Cardiologie
Azithromycine : augmentation vraisemblable de la mortalité cardiovasculaire
Un quasi doublement du risque de décès cardiovasculaire est objectivé avec l’azithromycine dans une large étude observationnelle. Ce sur-risque est probablement associé à différentes situations comorbides qui allongent également l’intervalle QT.
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L'azithromycine est l'un des antibiotiques les plus couramment prescrits dans le monde, mais a été associé à une augmentation du risque de décès cardiovasculaire dans certaines études observationnelles. En raison des inquiétudes concernant l'allongement de l'intervalle QT et des rapports de pharmacovigilance sur des cas de décès cardiaques, les agences de régulations ont modifié l'étiquetage du produit, déconseillant l'utilisation de l'azithromycine chez les patients ayant des facteurs de risque connus d'arythmie ventriculaire, et ont demandé des évaluations supplémentaires de pharmacovigilance.
Dans une étude de cohorte incluant 7 824 681 expositions à des antibiotiques, par rapport à l'amoxicilline et après ajustement par les scores de propension, une prescription ambulatoire d'azithromycine est associée à un quasi doublement du risque de décès cardiovasculaire dans les 5 jours suivant l'exposition. L’étude est publiée dans le JAMA.
Plus de 7 millions de prescriptions
L'étude a porté sur 7 824 681 expositions à des antibiotiques, dont 1 736 976 expositions à l'azithromycine (22,2 %) et 6 087 705 expositions à l'amoxicilline (77,8 %), chez 2 929 008 personnes de 50,7 ans d’âge moyen. L’amoxicilline n’est pas associée à un sur-risque d’événements cardiovasculaires indésirables.
Au total, 485 décès sont survenus dans les 10 jours suivant la date d’instauration des antibiotiques. Parmi ces décès, 256 (52,8 %) sont des décès d'origine cardiovasculaire. Parmi les décès cardiovasculaires, 112 (44 %) sont classés comme des morts subites d’origine cardiaque. Pour ceux dont les dossiers sont disponibles, la plupart (82 décès [89,0 %]) sont confirmés comme des décès cardiovasculaires après examen médical.
Il y a eu 229 décès non cardiovasculaires au cours de la période de suivi de 10 jours : les causes de décès les plus fréquemment codées sont les maladies pulmonaires (42 décès [18,3 %]), les infections (34 décès [14,8 %]), le cancer (37 décès [16,2 %]) et le diabète (28 décès [12,2 %]).
Doublement du risque de décès cardiovasculaire
Dans cette étude de cohorte portant sur plus de 7,8 millions d'expositions aux antibiotiques, les chercheurs observent une augmentation statistiquement significative du risque relatif et du risque absolu de décès cardiovasculaire associés à l'exposition à l'azithromycine par rapport à l'amoxicilline dans les 5 jours suivant la date d’instauration.
L'azithromycine est associée à une augmentation significative du risque de décès cardiovasculaire dans les 5 jours suivant l'exposition (rapport de risque [RR], 1,82 ; IC à 95%, 1,23-2,67) mais l’augmentation du risque de mort subite d’origine cardiaque n’atteint pas la significativité (RR, 1,59 ; IC à 95%, 0,90-2,81). Aucune augmentation du risque n’est constatée 6 à 10 jours après l'exposition. Des résultats similaires sont observés chez les patients se situant dans le décile supérieur du risque cardiovasculaire (HR, 1,71 ; 95 % IC, 1,06-2,76).
L'azithromycine est également associée à un risque accru de décès non cardiovasculaire (HR, 2,17 ; 95 % IC, 1,44-3,26) et de mortalité toutes causes confondues (HR, 2,00 ; 95 % IC, 1,51-2,63) dans les 5 jours suivant l'exposition.
Cohérence par rapport à d’autres études
Cette étude a également mis en évidence un risque accru de décès non cardiovasculaire et toutes causes confondues dans les 5 jours suivant l'exposition chez les personnes auxquelles l'azithromycine a été prescrite. Si le risque de décès cardiovasculaire est conforme aux mécanismes proposés, un risque accru de mortalité non cardiovasculaire ne l'est pas.
Dans la plupart des rapports de pharmacovigilance d'utilisation d'antibiotiques macrolides et d'arythmies cardiaques, les malades ont d'autres facteurs associés qui les exposaient à un risque accru d'arythmies cardiaques, notamment une maladie cardiaque sous-jacente (bradycardie, insuffisance cardiaque congestive, allongement de l'intervalle QT de base) cardiomyopathie, fibrillation auriculaire et ischémie myocardique), des anomalies métaboliques qui augmentent le risque d'arythmie (hypokaliémie, hypocalcémie, hypomagnésémie et hypoxie) ou une prescription concomitante d'autres médicaments connus pour prolonger l'intervalle QT.
Attention lors de la prescription
Cette étude de cohorte révèle donc un risque environ deux fois plus élevé de décès cardiovasculaires et non cardiovasculaires après prise ambulatoire de l'azithromycine par rapport à l'utilisation de l'amoxicilline dans une fenêtre de 5 jours après la prise.
Cette association observée de l'azithromycine avec les décès cardiovasculaires est similaire à ce qui est rapporté par d'autres équipes de recherche, même si la magnitude du risque diffère entre toutes ces études qui portent sur des populations différentes.
Bien que ces analyses ne puissent pas établir de causalité, les prescripteurs doivent être conscients de ce risque qui semble bien réel. Ces faits sont particulièrement inquiétant dans le cadre de l’épidémie de la Covid-19, où l’azithromycine a été beaucoup prescrite à forte dose, en association à de l’hydroxychloroquine à forte dose (qui allonge le QT) et chez des malades souvent hypoxiques et hypokaliémiques…