Tabagisme et grossesse : une lueur d’espoir grâce aux récompenses financières de l’abstinence tabagique

Les conséquences catastrophiques du tabagisme maternel pendant la grossesse sur la santé de l’enfant à naître ne sont plus à démontrer, et les techniques de sevrage ne sont pas toujours efficaces. Des travaux ont montré que les récompenses financières de l’abstinence tabagique lors du  sevrage tabagique des femmes enceintes sont associées à un poids de naissance plus élevé. D’après un entretien avec Ivan BERLIN.

Une étude, dont les résultats sont parus en mars 2025 dans le JAMA Network Open, a cherché à démontrer l’efficacité des récompenses financières d’abstinence tabagique des femmes enceintes fumeuses sur le poids de naissance. Il s’agit d’une méta-analyse qui a regroupé huit essais, dont deux au Royaume-Uni, cinq aux Etats-Unis et un en France, regroupant au total 2351 participantes. Les auteurs de cette méta-analyse ont extrait les données des registres spécialisés jusqu’en 2023 pour sélectionner les essais sur les incitations à l’ abstinence tabagique chez les femmes enceintes. Les auteur des huit essais retenus  ont proposé des récompenses financières à des femmes enceintes fumeuses  si elles se soumettaient au sevrage tabagique complet. Le critère de mesure principal était le poids de naissance des nouveau-nés. Les récompenses financières étaient réalisées sous forme de bons d’achat ne permettant l’achat ni d’alcool ni de tabac. Les résultats de cette méta-analyse montrent que les récompenses financières en forme de bons d’achat améliorent le poids de naissance des bébés de mères fumeuses probablement en augmentant l’abstinence tabagique pendant la grossesse.

Le tabagisme maternel est un fléau pour l’enfant

Le professeur Ivan BERLIN, tabacologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, explique que l‘étude française qui a été retenue dans cette méta-analyse, dont il est l’un des auteurs, a été financée par l’Institut du Cancer, au vu des données catastrophiques des conséquences du tabagisme maternel pour le nouveau-né. Ce travail a été réalisé dans 18 maternités de France. Les femmes enceintes fumeuses ont été randomisées d’être dans le groupe intervention ou dans le groupe contrôle, Toutes les participantes ont été récompensées de leur venue à la maternité. Dans le groupe intervention, le montant de la récompense augmentait avec le nombre de semaines passées sans fumer.  Dans le groupe contrôle les participantes  recevaient des bons d’achat seulement pour leur présence aux visites  à la maternité mais  ne recevaient pas de récompenses de l’abstinence tabagique.  Les résultats de ce travail ont montré que les bons d’achat amélioraient l’abstinence tabagique des femmes enceintes et apportaient un bénéfice significatif sur le poids de naissance du nouveau-né. Ivan BERLIN souligne que l’intervention « financière » est  dénuée de tout effet indésirable et qu’il ne s’agit pas  de don d’argent direct mais des bons d’achat qui récompensent l’abstinence tabagique. Il précise également que les résultats positifs de cette étude ont fait l’objet de publication dans la presse médicale et grand public.

La participation des autorités sanitaires s’impose

Ivan BERLIN rappelle que le tabagisme pendant la grossesse est associé à de nombreux et graves problèmes de santé  de l’enfant et de la mère avec notamment, une augmentation du nombre de césariennes, de placenta praevia, prématurité, petit poids de naissance et de transferts plus fréquents en unité de soins intensifs néonataux, d’une augmentation du risque de mort subite de nourrisson. Il insiste également sur les maladies post-natales comme l’asthme de l’enfance, dont 10 à 15% des cas pourraient être attribués  au tabagisme maternel pendant la grossesse. L’exposition prénatale est associée à plusieurs troubles de santé et même jusqu’à l’âge de 18 ans. Ivan BERLIN insiste qu’il est souhaitable  que  les récompenses d’abstinence tabagique soient implantées en France car elles sont efficace et  ne présentent  pas de risque. Les considérations moralisantes ne peuvent être recevables si on tient compte de l’efficacité démontrée aussi bien au niveau de l’abstinence tabagique et de poids de naissance. Les enfants nés sous tabagisme maternel pendant la grossesse ont un poids de naissance de 200 à 300 g inférieur aux autres nouveau-nés et cela concerne 100 000 à 130 000 naissances par an. L’impact sur la santé publique est donc majeur ;  la mise en place de cette aide au  sevrage tabagique est une question de volonté politique. Ivan BERLIN  Les travaux futures sur les femmes enceintes fumeuses devraient  déterminer la  poursuite ou non du sevrage après  la grossesse.

En conclusion, le sevrage tabagique au cours de la grossesse est un élément fondamental pour la bonne santé de l’enfant à naître. Tous les moyens possibles pour obtenir l’abstinence des femmes enceintes fumeuses sont bons à prendre, surtout lorsqu’ils n’ont pas d’effets indésirables  et qu’ils sont efficaces. Les autorités sanitaires devraient s’armer de la technique des récompenses financières car il s’agit bien d’un enjeu de santé publique