Infectiologie
Remdésivir : un antiviral disponible en prévention précoce des formes graves
Chez des personnes à risque non vaccinées, l’administration de remdésivir sur 3 jours dès le début d’une infection par le SARS-CoV-2, réduirait de 87% le risque d’hospitalisation. Nous avons donc désormais un 2ème antiviral efficace et plutôt bien toléré, mais celui-là est déjà disponible.
- Manjurul/istock
L'émergence rapide de variants avec des mutations adaptatives sur la protéine S peut leur permettre d'échapper aux vaccins comme aux anticorps monoclonaux dont nous disposons. À l’inverse, les agents antiviraux actuels ne sont pas concernés par des variations dans leur cible virale et sont susceptibles de maintenir leur activité, ce qui renforce la valeur des antiviraux spécifique du SARS-CoV-2 dans l'endiguement de la pandémie.
Si la Covid-19 est là pour rester, la prévention par les vaccins reste une priorité, mais les options thérapeutiques permettant d’éviter aux patients vulnérables et aux non-vaccinés d’aller à l'hôpital sont un outil majeur de désengorgement des hôpitaux.
Une étude parue dans le New England Journal of Medicine, la veille de Noël, valide l’efficacité et la tolérance d’un 2ème antiviral spécifique, le remdésivir, dont l’administration parentérale raccourcie sur 3 jours et précoce réduirait de 87% le risque d’hospitalisations des patients à risque.
Réduction de 87% du risque d’hospitalisation
Dans une étude randomisée, multicentrique en double aveugle sur 562 malades à risque infectés par le SARS-CoV-2 et non vaccinés, le pourcentage de patients hospitalisés en raison d’une Covid-19 est significativement plus faible dans le groupe remdésivir que dans le groupe placebo (0,7% contre 5,3% ; HR= 0,13 ; intervalle de confiance à 95%, 0,03 à 0,59). Traduits en données pratiques, cette réduction de 87% du risque d’hospitalisation correspond à une différence de 47 hospitalisations de moins pour 1000 infections, un résultat qui est aussi cliniquement significatif dans un système de santé débordé.
Aucun décès n’est survenu dans les deux groupes au 28e jour. L'évolution de la charge virale, déterminée à l'aide d'écouvillons nasopharyngés, entre le début de l'étude et le septième jour dans le groupe remdésivir est similaire à celle du groupe placebo.
Large essai randomisé précoce
L’essai PINETREE est une étude randomisée, multicentrique, en double-aveugle, sur 562 malades à risque infectés par le SARS-CoV-2 et non vaccinés. Elle a évalué l’intérêt d’un traitement précoce (dans les 7 premiers jours de l’infection) par le remdésivir en ambulatoire pour prévenir la progression vers une forme grave de la Covid-19 et une hospitalisation. Le critère principal était un critère composite comprenant les hospitalisations et les décès sur 28 jours.
Des patients non vaccinés avec une infection confirmée par le SARS-CoV-2 et au moins un facteur de risque d'évolution vers une maladie grave (âge ≥ 60 ans, obésité, comorbidités) et dont les symptômes sont apparus dans les 7 jours précédants, ont été randomisés entre un traitement ambulatoire de 3 jours par remdésivir intraveineux (200 mg le 1er jour puis 100 mg/jour à J2 et J3) ou un placebo.
Pas d’effet sur la charge virale
L'absence d'effet du remdésivir sur la charge virale du SARS-CoV-2 montre que la façon dont ce médicament améliore l'évolution clinique de la maladie chez les patients est encore incertaine. Les charges virales nasopharyngées du SARS-CoV-2 ne permettent pas de prédire de manière fiable les résultats du traitement dans la Covid-19, dans un essai contrôlé et randomisé sur le remdésivir.
La question se pose de savoir si le remdésivir réduirait effectivement la transmissibilité chez les personnes infectées, une considération importante dans le traitement ambulatoire et qui ne pourra être tranchée que par une étude sur des virus vivants. Les anticorps monoclonaux ou les nouveaux agents antiviraux oraux sont associés à une diminution plus rapide de la charge virale que le placebo.
Un traitement parentéral raccourci
Le traitement par le remdésivir testé dans cette étude est de 3 jours seulement, alors qu’il était de 5 ou 10 jours, dans les études préalables chez les malades hospitalisés. Cela peut être une partie de l’explication de la meilleure tolérance observée dans cette étude.
Par contre, le principal défi pour la mise en œuvre d'un traitement ambulatoire par le remdésivir intraveineux est la difficulté pratique à administrer à un grand nombre de malades un traitement parentéral de trois jours. Bien que l'administration IV du remdésivir nécessite moins de surveillance que celle des anticorps monoclonaux, la majorité des patients de cet essai ont reçu le remdésivir en dehors de leur domicile, ce qui a nécessité de multiples interventions avec différents acteurs du système de soin dans une période où les patients étaient gravement infectés et le système de santé déjà très encombré.
Les antiviraux pouvant être administrés par voie orale sont beaucoup plus faciles à mettre en œuvre dans le cadre des soins ambulatoires et il faudrait une forme orale au remdésivir.
Un cadeau de Noël déjà disponible
Dans un monde idéal, l'accès généralisé aux vaccins et leur acceptation par l’ensemble de la population pourraient mettre fin à la pandémie. Dans les circonstances actuelles, étant donné l'adoption imparfaite des vaccins et l'émergence continue de variants, il est probable que le SARS-CoV-2 devienne endémique.
Dans cette perspective, il existe donc un besoin constant de traitements pouvant être utilisés dans les premiers jours de l’infection afin de réduire le risque d’évolution de la maladie vers des formes graves, en particulier chez les personnes à risque, et être largement distribuées pour répondre à la demande mondiale.
Le remdésivir, en dépit de son administration parentérale ambulatoire sur 3 jours, représente un 2ème traitement post-exposition réduisant de près de 90% le risque d’hospitalisation, avec une bonne tolérance. Surtout, il a une AMM et est déjà disponible en France. C’est quand même un joli cadeau de Noël pour les personnes à risque non vaccinées, d'autant que son promoteur travaille sur des formes inhalées. Pour les vaccinées, on ne sait pas ce que cela donne car cela n’a pas été testé dans cette étude.