Taux de survie similaire

Greffe: 1 poumon transplanté sur 2 provient de fumeurs

47% des patients greffés recevraient des poumons issus de gros fumeurs. Mais, leur taux de survie, 3 ans après la greffe, serait similaire à ceux qui ont reçu des poumons de non-fumeurs.  

  • Par Melanie Gomez
  • MARAIS GILL/SIPA
  • 03 Fév 2014
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    « Nos résultats offrent pour la 1ère fois, des chiffres réels sur le risque d'implantation de poumons provenant de donneurs même tabagiques. Et ils montrent que ces poumons peuvent donner un sursis plus que nécessaire à des patients gravement malades dont les chances de survie diminuent chaque jour ou chaque semaine qu’ils passent sur liste d'attente, » expliquent les auteurs d’une étude qui vient d’être publiée dans la revue Annals of Thoracic Surgery. En effet, une équipe de chercheurs de l'hôpital de Harefield à Londres, où a d’ailleurs été réalisée la 1ère transplantation cardiaque et pulmonaire au Royaume-Uni en 1983, a tenté d’analyser les différences notamment en matière de survie à court et à moyen terme, entre les patients recevant des poumons de fumeurs et ceux recevant des organes de non-fumeurs.

    18% des greffons viennent de très gros fumeurs

    Ces scientifiques ont passé en revue un total de 237 transplantations pulmonaires réalisées sur une période de six ans à partir de 2007, à l’hôpital de Harefield. Résultat, cette étude montrent donc que 53% des greffés ont reçu des poumons de non-fumeurs, tandis que 29% ont eu des poumons issus de donneurs qui avaient fumé pendant moins de 20 ans. Mais le plus surprenant dans ce travail, c’est que les chercheurs révèlent aussi que dans 18% des cas, les greffes pulmonaires étaient réalisées à partir d’organes appartenant à des « gros-fumeurs », c’est à dire à des personnes ayant fumé 20 cigarettes par jour ou plus, pendant au moins 20 ans.

    Selon plusieurs spécialistes, greffer des organes provenant de fumeurs n’aurait rien d’exceptionnel. Ce serait même un moyen efficace de pallier la pénurie constante de donneurs d'organes. « Exclure les poumons de fumeur de la greffe, cela reviendrait à se priver de 30 à 40% des greffons, alors que la majorité sont de bons poumons, expliquait il y a plusieurs mois le Dr Gabriel Thabut, pneumologue à l’hôpital Bichat à Fréquence M, une web radio pour les médecins. « Pour repérer ceux qui ne le sont pas, il est quand même possible de recueillir quelques éléments sur les habitudes de vie du donneur d’organe via la famille et puis nous pratiquons quelques examens sur le greffon ».

    Poumon de fumeurs ou de non-fumeurs, une survie similaire à 3 ans

    Même si transplanter des poumons de fumeurs sur des patients atteints de graves maladies respiratoires se fait déjà en pratique, ces chercheurs ont tout de même cherché à évaluer le risque pour les bénéficiaires. Les résultats de cette enquête montrent qu’un an et même jusqu’à trois ans après la greffe, les chiffres de survie étaient quasi-similaires quel que soit le groupe de patients. Ceux qui avaient reçu les poumons de non-fumeurs s'en tirent même légèrement moins bien dans cette étude, en terme de survie à un an. 78% des greffés avec des poumons de non-fumeurs étaient vivants un an après la greffe contre 90,8% parmi ceux qui avaient reçu des poumons de fumeurs. Il n’y avait en revanche aucune différence concernant l'efficacité globale des organes ou le temps passé en soins intensifs.

    Peu de moyens pour évaluer la qualité du greffon

    Cependant, « en greffant des poumons de fumeurs, on prend le risque de greffer une fois de temps en temps un poumon qui ne fonctionnera pas très bien. C'est un risque statistique, déclarait le Dr Gabriel Thabut au micro de Fréquence M. Un poumon emphysémateux ou sur lequel il y a un petit cancer, mais ça, malheureusement, on ne sait pas bien l’évaluer en pré-opératoire. ». D’après les spécialistes, c’est justement l’une des grandes difficultés en transplantation pulmonaire, car les donneurs, le plus souvent en état de mort encéphalique ne peuvent plus subir certains examens qui permettraient d’évaluer la qualité de leurs poumons. Toutefois, une nouvelle technique mise au point au Canada, et qui commence à se développer en France, le reconditionnement ex-vivo des greffons, devrait permettre d’avoir une meilleure appréciation du poumon.


    Même si les effets néfastes du tabac ne sont plus à démontrer, il existe cependant des différences entre les individus. « Je crois que les candidats à une greffe de poumon diminuent de façon significative leurs chances de survie s’ils choisissent de rejeter les organes de fumeurs », conclut le Pr Simon, principal auteur de l'étude parue dans les Annals of Thoracic Surgery. » Au Royaume-Uni, le registre des transplantations montre que seuls 51% des malades reçoivent un greffon 3 ans après leur demande. Pendant ce temps, près d'1 patient sur 3 décède en attendant sa greffe. 

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