Président de l'association des diabétiques
Gérard Raymond : le patient au coeur de son combat
- Gérard Raymond, président de la Fédération Française des Diabétiques (AFD), ©Gérard Planchenault
PORTRAIT - Depuis 10 ans, Gérard Raymond a l'ambition de représenter les 4 millions de malades du diabète en France. A la tête de l'Association Française des Diabétiques (AFD), il a su placer le patient au centre de sa prise en charge. Pourquoidocteur brosse le portrait de cette homme, qui s'est forgé une 2ème vie à la force du poignet.
Gérard Raymond est mort à 34 ans. C'est lui-même qui le dit alors qu'il est âgé aujourd'hui de 66 ans. Il faut dire que le diabétique le plus célèbre de France a eu deux vies. La première a débuté en 1949 et s’est déroulée à Graulhet (Tarn). Faite d’argent, d’amis, de fêtes, bref le parcours parfait d’un notable de province à qui le rugby, et beaucoup de travail, avaient fait gagner le respect de ses pairs.
Avant que la foudre ne le frappe. La maladie a pour nom diabète. Sa vie familiale et son parcours professionnel s'en trouvent bouleversés. Mais après "cette mort", cet homme tenace connaît la résurrection. Une autre vie s'ouvre à Paris, palpitante. Grâce à son combat en faveur des diabétiques, l’homme s’est reconstruit, il s’est même fait une place au sein des débats sur la place des patients dans le système de santé français. À la tête de l’Association Française des Diabétiques (AFD) qui regroupe 160 000 membres actifs, Gérard Raymond fait désormais partie de ceux qui comptent lorsqu’on parle diabète en France. D'ailleurs, il a l'ambition de représenter 4 millions de malades.
"Me venger de mon corps"
Pour Gérard Raymond, tout bascule donc à la trentaine, une grippe interminable qui se termine finalement par un diagnostic : un diabète de type 1, le bon vivant emprunte alors les chemins d'une vie monacale. C’est d’abord dans le sport qu'il se réfugie. Fini ses 85 kilos, il deviendra svelte et marathonien. « Je voulais me venger contre ce corps qui m’avait trahi », confie-t-il.
Après 6 semaines d’hospitalisation et 6 mois d’arrêt maladie, son entreprise lui propose ... un placard. « Quand vous revenez après une si longue absence, on vous fait comprendre rapidement que c’est la fin des responsabilités. Vous voyez le petit bureau avec seulement une chaise au fond dans le coin ? Bien c’est pour vous ». Fier, ce sudiste reconnaissable à son accent du midi, ne se laisse pas abattre. Malgré des moment « difficiles », il veut exister à nouveau, trouver un sens à cette nouvelle vie.
Une reconstruction grâce à l'associatif
Alors, il se jette un an après la découverte de sa maladie dans l’associatif. A corps perdu. D’abord avec l’association Sport et diabète santé, « dirigée par des médecins », précise-t-il. Puis très vite, il crée une structure plus égalitaire, Diasport verra le jour en 1998 en Haute-Garonne.
Mais la prise en charge du diabète ne peut se résumer à inciter les malades à faire du sport comprend très vite Gérard Raymond. Afin d'aller plus loin dans ce combat, il décide à 50 ans de mettre un terme définitif à sa carrière de technico-commercial « boiteux » à cause de la maladie. Hyperactif, il se lance dès lors à plein temps dans l'associatif. Pour faire reconnaître au niveau national la place de l'usager dans le système de santé, il intègre l’AFD en 1998 où il gravira tous les échelons.
Membre du conseil d’administration, puis du bureau national, il préside l'association depuis 2006. Un parcours qui le conduit à professionnaliser son combat. « J’ai pris des cours de communication, de droit, mais surtout, des cours sur la pathologie du diabète », raconte Gérard Raymond. Mais pour réussir cette entreprise, il faut convaincre les décideurs : « J’ai dû aussi me faire un réseau, en multipliant les petits déjeuners, les think tank, les colloques. J’étais partout et j'essayais de prendre la parole avec des questions pertinentes », poursuit-il. Une démarche gagnante raconte Christian Saout, secrétaire général délégué du CISS (1).
