement compris, l'augmentation des marqueurs inflammatoires indique que la libération de cytokines peut contribuer à l'augmentation de la morbidité et de la mortalité.
La colchicine, un agent immunomodulateur et anti-inflammatoire, peut avoir des effets bénéfiques sur la réponse inflammatoire excessive observées dans les formes graves de la Covid-19 via l'inhibition de la polymérisation de la tubuline, des molécules d'adhésion cellulaire et des chimiokines inflammatoires, l'inhibition de l'inflammasome, la migration des monocytes et la modulation de l'état pro-thrombotique. C’est à ce titre que la colchicine est couramment utilisée pour le traitement ou la prévention des crises de goutte et de la fièvre méditerranéenne familiale.
Une utilisation trop tardive ?
Des complications respiratoires conduisant à l'intubation ou au décès surviennent chez près de 20 à 25% des patients admis à l'hôpital pour une pneumonie Covid-19. Si la dexaméthasone et le tocilizumab réduisent à ce stade la mortalité chez ces patients, il n’en est donc pas de même pour la colchicine, l'hydroxychloroquine, la chloroquine, l’ivermectine, la ribavirine, l'interféron et l'azithromycine.
Pour le remdésivir, un antiviral, l’échec est patent s’il est administré chez des patients hospitalisés où la réplication virale est moins forte, mais une étude récente montre un large bénéfice s’il est administré dès les premiers jours de l’infection, au stade où la réplication virale est le processus pathogène prédominant. La colchicine n’a pas de propriétés antivirales et il n’est pas certain qu’une administration plus précoce chez des malades non-hospitalisés mais à risque change le résultat.
Malgré d’incontestables succès ces derniers temps avec au moins 2 antiviraux spécifiques de la Covid-19, le repositionnement moléculaire aura donc été surtout une longue suite d’échecs au cours de cette pandémie. Malgré cela, le repositionnement moléculaire aura conduit à la promotion abusive de certains traitements à partir de petites études non contrôlées, ce qui aura contribué in fine à retarder les vrais progrès en détournant les efforts et les moyens financiers. Il faudra s’en souvenir lors de la prochaine pandémie.