Essais sur la souris et des tissus humains
Cancer du poumon : les antioxydants triplent la croissance des tumeurs
Consommer des antioxydants pour prévenir un cancer du poumon est une mauvaise idée. Une étude signale que ces produits accélèrent la croissance et l'agressivité des tumeurs pulmonaires.
Les antioxydants, bons pour la santé. C'est le slogan qui domine depuis quelques années. Une étude, parue ce 29 janvier dans Science Translational Medicine, vient tempérer l'enthousiasme ambiant. Selon les résultats obtenus par les chercheurs de l'université de Göteborg (Suède), une dose élevée de ces produits chez les patients à risque de cancer du poumon, comme les fumeurs, peut s'avérer dangereuse : elle favorise la croissance de lésions précancéreuses et des tumeurs.
Un décès deux fois plus rapide
Les antioxydants sont des composés chimiques qui retardent la détérioration des cellules. Il préviennent la formation de molécules nommées « oxygène moléculaire réactif » (OMR) qui attaquent les cellules. Les antioxydants les plus connus sont les vitamines A, C et E ainsi que des médicaments, comme l'acétylcystéine utilisée en traitement de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). Les scientifiques ont longtemps estimé que les antioxydants aident aussi à lutter contre le cancer. Mais des essais cliniques récents ont démontré qu'ils ne sont pas efficaces dans cette utilisation. Pire : chez certains patients, ils augmentent le risque de cancer.
Les chercheurs de l'université de Göteborg ont étudié les effets de la vitamine E et de l'acétylcystéine chez des souris atteintes de cancer du poumon, ainsi que sur des cellules humaines. Ils ont utilisé les doses habituelles afin de pouvoir estimer les dommages chez l'homme. Ils ont découvert que la prise d'antioxydants accélère la progression d'un cancer. « Les antioxydants triplent le nombre de tumeurs et aussi l'agressivité des tumeurs » , explique le Dr Martin Bergö, auteur de l'étude. « Et les antioxydants ont tué les souris deux fois plus vite. Leurs effets dépendaient de la dose, ce qui signifie que si on leur donnait une faible dose, les tumeurs se développaient un peu, et si on leur en donnait une forte dose, elles croissaient rapidement. » Les antioxydants réduisent le taux d'oxygène moléculaire actif dans les tumeurs. Cela entraîne des dommages sur l'ADN, et la quantité de protéine p53 diminue. Or, cette protéine aide à lutter contre les tumeurs. Lorsqu'elle n'est pas présente, ont observé les chercheurs, les produits n'avaient plus d'effets sur les tumeurs.
Tabac et BPCO : attention aux risques
Deux conclusions sont à tirer de ces résultats. « La première est que si vous avez un cancer du poumon, ou si vous êtes à risque d'en développer un, si vous fumez par exemple ou si vous avez une maladie pulmonaire comme la BPCO (...), alors prendre des antioxydants peut être néfaste, et cela pourrait accélérer la croissance d'une tumeur » , a anticipé le Dr Bergö lors d'une conférence de presse. Il a rappelé qu'un grand nombre de patients à risque peuvent être porteurs d'une petite tumeur sans le savoir. Consommer des antioxydants pourrait déclencher une croissance prématurée de celle-ci. Il déconseille donc aux patients à risque d'en prendre.
« La seconde implication concerne les patients avec une maladie pulmonaire, la BPCO. Ces patients prennent de l'acétylcystéine en médication pour réduire la production de mucus, dans le but de mieux respirer. Parce que l'acétylcystéine a des propriétés antioxydantes, nous pensons que son usage dans ce groupe de patients devrait être évalué attentivement » , avertit Martin Bergö. L'équipe de l'université de Göteborg étudie à présent si ces résultats peuvent être étendus à d'autres types de cancer. Ils considèrent que l'efficacité des antioxydants en prévention du cancer reste à prouver.