Médicament à base de cannabis
Sativex : pourquoi la mise sur le marché français est bloquée
Seul un arbitrage du ministère de la Santé semble pouvoir mettre un terme au blocage des négociations autour du Sativex, au point mort depuis deux ans.
« Que faut-il faire pour que le dossier avance ? Trépigner, pleurer, se rouler par terre ? Je suis prêt à le faire ». L’exaspération s’affiche ce jeudi sur le visage du patron d’Almirall, le laboratoire espagnol qui commercialise le Sativex. Il faut dire que depuis deux ans et l’obtention d’une autorisation sur le marché pour ce médicament à base de cannabis, indiqué dans le traitement symptomatique de certaines douleurs liées à la sclérose en plaques, l’homme doit s’armer de patience. Avec les autorités sanitaires françaises, les négociations sont au point mort. Le prix proposé par l’entreprise reste supérieur à celui consenti par le CEPS (Comité Economique des Produits de Santé), où se joue une âpre partie de bras de fer.
« Postures »
« Il y a autour de ce dossier des postures idéologiques ! a dénoncé le directeur du laboratoire, au cours d’un point presse organisé à l’hôpital Saint-Antoine. La question du prix n’est qu’un prétexte. En réalité, le problème, c’est qu’il y a du cannabis dans ce médicament – et il n’y a qu’en France que je rencontre un tel blocage », affirme Christophe Vandeputte.
Ce qui n’est pas tout-à-fait vrai. Commercialisé à 440 euros en moyenne dans 23 pays (dont 17 en Europe), le Sativex reste en suspens aux Pays-Bas, où les négociations traînent également depuis quatre ans. Et on ne peut guère soupçonner le pays de rigorisme face au cannabis.
Le CEPS divisé
En réalité, le dossier Sativex se heurte à plusieurs questions, la principale étant celle de son coût-efficacité. Sur ce point, la Commission de la Transparence de la HAS, qui délivre une « note » aux médicaments, est plutôt négative. Dans son avis, rendu fin 2014, elle juge le Service Médical Rendu (SMR) « faible » et l’ASMR (amélioration du SMR) « inexistante » – deux critères qui pèsent lourd dans la négociation du prix d’un médicament remboursé par l’Assurance Maladie. « Ce n’est qu’un avis, balaye Christophe Vandeputte. Personne n’est obligé de le suivre. Certains, au sein du CEPS, le suivent peut-être trop ».
De fait, au sein de l’instance qui fixe les prix des médicaments, le consensus est loin de régner. Selon nos informations, une partie du comité souhaite davantage de souplesse afin de trouver une solution permettant la commercialisation du produit. Mais la majorité des membres estiment le médicament trop peu efficace pour valider le prix proposé par le laboratoire.
« Ils demandent un prix six à sept fois plus élevé que celui des comparateurs », explique une source interne. Les comparateurs étant les thérapies actuellement délivrées aux patients atteints de sclérose en plaque, qui pourraient éventuellement être remplacées par le Sativex – en l’occurrence, le baclofène, le dantrolène ou encore les benzodiazépines.
Pour savoir s’il devait suivre l’avis de la Commission de Transparence, ou bien donner sa chance au produit malgré des notes défavorables, le CEPS s’est tourné vers la Direction Générale de la Santé (DGS). Laquelle a confirmé qu’il n’y avait pas de raison de se détourner du premier avis.
Arbitrage politique
On en est donc là. La dernière proposition mise sur la table par le laboratoire date d’octobre 2015. Elle englobe non seulement le prix de la thérapie, mais aussi des études d’évaluation des risques et de l’efficacité en vie réelle du médicament. Selon le directeur d’Almirall, le CEPS souhaite s’en remettre au ministère de la Santé pour mettre fin au blocage à travers un arbitrage politique.
De son côté, Marisol Touraine s’est toujours montrée favorable au Sativex, elle qui a annoncé – un peu vite sans doute – sa commercialisation au premier trimestre 2015, après avoir modifié par décret la loi sur la fabrication des médicaments à base de cannabis. « Mais depuis, c’est silence radio », précise Christophe Vandeputte.
Comment le ministère interviendra-t-il dans ce dossier ? La question reste entière. En attendant, la demande de la part des patients reste forte, puisque malgré une efficacité relative, le Sativex a fait ses preuves sur des patients chez qui les autres thérapies se sont avérées inefficaces.
Dans les autres Etats d’Europe, toutefois, les instances sanitaires restent prudentes. Le Royaume-Uni, premier pays du continent à avoir distribué le Sativex, ne le recommande pas en raison d’un rapport coût-efficacité défavorable. C’est un fait : sauf prise en main du dossier par le ministère de la Santé – et ce, avant les présidentielles de 2017 - le Sativex n’est pas prêt de voir le jour en France.