L'interview du week-end
"Il est nécessaire de faire des allergies une grande cause nationale !"
En France, une personne sur quatre est atteinte d’une rhinite allergique. Parmi ces patients souffrant d’un rhume des foins, 41 % renoncent à des activités sociales, sportives, de loisirs ou professionnelles. En clair, une allergie respiratoire peut être un véritable handicap au quotidien. Mais quelles sont les méthodes les plus efficaces pour soulager les malades ? La Dr Catherine Quéquet, allergologue et auteure du livre "Les nouvelles allergies : Comment les reconnaître ? Comment les combattre ?", fait le point sur les traitements qui existent de nos jours.
- Pourquoi Docteur : Selon un rapport publié par l’association Asthme & Allergies le 22 mars, un adulte sur trois nés après 1980 est actuellement touché par une allergie. En 2050, la moitié de la population mondiale sera affectée par au moins une pathologie allergique, d’après les projections. Confirmez-vous que ces affections constituent un problème de santé publique majeur ?
Catherine Quéquet : Malheureusement, oui ! Cela fait des années que la communauté allergologique intervient auprès des décisionnaires sur la nécessité de faire des allergies une grande cause nationale. Il s’agit tellement d’un problème que les associations de patients et celles engagées en faveur de la prévention des allergies ont élaboré un plan quinquennal de lutte contre ces maladies, qui a été soumis à tous les candidats à l’élection présidentielle. Le but de ce projet est de sensibiliser les autorités à la montée en puissance des allergies, des poly-allergies, des allergies croisées et au manque cruel d’allergologues pour améliorer la prise en charge de ces pathologies.
- Dans l’Hexagone, la fréquence du rhume des foins a été multipliée par quatre au cours des trois dernières décennies. Elle affecte désormais plus de 25 % de la population générale en France. Comment expliquer ce boom de la rhinite allergique ?
En France, une petite hausse des allergies respiratoires, dont les principales causes sont les pollens de graminées, les acariens, les animaux domestiques, a été constatée ces dernières années. Cette légère augmentation est causée par le décalage de la floraison. Depuis quelques temps, les pollens apparaissent plus tôt et la saison s’allonge. De plus, la pollution atmosphérique modifie la composition des pollens, ce qui les rend plus allergisants.
- L’épidémie de Covid-19 a-t-elle favorisé la survenue des allergies respiratoires ?
La pandémie n’a pas eu d’impact sur la prévalence des allergies. Durant le premier confinement en 2020, on a observé une augmentation des symptômes, car les pollens de graminées n’étaient pas coupés sur les bords des routes et les températures étaient plus élevées.
- La communauté allergologique a noté une hausse des allergies croisées. Mais de quoi s’agit-il ?
Les allergies croisées sont provoquées par la présence de structures semblables ou voisines dans des substances aussi différentes que des pollens, des aliments ou des poils d’animaux.
Les plus fréquentes sont entre des pneumallergènes, à savoir une substance en suspension dans l'air comme le pollen, entre des trophallergènes, soit une substance présente dans des aliments, ou entre des pneumallergènes et des trophallergènes. Par exemple, une personne sensible aux acariens peut aussi être allergique aux escargots ou un patient présentant une allergie aux pollens de bouleau est plus susceptible d’être sensible à la pomme ou à la poire.
En général, les adultes allergiques aux pollens ne comprennent pas tout de suite qu’ils sont sensibles à des aliments en particulier. Ils vont consulter un allergologue pour une allergie au pollen. Le praticien va leur faire faire des tests et leur poser des questions concernant la consommation de certains aliments. Autre cas possible : les personnes remarquent que leur langue gratte ou que leurs lèvres gonflent après avoir mangé un produit. Lors de la consultation, le spécialiste va tenter de comprendre si chaque année au printemps, le malade souffre d’une rhinoconjonctivite et va confirmer qu’il est atteint d’une allergie croisée.
- Actuellement, quelles techniques permettent de prendre efficacement en charge les allergies respiratoires et d’améliorer le quotidien des malades ?
En cas d’allergie respiratoire, il convient, dans un premier temps, de limiter le contact avec l’allergène. L’éviction consiste à ne pas dormir avec des animaux de compagnie, à laver son chat pour diminuer la présence d’allergène pendant au moins 24 heures, à opter pour un oreiller sans plumes ou à utiliser des chiffons électrostatiques. Autres recommandations : ne pas faire de sport lorsqu’il fait beau et qu’il y a du vent, se laver les cheveux le soir, aérer sa maison tôt le matin et tard le soir en dehors des pics de pollution.
Le traitement médical des allergies respiratoires repose sur la prise d’antihistaminiques et l’utilisation de corticoïdes locaux dans le nez ou dans les yeux avec des gouttes oculaires. La rhinite allergique peut également être traitée grâce à la désensibilisation par voie sublinguale, dont le but est de rendre le patient tolérant vis-à-vis de l’allergène. Les malades peuvent utiliser des gouttes ou prendre des comprimés. Les personnes sensibles aux acariens doivent suivre ce traitement tous les jours pendant trois à cinq ans et celles allergiques aux pollens de graminées ont recours à cette méthode, durant cinq ans, avant et pendant la saison des pollens.
- Quelles sont les dernières nouveautés, côté traitements contre les allergies ?
Il est désormais possible d’avoir recours à des anticorps monoclonaux, par voie injectable, pour lutter contre l’asthme allergique sévère. L’utilisation de ce traitement a été étendue pour traiter les urticaires chroniques et les urticaires au froid, qui surviennent sur des zones cutanées exposées au froid par contact direct avec des substances froides ou des courants d'air froid ou de l'eau froide.