Infectiologie
Covid-19 : efficacité d’un anti-IL6R dans la prévention du SDRA
Chez les malades Covid-19 avec pneumonie hypoxémiante, un anti-IL6, le tocilizumab, réduit le risque d’évolution vers le SDRA, le passage en réanimation et l’intubation dans un essai randomisé. Un évènement majeur qui change le pronostic de la maladie et l’encombrement des réanimations.
- anyaivanova/istock
C’est une nouvelle que l’on attendait avec impatience, chez les malades hospitalisés pour une pneumonie avec besoins en oxygène (pneumonie hypoxémiante jusqu’au stade 5 de l’OMS) dans le cadre d'une Covid-19, le tocilizumab, un inhibiteur du récepteur de l’IL6, réduit statistiquement le risque d’intubation et de décès (critère primaire).
Ces résultats (non détaillés) ont été présentés en conférence de presse de l’AP-HP et sont issus d’une étude randomisée versus placebo, à paraître dans une revue avec comité de lecture. Une nouvelle qui est susceptible de profondément changer la prise en charge et le pronostic de cette maladie.
Un virage inflammatoire vers le 7ème jour
Chez les malades souffrant d’une forme hypoxémiante de pneumonie Covid-19, il est admis qu'un « orage cytokinique », avec fort relargage d’IL6 d'origine immunologique, conduit à l'insuffisance respiratoire aigüe (SDRA) et au passage en réanimation avec intubation. Cet orage cytokinique n’est, de plus, sans doute pas anodin pour le pronostic de l'état des poumons pour les malades qui survivent, avec un risque de fibrose pulmonaire et d'insuffisance respiratoire ultérieur.
Il y a une persistance du virus dans le poumon et le sang, mais c’est ce virage inflammatoire de la maladie d’origine immunitaire qui fait toute la gravité de la Covid-19, dans la majorité des cas, et qui est responsable de l’engorgement des réanimations (plus de malades et plus longtemps).
Un essai multicentrique randomisé
Cet essai randomisé, multicentrique, en ouvert, a comparé de façon contrôlée le tocilizumab, un anticorps monoclonal qui bloque le récepteur de l’interleukine-6, et qui est utilisé notamment dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et la maladie de Horton, au traitement usuel.
Du fait des concentrations invraisemblables d’IL-6 qui peuvent être atteintes dans le sang chez ces malades, un inhibiteur du récepteur de l’IL6 a été préféré à un anti-IL6, car plus facilement blocable. Une injection de 8 mg par kilogramme de poids corporel a été administrée, qui pouvait être suivie d’une autre à J3 en cas de non réponse ou d’augmentation des besoins en oxygène.
Les patients ont été sélectionnés sur la base d'une hospitalisation pour pneumonie hypoxémiante Covid-19, moyenne ou sévère, mais ne nécessitant pas de réanimation au moment de l'admission (oxygénothérapie simple, en plus du traitement de support). Le critère de jugement primaire était la combinaison du besoin de ventilation (mécanique ou non invasive) ou du décès à J14.
Une étude sur 129 malades
Au total, 129 malades ont été randomisés, dont 65 dans le groupe traitement habituel avec administration de tocilizumab (à J1 et J3) et 64 dans le groupe traitement habituel seul. Le critère de jugement principal a été atteint chez une proportion significativement plus faible de patients dans le bras tocilizumab. Du fait de la taille modeste de l’essai, le bénéfice n’est donc certainement pas négligeable au plan médical.
Les résultats de cet essai sont soumis pour publication et ils doivent, bien sûr, être confirmés de manière indépendante dans un autre essai. Compte tenu du contexte de la pandémie et de l’importance de ces résultats, les chercheurs (et le promoteur) se sont sentis obligés de communiquer ces informations, avant publication, tout en continuant le suivi plus long de ces patients.
Une structure de recherche mise en place très rapidement
Cet essai multicentrique a été conduit par la collaboration de recherche académique Covid-19 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris/Universités/INSERM-REACTing. D'autres essais CORIMUNO testant d'autres inhibiteurs des récepteurs de l’IL-6 et d'autres immunomodulateurs sont actuellement en cours d'analyse.
La plateforme CORIMUNO-19 a été mise sur pied au début de la pandémie pour tester l'efficacité et la tolérance de divers traitements chez les patients adultes avec Covid-19 sévère, grâce à une série d'essais randomisés, contrôlés, multicentriques, qui ont été lancés le 27 mars 2020. Tout ceci démontre, si c'était encore nécessaire que l'on peut faire de la très bonne recherche médicale et scientifique en "période de guerre" et sans perdre de temps.
C’est une remarquable performance et un résultat porteur de beaucoup d’espoirs, y compris en vue du déconfinement. Une étape majeure vient d’être franchie.