Oncologie

Cancers ORL : le microbiote buccal a un impact avéré sur le risque

Une étude met en lumière l'association entre certaines bactéries buccales et le développement ultérieur de carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou . Ces découvertes ouvrent la voie à des stratégies de prévention personnalisées.

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  • 28 Sep 2024
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    Les carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou (CETC) représentent un défi majeur en oncologie, avec un pronostic souvent réservé malgré les avancées thérapeutiques. Au-delà des facteurs de risque établis tels que le tabagisme, l'alcool et le papillomavirus humain (HPV), l'attention se porte désormais sur le rôle potentiel du microbiote buccal dans la carcinogenèse.

    Une étude récente, intégrant trois grandes cohortes prospectives totalisant 159 840 personnes, a identifié des espèces bactériennes buccales associées à une augmentation de 50 % du risque de développer un CETC. En revanche, aucune association significative n'a été retrouvée avec les champignons buccaux. L’étude est publiée dans The JAMA Oncology.

    Des bactéries protectrices et d’autres à risque

    Au cours d'un suivi moyen de 5,1 ans, 236 participants ont développé un carcinome épidermoïde de la tête et du cou. L'analyse du microbiote buccal révèle 13 espèces bactériennes dont la présence est significativement associée au risque de cancer.

    Parmi elles, certaines espèces commensales comme Prevotella salivae et Streptococcus sanguinis semblent avoir un effet protecteur, tandis que d'autres appartenant aux complexes bactériens pathogènes parodontaux rouge et orange seraient associées à une augmentation modérée du risque (OR 1,06 par écart-type).

    Un score de risque microbien, basé sur 22 bactéries identifiées, a été élaboré. Une augmentation d'un écart-type de ce score est associée à une hausse de 50 % du risque de carcinome épidermoïde de la tête et du cou (odds ratio multivarié de 1,50 ; IC à 95 % : 1,21-1,85).

    Concernant le microbiote fongique, aucune espèce n'a montré de lien significatif avec le risque de cancer. En termes de tolérance, l'étude ne rapporte pas d'effets indésirables liés à l'analyse du microbiote buccal.

    Une large étude cas-témoins prospective

    Cette étude de cas-témoins imbriquée dans trois cohortes prospectives majeures aux États-Unis se distingue par sa robustesse méthodologique. Les participants ont été suivis sur plusieurs années, avec une collecte prédiagnostique d'échantillons buccaux, permettant une analyse prospective du microbiote avant l'apparition du cancer. L'utilisation du séquençage de nouvelle génération a permis une identification précise des espèces bactériennes et fongiques présentes.

    Les résultats sont renforcés par la diversité raciale et ethnique des cohortes, bien que la majorité des participants soient de race blanche, ce qui pourrait limiter la généralisation des conclusions. Néanmoins, la cohérence des associations observées à travers les différentes cohortes et sous-groupes de cancers ORL suggère une validité externe notable.

    Perspectives de recherche et changement de pratique

    Ces découvertes suggèrent que le microbiote buccal pourrait servir de biomarqueur pour identifier les individus à haut risque de carcinome épidermoïde de la tête et du cou, ouvrant la voie à des stratégies de prévention ciblées. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les mécanismes par lesquels ces bactéries influencent la carcinogenèse.

    Sur le plan clinique, l'intégration du profil microbien buccal dans les évaluations de risque pourrait compléter les facteurs traditionnels comme le tabagisme et l'alcool. De plus, des interventions visant à moduler le microbiote buccal, telles que l'amélioration de l'hygiène orale ou l'utilisation de probiotiques, pourraient être explorées comme mesures préventives potentielles.

    Take-home message

    L'étude met en évidence le rôle potentiel du microbiote buccal dans le développement des carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou. L'identification de bactéries spécifiques associées au risque offre de nouvelles perspectives pour la prévention personnalisée et souligne l'importance de la santé bucco-dentaire en oncologie.

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