Pneumologie
Nodules pulmonaires incidents : où est Charlie ?
La fréquence des nodules pulmonaires incidents est importante et leur suivi fait l’objet de recommandations. Malgré cela, la gestion de ces nodules n’est pas optimale et les contraintes socio-économiques, entre autres facteurs, pourraient être un obstacle pour le dépistage d’un cancer du poumon débutant. D’après un entretien avec Sébastien COURAUD.
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Une étude, dont les résultats sont parus en janvier 2024 dans CHEST, a cherché à évaluer le suivi des nodules pulmonaires détectés accidentellement au scanner thoracique et les raisons des difficultés liées à ce suivi, notamment la précarité. Il s’agit d’une étude de cohorte américaine qui a regroupé plus de 300 000 patients, issus d’une base de données californienne, dont la porte d’entrée était le résultat du scanner thoracique, effectué pour une autre cause. Les sujets avaient tous plus de 35 ans et les auteurs ont sélectionné ceux chez qui un nodule de 2 à 30 mm a été découvert fortuitement et, grâce à un algorithme d’intelligence artificielle, ont observé ceux qui avaient suivi les recommandations de la Société Fleischner. Les auteurs de ce travail ont ensuite évalué le niveau de précarité et déterminé l’association qui pouvait exister en très les difficultés socio-économiques et le défaut de suivi de ces patients. Une souplesse dans l’analyse a permis aux auteurs d’augmenter la durée d la surveillance d’environ 33%.
Ne pas louper un cancer débutant
Le professeur Sébastien COURAUD, chef de service adjoint du service de Pneumologie Aiguë Spécialisée et Cancérologie thoracique des Hospices civils de Lyon, insiste sur la très grande fréquence de la découverte fortuite des nodules pulmonaires incidents ,au cours des tomodensitométries thoraciques, coroscanner, angioscanners, effectués pour toute autre raison. Ces nodules sont pris en charge selon les recommandations de la société Fleischner, qui proposent des algorithmes de surveillance bien connus des praticiens, un peu obsolètes mais qui font foi. Sébastien COURAUD explique que la difficulté réside dans la très grande fréquence de découverte de ces nodules qui, selon les séries, peut aller de 10 à 50%. L’immense majorité d’entre eux ne sont pas cancéreux, mais parmi eux peut se trouver un « Charlie », qui serait un cancer pulmonaire débutant, à côté duquel il ne faudrait pas passer car il serait facilement curable à ce stade. Sébastien COURAUD souligne également que, lorsque l’examen d’imagerie n'est pas réalisé dans l’objectif de rechercher un nodule, la présence de ce nodule n’est pas toujours citée ou seulement dans le corps de texte par les radiologues. Or, une étude a montré que les nodules mentionnés dans les conclusions des comptes-rendus d’examens étaient plus souvent pris en charge. Toutefois, même lorsqu’ils sont cités dans la conclusion, le praticien demandeur est focalisé sur l’objectif initial de la réalisation de l’examen et ne se préoccupe pas du nodule incident. Il est nécessaire de sensibiliser les praticiens à ce phénomène, en satellite du dépistage. Sébastien COURAUD précise, qu’au Centre Hospitalier Universitaire de Lyon, un programme est actuellement en cours de déploiement : un algorithme scanne, en temps asynchrone, tous les comptes-rendus scanographiques de l’hôpital et sélectionne ceux qui font mention d’un nodule pulmonaire incident. Ces données sont ensuite vérifiées manuellement, grâce à une organisation mise en place autour de la gestion de ces nodules.
Un rôle de la précarité sur le suivi
Sébastien COURAUD relève qu’ne assez forte proportion de patents n’a pas de suivi adéquat et que cette proportion peut aller jusqu’à la moitié des sujets concernés. Il pose la question des variables, associées ou non à la précarité, qui pourraient expliquer cette inadéquation. Il précise qu’un élément vient moduler ces résultats. Il s’agit de la taille du nodule. En effet, au Centre Hospitalier Universitaire de Lyon, les nodules ne sont surveillés qu’à partir d’une taille de 4 mm. Plus les nodules sont volumineux, plus ils sont suivis. Concernant la précarité sociale, les auteurs de ce travail ont différencié la population en quatre groupes, allant du moins précaire (groupe 1) au plus précaire (groupe 4). Le rôle de la précarité sur la surveillance est tragique mais connu et très exacerbé aux USA, mais l’index de précarité californien n’est pas transposable à d’autres états et encore moins à la France. Sébastien COURAUD souligne que le tabagisme représente le plus puisant marqueur social existant en raison de ses caractères toxique et financier. Les résultats de cette étude ont montré que le quantile le plus précaire avec une réduction de chance de 3% d’être suivi convenablement. Cette différence est surtout marquée entre les groupes 1 et 4 et n’existe quasiment pas entre les groupes 2 et 3. La précarité représente donc un facteur de risque lié à l’isolement ou au défaut d’assurance santé mais c’est un facteur confondant, qu’il faut associer à d’autres éléments tels que le tabagisme ou encore les comorbidités.
En conclusion, il existe un vrai questionnement autour de la prise en charge des nodules pulmonaires incidents. L’immense majorité d’entre eux est bénigne mais il existe un « Charlie », qui nécessite, à lui seul, une organisation et un travail de gestion, en lien avec les recommandations et l’intelligence artificielle, qui rendrait ce suivi facilement standardisable.