Abcès du cerveau

Une étudiante meurt d'une otite malgré deux passages aux urgences à Lyon

Une étudiante nicaraguayenne de 19 ans est décédée le 23 février dernier d'une complication rare d'une otite. Ce décès en rapport avec un abcès du cerveau est intervenu après 2 passages aux urgences de l'hôpital Edouard-Herriot, à Lyon. Sa mère parle d'une "erreur médicale" et a porté plainte.

  • Par Dr Philippe Montereau
  • atarzynaBialasiewicz/istock
  • 11 Mar 2018
  • A A

    Début février, Leana Bonilla Cruz, étudiante nicaraguayenne de 19 ans, qui étudiait depuis six mois la littérature à l’université Lyon II, ressent de grosses douleurs à l’oreille. Elle se rend une première fois aux urgences de l'Hôpital Édouard Herriot, à Lyon, le 9 février, selon nos confrères du Progrès. Les médecins ne trouvent rien de grave et la renvoient chez elle avec un traitement à base d'antidouleur et d'un antibiotique.

    Trois jours plus tard, devant la persistance des douleurs, qui deviennent insupportables et les vomissements à répétition, elle y retourne, accompagnée par ses amis. Elle y passe 8 heures à attendre un médecin après avoir vu une infirmière de tri (classée "tri 4", elle pouvait attendre cette durée). Les médecins des urgences de cet hôpital universitaire estiment que son otite n'a pas de caractère inquiétant et la renvoient à nouveau chez elle avec un autre traitement antibiotique.

    Le 21 février, au bout de 12 jours de souffrance, elle est transportée dans le coma à l'hôpital Edouard-Henriot, de Lyon. Elle y décède d’une hypertension intra-crânienne secondaire à un abcès cérébral, sans que les médecins aient pu faire quoi que ce soit, une complication rare de l’otite, mais classique.

     

    Qu’est-ce qu’une otite de l’adulte ?

    L’otite est une infection, avec une inflammation, qui touche l’oreille externe (le conduit auditif) ou surtout de l’oreille moyenne, en profondeur dans l'os. Extrêmement fréquentes, chez le jeune enfant, car traduisant la première « rencontre » d’un organisme vierge avec les germes du monde extérieur, les otites ont un mécanisme causal un peu différent chez l’adulte.

    Rhume sévère, barotraumatisme (avions, TGV...), dysfonction de la trompe d’Eustache, voire tumeur du rhinopharynx, sont parmi les facteurs d'aggravation chez l'adulte, ce qui impose un bilan ORL soigneux. Plus de 60 pour cent des otites chez l’adulte sont causées par des bactéries (Haemophilus influenzae, Moraxella catarrhalis, ou Streptococcus pneumoniae).

    Comment peut-on mourir d’une otite ?

    Grâce à l’antibiothérapie, dans la grande majorité des cas, l’otite de l’adulte est une maladie bénigne qui guérit sans séquelle. Cependant, une otite purulente aiguë, non ou mal soignée, peut évoluer vers une dissémination de l’infection, vers l’os et cela donne une « mastoïdite » (infection diffusée à un os de la base du crâne) ou vers le cerveau et cela donne « méningite » (les enveloppes du cerveau) ou un abcès cérébral, c'est-dire un abcès à l'intérieur du cerveau.

    L’abcès cérébral entraîne de nombreuse complications supplémentaires dans le cerveau (thrombophlébite) et une hypertension intra-crânienne, liée à un gonflement du cerveau (abcès et œdème cérébral) dans une boite crânienne osseuse et donc inextensible. La mort cérébrale survient alors rapidement si l'abcès ne peut être drainé.

    La mère de la victime a porté plainte

    La mère de la victime, qui affirme que sa fille souffrait de maux de tête violents, de vomissements récurrents et d'un écoulement de l'oreille (vous signes de complication), dénonce « une erreur médicale » et a porté plainte contre l'hôpital pour « homicide involontaire ».

    Selon RTL, elle déclare : « Les médecins n’ont pas pris le temps de diagnostiquer correctement le mal dont souffrait ma fille ». Des propos suggérés par le témoignage des amis de Leana qui l’ont accompagnée aux urgences : ils affirment que les médecins ne les ont pas « pris au sérieux », en particulier pour les vomissements.

     

    Les urgences en accusation

    Selon le chef de service des urgences, le Dr Karim Tazarourte, il n'y aurait eu aucun dysfonctionnement dans le fonctionnement des urgences. Même si elle a attendu pour voir un médecin, elle a vu une infirmière d'accueil et d'orientation dans la demi-heure suivant son arrivée, celle-ci a appliqué la procédure en vigueur ("tri 4") et les « examens étaient strictement normaux ». Il assure que sa température était normale et qu'elle ne vomissait pas lors de ses passages aux urgences.

    Tous les bons manuels de médecine conseillent d’explorer les otites de l’adulte différemment de celles des enfants, en particulier si la fièvre est supérieure à 40°C, s’il existe un écoulement purulent par l’oreille et s’il existe de violents maux de tête. Dans le cas présent, les 2 derniers critères étaient présents et sa fièvre aurait pu être masquée en partie par un anti-inflammatoire non-stéroïdien (AINS qui aurait d'ailleurs pu favoriser la dissémination infectieuse). Un examen spécialisé ORL aurait dû être réalisé ou programmé rapidement devant l'évolution prolongée et péjorative.

    Le décès aurait-il pu être évité ? L'enquête en cours le déterminera, mais si la procédure en cours n'aboutit pas, la mère de la victime n'élimine pas une 2ème procédure au civil. Elle veut la vérité et ira jusqu'au fond du dossier. La question fondamentale est pourquoi cette étudiante n'avait que les urgences à sa disposition pour traiter une otite et pourquoi elle n'a pas été adressée à un spécialiste ORL après le 2e passage aux urgences ?

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.