Etude de l'Ined

Certificat de décès : jusqu'à 20 causes déclarées

On ne meurt qu'une fois, mais de multiples causes. Mieux les analyser est un enjeu de santé publique, rappelle une étude française.

  • Par Audrey Vaugrente
  • photographee.eu/epictura
  • 15 Jun 2016
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    Pour James Bond, on ne vit que deux fois. Il est vrai que l’agent secret de Sa Majesté aime risquer sa peau. Mais hors de la fiction, on ne meurt qu’une fois. C’est d’ailleurs le titre qu’a donné l’Institut national d’études démographiques (Ined) à sa dernière parution dans sa revue Population & Sociétés. Un seul décès, cela ne signifie pas pour autant une seule cause. En moyenne, 2,4 motifs sont à l’origine de la mort d’un individu.

    Les incidents à l’origine d’un décès ont tendance à se multiplier avec l’âge. Ainsi, chez un quart des personnes âgées de 65 à 79 ans au moment de passer l’arme à gauche, plus de quatre causes sont indiquées. Chez les personnes de moins de 35 ans, ils ne sont que 14 %.

    Source : Ined, Population & Sociétés (2016)

    Des maladies qui s’accumulent

    « Le fait que peu de causes soient mentionnées dans les jeunes âges de la vie reflète un processus morbide plus simple », analyse Aline Désesquelles, démographe à l’Ined et auteur de l’étude. En effet, les jeunes meurent surtout de causes externes. Avec l’âge, les maladies se compliquent et des comorbidités apparaissent. « Plus on vieillit, plus on a de risque d’avoir plusieurs pathologies et plus celles-ci vont durer longtemps », résume la chercheuse.

    Dans le cas d’un cancer du foie, par exemple, les hépatites virales chroniques peuvent intervenir dans le processus. Pour d’autres maladies, comme les ulcères gastriques, des hémorragies découlent de la pathologie primaire. Autant d’éléments qui méritent d’être observés attentivement par les experts en démographie.

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    Aline Désesquelles, démographe à l’Ined : « Toutes les pathologies qui interagissent avec la cause initiales sont assez peu retenues comme cause initiale du décès mais peuvent aggraver la maladie. »


    Ces chiffres ont été obtenus grâce à un document officiel aussi incontournable que l’acte de naissance : le certificat de décès. Etabli par un médecin, il est nécessaire à diverses démarches – de la clôture du compte bancaire à l’organisation des obsèques. En recherche démographique, il s’avère aussi très utile.

    Un service dédié aux certificats

    Selon les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le certificat de décès se décompose en deux parties. La première consiste à rapporter l’enchaînement des causes qui ont conduit au trépas. Plusieurs peuvent donc être mentionnées. Le record a été battu en 2011 : 20 motifs de mortalité ont été notifiés sur un même document. Un écart d’autant plus surprenant que dans un cas sur 10, rien n’est signalé. Le second volet permet de noter tout autre « état morbide, facteur ou état physiologique » qui semble pertinent.

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    Aline Désesquelles : « La deuxième partie est plus ambiguë. C’est un peu plus libre dans l’appréciation du médecin. C’est souvent là qu’on trouve des maladies chroniques associées. »


    Les données sont ensuite centralisées au Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc). Ce service rattaché à l’Inserm en tire des statistiques nationales, mène des études sur les données de la mortalité. Il est également habilité à les transmettre à divers instituts sanitaires.

    Grâce aux travaux du CépiDc, il est possible d’observer la progression de l’espérance de vie. On sait ainsi que celle-ci a augmenté grâce au recul des cancers et des maladies de l’appareil circulatoire en France. L’analyse du certificat de décès a aussi un intérêt très pratique. « C’est certes le processus final de la vie, mais c’est aussi en s’appuyant dessus qu’on obtient des éléments pour améliorer la prise en charge avant le décès », signale Aline Désesquelles. En définissant, par exemple, les cibles prioritaires des politiques de santé publique.

    Des maladies sous-estimées

    Les certificats de décès sont généralement bien remplis par les médecins. Mais les statisticiens n’utilisent pas assez leur contenu, à en croire Aline Désesquelles. « Cette statistique est habituellement utilisée pour étudier l’évolution des causes de décès, explique-t-elle. Elle s’appuie sur une seule des causes mentionnées sur les certificats de décès. Mais en réalité, les médecins en mentionnent beaucoup plus. »

    De fait, les démographes de l’Inserm ne retiennent que la cause initiale du trépas dans leurs travaux. « Il semble très important de prendre en compte la cause terminale », objecte la démographe de l’Ined. Maladies infectieuses lors d’un cancer, complications liées au diabète sont autant de paramètres souvent oubliés.

    Mais les travaux de l’Ined mettent en lumière un phénomène plus inquiétant : le poids de certaines pathologies pourrait tout simplement être sous-estimé à cause de la méthode d’analyse actuelle.

    Ecoutez...
    Aline Désesquelles : « On a mis l’accent sur les maladies endocriniennes parce si on prend en compte les maladies associées, ce groupe de maladie est le plus mentionné en causes associées. »


    Les maladies respiratoires, les maladies du sang et les maladies endocriniennes-nutritionnelles-métaboliques font les frais de cette analyse partielle des données. « Si on ne les prend pas en compte, on sous-estime le poids de ces maladies dans la mortalité », tranche Aline Désesquelles.

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