Avec les Académies de pharmacie et Vétérinaire
Médicaments falsifiés : l'Académie de médecine dénonce un crime
Alors que la France s'apprête à ratifier la convention internationale Medicrime, les trois Académies médicales alertent sur les dangers liés à la falsification des médicaments.
Trois académies scientifiques se mobilisent contre le fléau des médicaments falsifiés. L’Académie de médecine, l’Académie de pharmacie et l’Académie Vétérinaire organisent ce mardi une conférence pour alerter la population sur la gravité des risques liés à la falsification des médicaments, en plein essor en France et dans le monde.
L’annonce de cette conférence survient à un mois du passage à l’Assemblée Nationale de la Convention Medicrime. Depuis octobre 2011, ce texte international mis au point par le Conseil de l’Europe a été signé par 20 Etats et ratifié par six autres (Espagne, Guinée, Hongrie, Ukraine, Moldavie, Arménie), bien qu’il soit ouvert à tous. En France, la ratification devrait survenir le 12 mai lors de l’examen parlementaire – le texte a déjà été validé au Sénat en décembre 2015.
Coopération internationale
La Convention Medicrime est le premier instrument international juridiquement contraignant qui érige en infraction pénale la contrefaçon, la fabrication et la distribution de produits médicaux mis sur le marché sans autorisation ou en violation des normes de sécurité. Elle offre « un cadre de coopération internationale permettant de renforcer la coordination au niveau national », peut-on lire sur le site du Conseil de l'Europe.
Elle prévoit notamment la mise en place de points de contacts au sein des systèmes nationaux judiciaires, de santé, des laboratoires médicaux agréés, de la police et des autorités douanières, qui permet l’échange rapide d’informations.
Le marché parallèle explose
Il faut dire qu’il y a urgence à agir. En 2010, les ventes de médicaments falsifiés ont atteint 75 milliards de dollars, soit une augmentation de 90 % depuis 2005, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). La montée en puissance des pharmacies illicites en ligne contribue largement à renforcer ce phénomène.
Ces structures qui se créent sur Internet de manière illégale distribuent des antibiotiques, contraceptifs, anabolisants, antipaludiques, anticancéreux, insuline, implants mammaires, Viagra… Au total, 523 types de médicaments et produits médicaux seraient touchés, selon des données de 2012 issues de l’Institut de Sécurité Pharmaceutique (PSI).
Le terme « falsification » est préféré à celui de « contrefaçon » pour évoquer ce phénomène. En effet, le premier insiste davantage sur la composition frauduleuse des comprimés, quand le second a une connotation plus faible, qui se réfère à une sorte d’entorse réglementaire au droit de la concurrence.
Des milliers de morts
Or, le problème est bien plus alarmant, puisque les comprimés falsifiés sont au mieux inefficaces, au pire toxiques – et dans les deux cas, les conséquences sont graves. Ainsi, comme le rappelle le syndicat de l'industrie pharmaceutique (Leem) sur son site, 40 personnes sont mortes au Nigéria en 2008 après avoir bu un sirop contre la toux contenant de l’antigel ; 84 enfants ont perdu la vie en 2009 après absorption de paracétamol frelaté. Aux Etats-Unis, on dénombre 66 morts en 2001-2002 à la suite d’une consommation d’antibiotiques défectueux. Enfin, en 1995 au Niger, 2 500 patients sont morts de la méningite - 80 000 personnes avaient été vaccinées avec un produit inactif.
La France semble pour le moment épargnée au sein de son circuit officinal, notent les Académies dans un rapport conjoint intitulé « Les médicaments falsifiés : plus qu’un scandale, un crime », publié en décembre. « Plusieurs raisons à cela : le maintien d’une chaîne pharmaceutique structurée et réglementée ainsi qu’un niveau de prix relativement peu attractif pour les opérateurs du commerce parallèle et la prise en charge du coût du médicament par les organismes de protection sociale ».
Pour autant, le risque est élevé de voir ces produits arriver sur le marché à prix cassés. Selon les trois Académies, la population, peu informée sur la question si l’on en croit les enquêtes d’opinion, gagnerait à ce que la communication s’intensifie sur ce sujet.