Dans plusieurs centres
Hôpital : soigner les repas pour lutter contre la dénutrition
Jusqu'à 40 % des patients ne finissent pas leur assiette. Avec des plateaux-repas mieux dressés, la possibilité de s'asseoir, les patients ont meilleur appétit.
La dénutrition est un problème permanent à l’hôpital. Plateaux-repas boudés, gaspillage alimentaire sont monnaie courante dans les services de France et du monde entier. Mangerait-on mal à l’hôpital ? A en croire une étude parue dans le Journal of Advanced Nursing, la qualité des plats n’est pas vraiment en cause. C’est plutôt l’environnement autour du repas qui fait rechigner les patients.
Laisser le temps au temps
Que ce soit à cause des traitements qui écœurent, ou de la maladie qui coupe l’appétit, 20 à 40 % des patients hospitalisés sont concernés par la dénutrition. Un phénomène qui peut nuire à la récupération après une chirurgie ou lors d’un traitement.
Cette étude confirme la tendance, puisque 4 participants sur 10 n’ont pas fini leur assiette. 10 % ont même décidé de ne pas toucher à son contenu. Faire de cet instant un moment de soins à part entière améliore cette statistique.
Si le fait d’interrompre le repas n’affecte pas l’expérience, le fait d’être en position assise ou de recevoir de l’aide en cas de besoin réduit le niveau de déchets.
Cette expérience, Patrick Le Ray l’a aussi constatée lors d’un test. Directeur adjoint du Syndicat inter-hospitalier du golfe du Morbihan (Silgom), il est à la tête d’un établissement qui fournit des plateaux-repas à plusieurs structures hospitalières. « On dit souvent que lorsqu’il y a cinq composants le soir, la personne ne mange pas tout. Si on lui laisse le temps de manger, si on l’aide ou qu’on l’incite, on constate sur 15 jours que les poids résiduels de chaque repas avaient fortement diminué », explique-t-il.
« Redonner du sens »
En sortant de l’hôpital, nombreux sont les patients qui se plaignent de la qualité de leur repas. En réalité, la qualité ne serait pas vraiment en cause, mais cette critique cristalliserait de mauvaises expériences. « Tout le monde a son mot à dire sur la restauration », plaisante Pascal Loye, ingénieur hospitalier hôtellerie restauration au sein du groupe hospitalier Henri-Mondor (Créteil, Val-de-Marne).
Depuis plus de 10 ans, cet homme travaille sur l’environnement alimentaire des patients hospitalisés. Son objectif : « redonner des repères et du sens » à ces instants incontournables de la journée.
Les astuces qu’il développe sont simples mais efficaces, et à peu de frais. Jouer avec les couleurs, améliorer la présentation, souhaiter bon appétit sont autant de méthodes qui permettent de rendre un plateau-repas plus alléchant… et donc d’inciter à finir l’assiette. « Une bonne prise en charge alimentaire, c’est avant tout du plaisir, confirme Pascal Loye, exemple à la clé. Une boulangerie qui sent bon, cela donne faim. De même, faire réchauffer les plats dans le service de soins au lieu de la cuisine, cela va donner envie aux patients. » Et ce, alors même qu’ils n’auront pas forcément d’appétit.
Adapter les approches
C’est en tout cas ce qu’a constaté une équipe de l’université de Tel Aviv (Israël) en octobre 2015, dans le cadre de travaux menés avec l’Institut Paul-Bocuse de Lyon (Rhône). Un groupe de 100 patients a reçu des plateaux-repas standard. L’autre a bénéficié d’une présentation améliorée, sur les conseils des chefs de l’Institut. « L’étude a démontré que la prise alimentaire est améliorée de 30 % uniquement en revoyant la présentation des mets », se souvient Hervé Fleury, son vice-président exécutif. La présentation a bel et bien un rôle puisque parmi les arguments expliquant le refus de finir l’assiette, le principal concernait… le goût !
Soigner l’emballage est important car cette attention a un impact sur le comportement des patients. « Le malade fait un effort pour manger alors qu’il n’a pas d’appétit, et cela a aussi un impact positif sur l’aide-soignant », souligne Hervé Fleury. Encore faut-il s’adapter à chaque public : travailler sur les textures, la manière de consommer les aliments, les quantités. Le tout, selon les pathologies.