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Antibiorésistance : et si, grâce à l'IA, les virus tueurs de bactéries étaient la solution ?

Des chercheurs français ont développé une intelligence artificielle capable de déterminer les bactériophages - virus “tueurs de bactérie” - les plus efficaces pour lutter contre les bactéries responsables d'infections résistantes aux antibiotiques.

  • Par Sophie Raffin
  • wildpixel/istock
  • 21 Nov 2024
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    La phagothérapie consiste à utiliser des virus “tueurs de bactérie” appelés bactériophages pour lutter contre les infections bactériennes. Ce type de traitement a été petit à petit délaissé avec l’arrivée des antibiotiques dans les années 1930. Mais maintenant que l'antibiorésistance complique les prises en charge des malades – et dans les cas les plus graves conduit à des décès – les chercheurs observent à nouveau les bactériophages de près.

    Et, les scientifiques de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, de l’AP-HP et de l’Université Paris Cité ont développé un nouvel outil susceptible de choisir le meilleur cocktail de bactériophages pour un patient donné. Ce modèle, reposant sur IA, a été présenté en détail dans la revue Nature Microbiology du 31 octobre 2024.

    Antibiorésistance : une base de données pour identifier les phages les plus efficaces contre E.coli

    Pour améliorer l’efficacité de la phagothérapie, l’équipe de chercheurs français a commencé par étudier de plus près les interactions bactéries-phages afin de savoir s’il était possible de prédire l’efficacité d’un bactériophage sur une souche bactérienne. Ils ont ainsi créé une base de données avec 403 souches de bactéries Escherichia coli et 96 bactériophages. "Nous avons mis en contact les phages avec les bactéries en culture et observé quelles bactéries étaient tuées. Nous avons étudié 350.000 interactions et réussi à identifier, au niveau du génome des bactéries, les caractéristiques susceptibles de prédire l’efficacité des phages", a expliqué Aude Bernheim, principale autrice de l’étude et responsable du laboratoire Diversité moléculaire des microbes à l’Institut Pasteur, dans un communiqué.

    "Contrairement à ce que l’on pensait initialement, ce sont les récepteurs à la surface des bactéries et non leurs mécanismes de défenses qui déterminent en premier lieu la capacité des bactériophages à pouvoir ou non infecter les bactéries, et qui présagent de leur efficacité", a poursuivi son co-premier auteur, Florian Tesson.

    Phage/bactérie : un cocktail sur mesure avec l'IA efficace dans plus de 80 %

    Après cette première étape, les scientifiques ont utilisé les informations récoltées pour mettre au point un programme d’intelligence artificielle dont l’objectif est d’évaluer quel est le virus le plus efficace contre une bactérie E. coli donnée. Pour déterminer cela, l’IA s'appuie sur l’analyse du génome des agents pathogènes, et plus particulièrement des régions impliquées dans le codage des récepteurs membranaires de la bactérie. Ces derniers sont, en effet, les “portes d’entrée” des phages.

    Lors des tests, le modèle mis au point a été capable de prédire correctement l’efficacité des bactériophages face aux bactéries E. coli de la base de données dans 85 % des cas. "C’est un résultat qui surpasse nos attentes", a confié Aude Bernheim.

    Les essais se sont ensuite poursuivis avec une nouvelle collection de souches bactériennes d’E. coli responsable de pneumonies. L’IA a sélectionné, pour chacune d’entre elles, un « cocktail » sur mesure de trois bactériophages. Ce dernier est parvenu à détruire les bactéries visées dans 90 % des cas.

    Pour les chercheurs, ces résultats très prometteurs montrent que leur outil "facilement utilisable dans les laboratoires de biologie hospitalière" ouvre "la voie dans les années à venir à une sélection personnalisée et rapide de traitements par bactériophages en cas de diagnostic d’infection bactérienne à Escherichia coli très résistants aux antibiotiques". Cette IA pourrait ainsi aider à réduire les risques de l'antibiorésistance et ses 35.000 décès annuels en Europe.

    "Nous devons encore tester le comportement des phages dans différents environnements, mais la preuve de concept est faite. Nous espérons pouvoir l’étendre à d’autres bactéries pathogènes, car notre IA a été conçue pour s’adapter facilement à d’autres cas de figure, et offrir dans le futur des traitements de phagothérapie personnalisés", a toutefois précisé la chercheuse.

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