Psychiatrie
Crimes de masse : les maladies mentales sont peu impliquées
Les tueurs de masse ne seraient pas atteints de maladies mentales mais victimes de croyances poussées à l’extrême, suggère une étude américaine.
Lorsqu’un tueur de masse sévit et que l’incompréhension et le désarroi gagnent les consciences, une question se pose. L’assassin est-il atteint d’une maladie mentale? Au regard de crimes de masse, certains supposent que les troubles psychiatriques pourraient expliquer le passage à l’acte. Cependant, une équipe de psychiatre vient contrer cette considération. Dans une étude, publiée dans la revue Journal of American Academy of psychiatry and law, menée par l’université du Missouri, les psychiatres expliquent que les tueurs de masse ne sont pas systématiquement atteints de maladie mentale, mais plutôt « victimes » de croyances « surévaluées extrêmes ».
Au cours de ces vingt dernières années, les experts psychiatres, auteurs de l'étude, ont été confrontés aux cas de plusieurs tueurs de masse. Pour ces travaux, les spécialistes se sont penchés entre autre sur le cas d’Anders Breivik. Le tueur de masse norvégien avait, en 2011 assassiné 77 personnes dans un camp de jeunesse sur l’île de Utoya (Norvège). Prétendant être un « templier » et un « sauveur du christianisme », Breivik disait vouloir « sauver l’Europe du multiculturalisme ». A l’approche du procès, plusieurs experts psychiatres avaient été nommés par le tribunal pour expertiser le prévenu. L’objectif : déterminer si l’homme était pénalement responsable ou non de ses actes. Pour la première équipe d'experts, Breivik était malade, atteint d’une schizophrénie paranoïde - une maladie mentale chronique dans laquelle une personne perd contact avec la réalité. La contre expertise n'ira pas dans le même sens, concluant qu'Anders Breivik n’était pas psychotique mais atteint d’un trouble de la personnalité narcissique - un trouble dans lequel un individu se manifeste par le besoin excessif d’être admiré, et par un manque d’empathie. Finalement reconnu comme responsable de ses actes, il sera condamné à 21 ans de prison ferme.
Des croyances surévaluées extrêmes
« Breivik croyait que tuer des innocents était justifiable, ce qui semblait irrationnel et psychotique, explique le Pr Tahir Rahman, expert psychiatre et auteur de l’étude. Mais certaines personnes, qui ne sont pas atteintes de maladie mentale psychotique, sont tellement fascinées et enfermées dans leurs croyances qu’elles peuvent commettre ce type de crime ». Pour les auteurs de cette étude, le terme de « croyance surévaluée extrême » devrait être utilisé pour qualifier le motif poussant les individus à commettre des crimes de masses. Bien que l’individu puisse souffrir d’une maladie mentale, « la croyance et les actions qui lui sont associées ne sont pas directement le résultat de la folie. ». Cette croyance extrême s'associe avec une espèce d’idéologie amplifiée, une obéissance à une figure d’autorité charismatique, fascinante et défendue ardemment par son ou ses admirateurs. « L’individu a un engagement émotionnel très intense, et peut alors agir avec violence », expliquent les chercheurs.
Sensibiliser les plus jeunes au risque du fanatisme
Les psychiatres précisent que certains facteurs psychologiques peuvent rendre plus vulnérable au développement de ces croyances extrêmes. « L’amplification des croyances peuvent aussi se produire par le biais d’internet, détaille le Pr Rahman. Nous avertissons déjà nos jeunes sur les dangers liés à l’alcool, aux drogues et au tabagisme. Nous devons également les sensibiliser au risque de développer ce type de croyances fanatiques. ». Pour le spécialiste, ce nouveau terme aidera les psychiatres à identifier correctement le motif du comportement criminel de l’accusé lorsque sa santé mentale est remise en question.
Des crimes qui ne sont pas impulsifs
Stéphane Bourgoin, écrivain français spécialisé dans les tueurs en série et le profilage criminel, précise à Pourquoidocteur : « Dans plus de 95 % des cas, les auteurs de crime de masse sont reconnus pénalement responsables de leurs actes et ne souffrent d’aucunes maladie mentale. Ce sont des crimes qui ne sont absolument pas impulsifs. Il y a une préméditation et une organisation méticuleuse qui exige généralement chez eux à peu près une année de préparation et de maturation. Quelqu’un souffrant de maladie mentale n’est pas capable d’agir avec un tel sans froid. ». Par exemple, comme le détaille l’écrivain, le tueur norvégien André Breivik a consacré 18 mois à la préparation de son acte criminel. D’un point de vue psychologique, les tueurs de masse, comme les terroristes souffrent « d’une pauvre estime d’eux-même, ils n’ont aucune maturité et n’ont jamais connu la réussite », souligne Stéphane Bourgoin. Pourvus d’une personnalité suicidaire, et au lieu de se tuer seul à l’écart des autres, ils décident de laisser leur trace dans l’histoire », conclut-il.