Rhumatologie
Lombalgies ou sciatiques chroniques : peu d’effets de la stimulation médullaire implantable
Même si les essais sur la stimulation médullaire donnent des résultats contrastés dans le traitement de la lombalgie chronique ou de la radiculalgie après-chirurgie, cette technique invasive est largement proposée alors que les revues critiques de la littérature ne sont pas en faveur de son utilisation chez n’importe quel malade.
- faustasyan/istok
La stimulation médullaire par dispositif implantable consiste en la mise en place d'un générateur d'impulsions implantable relié à des électrodes avec des électrodes qui cheminent dans l'espace épidural en regard des cordons postérieurs de la moelle épinière, chez les patients souffrant de lombalgie ou de radiculalgie chronique après une intervention La stimulation de la moelle épinière en elle-même consiste à administrer à la moelle épinière des « séries » intermittentes de stimuli électriques à haute fréquence, très rapprochés les uns des autres (« bursts »). chirurgicale pour des troubles dégénératifs de la colonne vertébrale lombaire.
Bien que l'utilisation de la stimulation médullaire implantable pour le traitement de la douleur chronique lombaire ou radiculaire post-opératoire ait augmenté, en particulier aux États-Unis, les preuves de haut niveau soutenant son efficacité sont limitées avec souvent de petites études, sans comparaison à une stimulation placebo et parfois par comparaison à la chirurgie. Dans certaines populations, elle a pu montrer un bénéfice mais, selon certains experts, cette technique n’est probablement pas à proposer à n’importe qui.
Nombreuses données mitigées dans la lombalgie chronique
Une revue du groupe Cochran en 2023, portant sur la lombalgie chronique a inclus 13 études portant sur 699 participants : 55 % des participants étaient des femmes, d'âge moyen entre 47 et 59 ans, tous les participants souffraient de lombalgie chronique et la durée moyenne des symptômes était comprise entre 5 et 12 ans.
Dix essais en cross-over ont comparé la SCS à un placebo. Trois essais en groupes parallèles ont évalué l'ajout de la SCS à la prise en charge médicale. La plupart des études présentaient un risque de biais de performance et de détection en raison d'une méthode d’aveugle inadéquate et d'un biais de rapport sélectif. Les essais contrôlés versus placebo présentaient d'autres biais importants, notamment l'absence de prise en compte des effets de période et de report. Deux des trois essais parallèles évaluant la SCS en complément d'une prise en charge médicale avaient un risque de biais d'attrition, et les trois essais ont donné lieu à d'importants croisements avec le groupe SCS pour les périodes au-delà de six mois. Dans les essais en groupes parallèles, la Cochran Collaboration a considéré que l'absence de contrôle versus placebo était une source importante de biais. Aucune des études incluses n'a évalué l'impact de la SCS sur l'intensité moyenne de la lombalgie à long terme (≥ 12 mois). Les études ont le plus souvent évalué les résultats à court terme (moins d'un mois). À six mois, les seules données disponibles provenaient d'un seul essai croisé (50 participants).
Il existe des preuves de certitude modérée que la SCS n'améliore probablement pas la douleur lombaire ou radiculaire chronique, la fonction ou la qualité de vie par rapport au placebo. La douleur était de 61 points (sur une échelle de 0 à 100 points) à six mois avec le placebo, et de 4 points de mieux (8,2 points de mieux à 0,2 point de moins) avec la stimulation médullaire implantable. La fonction était de 35,4 points (sur une échelle de 0 à 100 points) à six mois avec le placebo, et de 1,3 points de mieux (3,9 points de mieux à 1,3 points de moins) avec la stimulation médullaire implantable. La qualité de vie liée à la santé était de 0,44 point sur 1 (indice de 0 à 1, 0 = pire qualité de vie) à six mois avec le placebo, et de 0,04 point de mieux (0,16 point de mieux à 0,08 point de moins) avec la stimulation médullaire implantable. Dans cette même étude, neuf participants (18 %) ont eu des effets indésirables et quatre (8 %) ont dû subir une reprise chirurgicale. Les événements indésirables graves liés à la stimulation médullaire implantable comprennent des infections, des lésions neurologiques et la migration de la sonde nécessitant une nouvelle intervention chirurgicale.
