Rhumatologie
Douleurs chroniques : une fibromyalgie peut en réalité être une hypophosphatasie
Le pourcentage d’hypophosphatasie pourrait aller jusqu'à 10% des fibromyalgies, dans une cohorte universitaire de malades en Californie. Un simple dosage des phosphatases alcalines permettrait de redresser le diagnostic de cette maladie par déficit enzymatique désormais curable.
- Tonpor Kasa/istock
L'hypophosphatasie (HPP) est une maladie rare caractérisée par une minéralisation osseuse incomplète ou défectueuse, due à une mutation du gène de la phosphatase alcaline (PAL) entraînant des taux de PAL sériques faibles et un risque de fracture.
La présentation clinique de l’hypophosphatasie est hétérogène et peut prendre la forme d'un syndrome douloureux chronique, ressemblant à celui de la fibromyalgie.
Selon une étude publiée dans ACR Open Rheumatology, près de 10 % des patients ayant un diagnostic de fibromyalgie dans un hôpital universitaire de Californie auraient des taux de phosphatase alcaline (PAL) bas sur au moins 3 dosages, des taux faibles qui pourraient correspondre à une hypophosphatasie, celle-ci expliquant leurs symptômes selon les chercheurs.
Une cohorte de fibromyalgies
Parmi les 611 cas présumés de fibromyalgie de la cohorte, 143 avaient eu au moins un dosage sérique de phosphatase alcaline faible, et 57 (9,3 %) avaient eu trois mesures consécutives de PAL ou plus en dessous de la limite inférieure de la plage de référence, dont 44 % avec des antécédents de fractures.
Le taux de fracture est plus élevé dans le groupe avec trois lectures consécutives basses de PAL que dans le groupe à PAL normal (44 % contre 11 %, P < 0,05).
Les taux de vitamine B6 n'ont été analysés chez aucun patient. Aucun des patients n'avait eu de tests génétiques antérieur à la recherche d’une HPP ou n'avait eu de mesure des niveaux de zinc ou de magnésium au cours de leur bilan.
Une étude rétrospective
Les chercheurs ont réalisé une étude rétrospective à partir des dossiers de tous les patients âgés de 18 ans ou plus d'un seul centre hospitalier universitaire, chez qui on avait diagnostiqué une fibromyalgie et qui avaient un taux de PAL normal ou faible. Les caractéristiques suivantes ont été examinées : sexe, âge, antécédents de fractures, diagnostic d'ostéoporose, d'ostéopénie, d'arthrose et de chondrocalcinose, tests génétiques, test du taux de vitamine B6 et médicaments.
Selon la Tissue Nonspecific Alkaline Phosphatase Gene Mutation Database, la prévalence de la forme grave de l‘hypophosphatasie est de 1 sur 100 000 ; toutefois, les formes moins graves seraient plus fréquentes : 1 sur 6000. L'HPP a un spectre de gravité large et se caractérise par un défaut de minéralisation osseuse entraînant des fractures et, de façon peut-être plus fréquente, des douleurs musculaires, des douleurs chroniques et une artrhose.
Une maladie curable à rechercher
Le pourcentage de patients souffrant de fibromyalgie dont le taux de PAL était constamment bas est de 9,3% dans cette cohorte. Aucun d'entre eux n'avait fait l'objet d'un dosage de la vitamine B6 ou d'un test génétique, ce qui suggère que le diagnostic n'avait pas été évoqué.
Pourtant, l'identification des patients souffrant d'HPP est importante car l'HPP peut entraîner une augmentation de l'incidence des fractures atypiques du fémur, fractures qui ne seraient pas forcément sensibles aux traitements anti-ostéoporotiques usuels comme les bisphosphonates. En effet, le rôle des médicaments antirésorptifs chez ces patients n'est pas clair, certains auteurs soutenant même que les bisphosphonates seraient contre-indiqués dans cette population.
Cependant, il existe un traitement enzymatique substitutif qui réduit le risque de fractures chez ces patients, ce qui rend cruciale l'identification de ces patients dans la population générale atteinte d'ostéoporose. Ces données appuient le dépistage de cette pathologie dans le cadre du bilan initial de la fibromyalgie, en particulier en cas d’ostéopénie ou d’ostéoporose densitométrique.
D'autres causes d'un taux d'ALP faible, telles que l'hypomagnésémie, la carence en zinc, les maladies thyroïdiennes, l'utilisation de bisphosphonates (qui entraînent des taux d'ALP légèrement faibles) et la maladie de Wilson, doivent être exclues dans cette population de patients.