Mettre les patients aux affaires
D’après lui, Gérard Raymond a fait avancer le chantier de la démocratie sanitaire. « Il connaît parfaitement bien le diabète. Il a engagé une transformation puissante de son association. Les malades au Conseil d’Administration de l’AFD et les médecins dans un conseil scientifique. Les patients aux affaires, c’est tout ce qu’on peut attendre dans le monde associatif », pense Christian Saout. Ce rééquilibrage des forces en présence au sein des associations de patients, Gérard Raymond l’assume. Il revendique même la prise de pouvoir des patients.
Aujourd’hui encore, ce putsch laisse des traces. Avec son concept de « patient expert », Gérard Raymond en a froissé plus d’un. Plus d’un médecin bien évidemment. Parmi eux, l’éminent diabétologue André Grimaldi, qui malgré le respect qu’il dit avoir envers l'homme ne partage pas du tout sa vision de la prise en charge des malades. « Nous avons une divergence profonde sur le concept du "patient expert". En proposant une formation, une validation avec des reçus et des collés et finalement une professionnalisation, il met de la confusion », martèle ce Professeur de diabétologie à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris).
Depuis 2008, l’AFD en a pourtant formé près de 200. Concrètement, ils animent des groupes de rencontre entre malades et mènent des face-à-face afin de faciliter l’expression et le partage d’expériences de chacun. Ils ont aussi pour mission de proposer un accompagnement de qualité. Des fonctions et une notion qui restent à préciser selon le Pr Grimaldi.
(1) Le CISS est une instance qui regroupe 42 associations militant pour les droits des patients et des usagers.
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Posté par Pourquoidocteur sur samedi 13 février 2016
A la conquête des institutions
Mais ce premier succès ne suffit pas, Gérard Raymond poursuit sa route. « Le patient doit peser dans les plus hautes instances sanitaires. Le mieux placé pour évaluer un projet de santé reste le patient », avance-t-il souvent. Ainsi, il est aujourd'hui membre du Conseil de l’Assurance Maladie au titre du CISS, mais aussi membre de commissions au sein de la Haute Autorité de Santé (HAS), qui édicte les recommandations en matière de pratiques médicales. Fort en gueule, son attitude franche et directe paraît pourtant peu compatible avec les salons feutrés du ministère de la Santé ou des autres institutions.
Le président fraichement démissionnaire de la HAS, Jean-Luc Harousseau, garde pour sa part un très bon souvenir de ses rencontres avec Gérard Raymond. « Je l’ai entendu à chaque fois défendre le malade au centre de sa prise en charge. On était régulièrement sur la même longueur d’ondes. Parmi les représentants des patients, il est sans doute l’un des plus sollicités. Il s’est très bien adapté et trouve toujours le ton ou le mot juste », ajoute Jean-Luc Harousseau. Mais pour ses proches, Gérard Raymond s'épanouit dans l'action. Grâce à cette combativité, il a remporté quelques belles victoires. Il cite en premier lieu le remboursement de la pompe à insuline par les pouvoirs publics. « On peut en être fier, on est ainsi passé de 5 000 patients qui en bénéficiaient, à 50 000 en dix ans ».
La e-santé comme 3ème vie
Comme prochain chantier, Gérard Raymond aimerait se consacrer au digital : « Nous sommes maintenant focalisés sur les nouveaux dispositifs, le lecteur de glucose en continu, les applications, comment demain cette prise en charge va se faire, il faut qu’on soit présent », insiste-t-il.
Peut-être une troisième vie de e-patient. Sans regret lorsqu'il regarde dans le rétroviseur. « Malgré des moments difficiles, ses quinze dernières années ont été, pour lui, d’une grande richesse ». « J’ai fait des voyages et des rencontres extraordinaires, je suis allé dans les ministères, j'ai même eu l'honneur d'intervenir à l’Assemblée Nationale. Je n’étais pas programmé pour tout cela ». Mais l'homme a conscience du chemin parcouru : « Il a fallu aller se le gagner, on n’a rien sans rien ». Peut-être une leçon de vie pour les patients qui l'entourent.