Dans les essais parallèles évaluant la stimulation médullaire implantable en complément d'une prise en charge médicale, il n'est pas certain qu'à moyen ou long terme, la stimulation médullaire implantable puisse réduire la lombalgie, la douleur radiculaire ou la qualité de vie liée à la santé, ni qu'elle augmente le nombre de personnes rapportant une amélioration de 50 % ou plus, car le degré de certitude des preuves était très faible. Les données probantes à faible degré de certitude suggèrent que l'ajout de la stimulation médullaire implantable à la prise en charge médicale pourrait améliorer légèrement la fonction et réduire légèrement l'utilisation d'opioïdes. À moyen terme, la fonction moyenne (échelle de 0 à 100 points) s'est améliorée de 16,2 points lorsqu'on a ajouté la stimulation médullaire implantable à la prise en charge médicale par rapport à la prise en charge médicale seule (IC à 95 % de 19,4 points à 13,0 points ; I2 = 95 %). Le nombre de participants ayant déclaré avoir eu recours à des médicaments opioïdes a diminué de 15 % lorsque la stimulation médullaire implantable a été ajoutée à la prise en charge médicale (IC à 95 % : 27 % de moins à 0 % de moins ; I2 = 0 % ; 2 études, 290 participants ; preuves à faible degré de certitude).
Les effets indésirables en rapport avec la stimulation médullaire implantable ont été peu rapportés mais comprenaient l'infection et la migration des sondes. Une étude a révélé qu'à 24 mois, 13 des 42 personnes (31 %) traitées par stimulation médullaire implantable ont dû subir une reprise chirurgicale.
Cette analyse a été critiquée par certains car elle n’incorporait pas les comparaisons versus chirurgie et sur l’analyse à part des stimulation médullaires à haute fréquence par rapport à une fréquence plus basse mais elle reste robuste et cohérente par rapport à une précédente revue de la Cochran Collaboration en 2021. On ne sait pas avec certitude dans quelle mesure l'ajout de la stimulation médullaire implantable à la prise en charge médicale augmente le risque d'abandon pour cause d'événements indésirables, d'événements indésirables ou d'événements indésirables graves, car le degré de certitude des données probantes est très faible.
Données négatives à court et moyen terme dans la radiculalgie après chirurgie
Un essai randomisé en cross over récent, contrôlé versus placebo, portant sur la douleur radiculaire chronique après une chirurgie de la douleur lombaire a révélé que, chez les patients souffrant de douleur radiculaire chronique après une chirurgie de la colonne vertébrale lombaire, la stimulation de la moelle épinière n'était pas supérieure au placebo pour améliorer l'incapacité liée à la douleur. La principale limite de l'essai était que la répartition en aveugle du traitement interdisait le réglage fin et répété des paramètres de stimulation (c'est-à-dire l'amplitude, la largeur d'impulsion et la fréquence) dans le cadre d'un dialogue ouvert avec les patients et l'utilisation d'une augmentation de la stimulation jusqu’aux paresthésies.
Dans le suivi de 6 mois de cet essai randomisé sur la stimulation de la moelle épinière pour la douleur radiculaire chronique après une chirurgie de la colonne lombaire, l'amélioration de l'incapacité liée à la douleur lors du suivi après l'essai n’est pas significativement différente de la stimulation par placebo. Cette étude de suivi ne soutient pas l'utilisation de la stimulation de la moelle épinière pour gérer la douleur radiculaire chronique après une chirurgie de la colonne vertébrale en dehors des essais cliniques.
En conclusion, prudence
Même si de petites études et certaines revues de la littérature sont en faveur de la stimulation médullaire implantable dans certaines populations sélectionnées de patients, les données les plus récentes ne soutiennent pas l'utilisation de la stimulation médullaire pour améliorer la douleur de la lombalgie ou la douleur radiculaire en dehors d'un essai clinique et certainement pas parce que l'on a rien d'autre à proposer.
Des discussions persistent sur le type de malades à recruter et pour résoudre cette question une étude européenne est en cours, l’étude PROSTIM, dans la lombalgie chronique et la radiculalgie chronique qui va essayer d’analyser les sous-groupes de malades les plus aptes à répondre à cette stimulation médullaire. En attendant ses résultats, les données actuelles suggèrent que la stimulation médullaire implantable n’a probablement pas d'avantages cliniques durables qui compenseraient les coûts et les risques de cette intervention chirurgicale.