L'interview du week-end

Vasectomie : "Il y a une volonté aujourd'hui de se stériliser plus tôt"

La vasectomie est une méthode de stérilisation qui a le vent en poupe chez les hommes de l’Hexagone. Méthodes, idées reçues, profils des patients... Le Professeur Eric Huyghe, urologue-andrologue, nous en dit davantage sur cette forme de contraception radicale.

  • Par Stanislas Deve
  • Fabian Montano / istock
  • 12 Nov 2023
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    En 2021, plus de 23.000 vasectomies ont été réalisées en France (dont environ 2.000 en région Occitanie), contre moins de 2.000 dix ans plus tôt, selon les chiffres de l'Assurance maladie. A l’occasion de la Journée mondiale de la vasectomie ce 12 novembre, Pourquoi Docteur fait le point sur cette méthode de contraception méconnue remboursée par la Sécurité sociale, avec le Professeur Eric Huyghe, urologue-andrologue au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, responsable du comité d'andrologie et médecine sexuelle de l'Association française d'urologie (AFU).

    Pourquoi Docteur : Qu’est-ce que la vasectomie ?

    Pr Eric Huyghe : Le mot signifie "section du déférent". C’est une opération qui consiste à interrompre le tractus génital masculin, en sectionnant les canaux déférents pour empêcher que les spermatozoïdes ne puissent passer et rejoindre le liquide spermatique, l’éjaculant. Une fois ces canaux coupés, le sperme est dépourvu des spermatozoïdes et l’homme est donc stérile. C’est aujourd’hui la méthode contraceptive la plus efficace : il y a seulement cinq échecs sur mille, soit 99,95 % de réussites.

    Vasectomie sans scalpel : l’opération dure une quinzaine de minutes sous anesthésie locale

    Comment se déroule l’opération ?

    La méthode que je pratique au CHU de Toulouse s’appelle la vasectomie sans scalpel. [À la différence de la chirurgie traditionnelle où il faut inciser de 1 cm de chaque côté, ndlr], elle nécessite des instruments spécifiques qui permettent d’attraper le canal déférent sous la peau et de le sortir par une seule ouverture de 5mm entre les deux testicules. L’opération dure une quinzaine de minutes, et se fait sous anesthésie locale. En France, la majorité des patients qui font une vasectomie la font sous anesthésie générale, souvent parce que, de prime abord, ils craignent l’opération sous anesthésie locale.

    La vasectomie connaît un véritable boom en France depuis quelques années. Quel est le profil des patients qui font une vasectomie ?

    Le profil-type est un patient de 35 ans, qui a déjà des enfants, souvent deux, et ne souhaite pas en avoir d’autres. Cela dit, il y a aujourd'hui de plus en plus de jeunes, entre 20 et 30 ans, sans enfant, qui décident de faire une vasectomie. Il arrive que des patients se confient notamment sur leurs préoccupations environnementales, estimant qu’il y aurait déjà assez de monde sur terre, préférant adopter plutôt que faire un enfant... Les gens de moins de 30 ans et sans enfant représentent à peu près 10 % de mes patients. Il y a aujourd’hui un véritable courant de pensée autour de la volonté de se stériliser plus tôt.

    "Une technique de contraception définitive, mais qui peut être réparée par la chirurgie"

    La vasectomie est supposée irréversible... Qu'en est-il vraiment ?

    La vasectomie est une technique de contraception définitive, mais qui peut être réparée par la chirurgie : la vasovasostomie consiste à faire une couture, un pontage entre les canaux déférents sectionnés. C’est plus long qu’une vasectomie : environ 1h30 de travail, avec un microscope. Dans 85 % des cas, on arrive à inverser le processus, mais il faut pour cela que la vasectomie n’ait pas été trop invasive et enlevé une trop grande portion des canaux déférents : il en faut suffisamment pour faire la couture, sinon c’est impossible à réparer. De manière générale, il vaut mieux voir la vasectomie comme un moyen définitif : on ne fait pas une vasectomie pour un an...

    Quelles idées reçues les patients ont-ils sur la vasectomie ?

    Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la douleur n’est pas leur principale crainte. Ce qu’ils redoutent, c’est l’impact sur leur sexualité. Il y a toujours un amalgame entre être fertile et être viril, être un homme "à 100 %". Au CHU de Toulouse, nous avons fait récemment une enquête sur près de 500 hommes pris en charge pour une vasectomie : environ 90 % d’entre eux disent que cela n’a eu aucun impact sur leur érection, leur éjaculation, leur désir, leur plaisir, 3 % estiment que c’est moins bien, et même 7 % trouvent que c’est mieux qu’avant. On peut dire qu’il n’y a pas d’impact négatif. Même le volume d’éjaculat reste inchangé, celui-ci étant produit à 90 % par la prostate et les vésicules séminales, donc en aval de la zone coupée : avec seulement 10 % de volume en moins, les patients ne voient pas la différence.

    Vasectomie : "il y a des retombées positives en termes d’entente dans le couple"

    Pourquoi utiliser cette méthode de contraception ?

    La vasectomie donne une très grande satisfaction aux hommes qui ont décidé de ne pas avoir plus d’enfant. De manière générale il y a des retombées positives en termes d’entente dans le couple – c’est une démarche qui se fait à deux dans la plupart des cas. Dans de nombreux cas, les hommes veulent libérer les femmes de la contraception en l’assumant eux-mêmes. En France, la vasectomie est un phénomène un peu nouveau, mais c’est très répandu dans d’autres pays comme le Canada, où un homme de 50 ans sur trois a subi une vasectomie, les Etats-Unis, avec 500.000 vasectomies par an, la Corée, la Nouvelle-Zélande, le Mexique... L’Europe y vient aussi : en Belgique, au Royaume-Uni ou encore en Espagne, entre 5 et 10 % des couples utilisent la vasectomie comme moyen de contraception.

    Hormis le préservatif et la vasectomie, quelles autres options contraceptives existe-t-il ?

    Il y a les méthodes hormonales, avec la pilule contraceptive masculine, qui permet aux hommes d’assumer la charge de la contraception moyennant un suivi régulier, avec des spermogrammes fréquents pour vérifier que tout fonctionne bien. Mais la jeune génération actuelle n’est pas favorable aux traitements hormonaux.

    Autre solution : le slip chauffant. Comme la pilule, il faut attendre plusieurs mois avant de devenir temporairement stérile. Pour fonctionner, il doit être porté au moins quinze heures par jour (et pas quand on dort !), pas une de moins, et 365 jours par an, au risque sinon de devoir encore attendre trois mois supplémentaires pour que cela fonctionne. La plupart des gens l’utilisent pendant quelques années, avant d’avoir un enfant. C’est une méthode efficace chez certains, moins chez d’autres, en fonction de la physionomie. Cela diminue les chances de grossesse, mais ce n’est pas une méthode contraceptive qui aboutit à 0 % de fertilité. Difficile de donner des estimations chiffrées car, contrairement au préservatif ou à la vasectomie, le slip chauffant n’a pas été essayé par des millions de personnes. Mais on doit être autour de 70-80 % d’efficacité.

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