Cour d'appel de Paris
Hormone de croissance : les deux médecins mis hors de cause
Trente ans après les faits, le drame des hormones de croissance a trouvé son épilogue. La cour d'appel de Paris a mis hors de cause les deux dernières personnes poursuivies.
Après deux procès et une relaxe générale au pénal en 2011, c'est la fin d'un feuilleton judiciaire vieux de 30 ans. Ce lundi, le drame de santé publique des hormones de croissance a connu son épilogue, débouchant sur une mise hors de cause (au civil) des deux dernières personnes poursuivies, malgré des « fautes » de leur part.
Pour la cour d'appel de Paris, le Pr Fernand Dray, 93 ans, et l'ancienne pédiatre Élisabeth Mugnier, 66 ans, ont en effet commis des fautes « d'imprudence et de négligence », mais dans le cadre de leur mission professionnelle, c'est-à-dire sans que leur responsabilité civile soit engagée, et sans que les familles de victimes puissent donc prétendre à une réparation financière pour le « préjudice irrémédiable » subi.
Les deux préparateurs d'hypophyse
Pour rappel, c’est une somme colossale que réclamaient les avocats des 21 parties civiles, 10 millions d’euros pour ces deux préparateurs d'hypophyse.
A l'époque, le Pr Fernand Dray dirigeait en effet l’Unité de radio-immunologie, rattachée à l’Institut Pasteur et chargée d’élaborer la poudre d'hypophyse (glande contenant l’hormone de croissance).
Le Dr Elisabeth Mugnier, 66 ans, assurait, elle, la collecte des hypophyses contaminées, car prelevées sur des cadavres infectés par la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) pour le compte de l'association France Hypophyse. Tous deux devaient donc répondre de leur responsabilité dans le dossier, car ils n’étaient pas habilités à élaborer ce médicament.
En tout, près de 1 700 enfants ont été traités par injection à partir de prélèvements contaminés entre 1983 et 1985, et 125 sont décédés. Les autres sont toujours exposés au risque de développer la maladie de Creutzfeldt-Jakob, dont le temps d’incubation peut dépasser les 30 ans.
Les familles de victimes révoltées
C’est donc au nom de ce « préjudice irréparable » que les avocats Bernard Fau et Jean-Elie Drai réclamaient cette somme. Certaines familles ont déjà été indemnisées, au nom de la solidarité nationale, mais les avocats considéraient que la somme allouée ne couvrait pas l’ensemble des préjudices.
Du côté des familles de victimes, la déception est immense : « Vous pouvez faire ce que vous voulez, vous sortez avec des gants blancs, parce que devant vous il y a votre employeur », a lancé en sortant de l’audience Alain Jolivet, dont le fils Emmanuel est décédé, dans des propos rapportés par l'Agence France Presse.
Me Bernard Fau, s’exprimant au nom des 21 parties civiles a, quant à lui, dénoncé un « naufrage » et l'« incapacité de la justice française à appréhender ce type de grand scandale sanitaire ».