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Cancer : et si les océans pouvaient nous aider à le soigner ?
Les océans qui recouvrent 70 % de la planète, abritent une très grande biodiversité offrant entre autres des molécules capables de lutter contre le cancer.

- Par Sophie Raffin
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- PharmaMar
Depuis la nuit des temps, la nature est une véritable armoire à pharmacie pour l’être humain. En entendant cela, vous visualisez sûrement des forêts primaires, des champignons, des fleurs exotiques, voire des insectes rares. Et en effet, ils ont un potentiel médicinal. Mais, José María Fernández, fondateur du laboratoire PharmaMar, s'est pour sa part tourner vers les océans afin de trouver des composés bioactifs aux propriétés anti-tumorales. Il est vrai que ces derniers recouvrent 70 % de la surface terrestre et disposent d’une biodiversité propre encore assez méconnue.
Cancer : plonger dans les océans pour trouver des molécules anti-tumorales
"De nombreux médicaments comme les antibiotiques avec la pénicilline, ont été mis au point avec l’aide de la nature. Leurs principes actifs sont issus de plantes, de champignons, de plantes, d’animaux… mais pas des océans. C’est pourquoi nous avons eu l’idée de chercher dans les profondeurs pour trouver des composants anti-tumoraux", explique José María Fernández Sousa-Faro, également docteur en biochimie.Plus précisément, les chercheurs de son laboratoire s'intéressent aux invertébrés marins présents dans les profondeurs sous-marines. "Nous avons organisé plus de 200 expéditions à travers le monde pour collecter des échantillons", privilégiant entre autres les zones disposant d’une grande biodiversité et aussi celles encore peu explorées par l’Homme. Mais avant que les chercheurs puissent plonger, il y a un long travail de préparation en amont. "Chaque expédition marine prend du temps à organiser, car il est nécessaire d’obtenir les permis et autorisations des pays à qui les eaux appartiennent", indique José María Fernández Sousa-Faro. Outre respecter les réglementations locales, elle répond aussi aux exigences du protocole de Nagoya, un accord international sur la biodiversité portant sur l’utilisation des ressources génétiques de la planète.
Lorsque les autorités donnent le feu vert, les plongeurs s’élancent dans l’eau. Leur objectif : prélever manuellement – afin de préserver l'environnement – des échantillons d’environ 2 g des organismes marins présents sur la zone étudiée. "Le temps est limité sous l’eau. Selon les profondeurs, les équipes n'ont parfois qu’une quinzaine de minutes. On a besoin de prioriser les recherches en se concentrant sur les mollusques ou les invertébrés comme les coraux mous, les éponges, les tuniciers", précise Javier Jiménez, Chief Medical Officer.
Une fois remontés à la surface, les prélèvements sont identifiés en précisant leur localisation GPS et les caractéristiques de la zone d'échantillonnage (profondeur…) puis ils sont congelés et envoyés pour analyse. L’ensemble de ces données sont intégrées dans la base de données du laboratoire, baptisée Nautilus. "Elle compte plus de 500.000 échantillons", confie Santiago Bueno Horcajadas, responsable scientifique des missions.
Invertébrés marins : analyser 10.000 échantillons pour un seul essai clinique
À leur arrivée en Espagne, les échantillons sont analysés pour déterminer s’ils ont des propriétés anti-tumorales face aux cellules cancéreuses. Lorsque c’est le cas, les scientifiques œuvrent pour identifier le principe actif responsable de cette action anti-cancéreuse, puis le synthétiser. Une fois, la nouvelle molécule – qui s'appuie sur le composé provenant des fonds marins – est mise au point, des essais précliniques sont lancés pour vérifier son efficacité contre le cancer ainsi que sa sûreté pour les malades. Si les résultats sont à nouveau concluants, vient ensuite l’étape des recherches cliniques. En moyenne, il faut analyser 10.000 prélévements avant d'aboutir à un essai clinique.
En suivant ce parcours, le laboratoire espagnol a découvert trois molécules anti-tumorales :
- La plitidepsine : Elle est extraite de l’Aplidium Albicans, un animal marin uniquement aperçu dans les eaux d’Es Vedra (Baléares). Elle est approuvée pour le traitement des patients souffrant de myélome multiple en Australie.
- La trabectédine : dérivée d’un ascidien colonial appelé Ecteinascidia turbinata qui se trouve dans la mer des Caraïbes, le golfe du Mexique et en Méditerranée, elle est utilisée contre le sarcome et le cancer de l'ovaire. Actuellement, c'est le seul produit commercialisé en France.
- La lurbinectédine : tirée du même spécimen, elle vise à traiter le cancer du poumon à petites cellules, le cancer du poumon le plus agressif. Déjà commercialisée dans certains pays dont les USA, elle n’est proposée en France que via un dispositif appelé accès compassionnel.