Alerte ANSM

Grossesse : les prescriptions d'antidépresseurs devraient être limitées

Alors que la littérature évoque des risques neurodéveloppementaux chez les bébés exposés in utero aux antidépresseurs, l’ANSM souhaite alerter les prescripteurs.

  • Par Marion Guérin
  • Raliada/epictura
  • 27 Mai 2016
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    Prendre des antidépresseurs pendant la grossesse n’est pas dénué de risques pour le fœtus. Tel est le message assené ce matin par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui souhaite renforcer l’information à destination des médecins prescripteurs d’antidépresseurs chez la femme enceinte.

    L’alerte survient alors que la littérature commence à faire état d’un risque de troubles neurodéveloppementaux (autisme, troubles moteurs et comportementaux) chez les enfants exposés in utero aux antidépresseurs. Deux classes sont concernées par ces soupçons : les ISRS (molécules inhibitrices de la recapture de la sérotonine) ainsi que les IRSN (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline).

    Réduire le mésusage

    Bien que le lien ne soit pas confirmé dans toutes les études qui se sont penchées sur la question, l’ANSM joue la carte de l’extrême prudence. « Il faut rappeler aux médecins ces risques ; ces éléments doivent guider leurs prescriptions chez les femmes enceintes », a insisté Philippe Vella, qui dirige la section médicaments neurologiques et psychiatriques à l’ANSM.

    Les prescriptions doivent ainsi être limitées aux cas avérés de dépression graves, et non aux « simples déprimes », ont expliqué les professionnels de l’agence. De fait, si le mésusage des antidépresseurs en population générale demeure une question brûlante, elle l’est encore davantage concernant les femmes enceintes.

    D’autres risques ont d’ailleurs été recensés : l’hypertension du nouveau-né (5 cas sur 1000 grossesses chez les bébés exposés au troisième trimestre, au lieu de 1 cas sur 1000), « ainsi qu’un syndrome du sevrage » et des malformations cardiaques.

    Un signal "émergent"

    « Bien sûr, il ne s’agit pas d’interrompre les traitements chez les femmes qui en ont réellement besoin, a nuancé Dominique Martin, directeur de l’ANSM et psychiatre de foréation. On ne peut pas laisser une dépression évoluer chez une femme enceinte. Mais pour celles qui n’en auraient pas absolument besoin, il faut privilégier des moyens non-médicamenteux. En tout cas, il faut que l’information soit délivrée aux prescripteurs et aux patientes, pour que les décisions se prennent de manière éclairée ».

    Avec cette alerte très précoce, l’ANSM souhaite-t-elle se couvrir, elle à qui on a reproché un manque de réactivité dans des dossiers similaires, tel que celui de la Dépakine – cet antiépileptique responsable de malformations et de troubles neurocomportementaux chez les bébés exposés ? « Il ne s’agit pas de cela, balaye Philippe Vella. Nous voulons simplement appliquer un principe de précaution et de transparence ».

    Ecoutez...
    Philippe Vella, directeur des médicaments psychiatriques à l'ANSM : « On a un signal émergent, qui nécessite d’être exploré. C’est une position de l’ANSM de communiquer très en amont, quitte à revenir plus tard vers les prescripteurs »

    Lancement d'une étude

    Ne pas provoquer d’effet de panique, tout en diffusant ces informations quelque peu préoccupantes : l’exercice d’équilibriste est délicat. Le nombre de femmes concernées, potentiellement élevé, reste méconnu à ce jour. Une étude épidémiologique est en cours afin de déterminer combien de femmes prennent des antidépresseurs pendant leur grossesse, mais aussi pour y voir plus clair concernant les risques relatés.

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